jeudi 14 février 2013

Ubik de Philip K.Dick

La porte refusa de s'ouvrir et déclara :
- Cinq cents, s'il vous plaît.
A nouveau il chercha dans ses poches. Plus de pièces ; plus rien.
- Je vous paierai demain, dit-il à la porte. (Il essaye une fois de plus d'actionner le verrou, mais celui-ci demeura fermé.) Les pièces que je vous donne, continua-t-il, constituent un pourboire ; je ne suis pas obligé de vous payer.
- Je ne suis pas de cet avis, dit la porte. Regardez dans le contrat que vous avez signé en emménageant dans ce conapt.

1992, Joe Chip est un employé -très performant mais toujours fauché- de la société  Runciter Associates , il est chargé de tester des personnes douées de pouvoirs anti-psis, autrement dit de personnes capables de contrer des personnes faisant preuve de pouvoirs comme la télépathie ou la télékinésie ou des précogs (capables d'anticiper le futur) .... pouvoirs largement employés par la société Hollis afin d'espionner ses concurrents et de régner sur le marché. Suite à une commande de neutraliseurs de pouvoirs, Runciter envoie équipe sur la Lune .... or il s'agit d'un piège et tout bascule .... Mort ou vivant ? 1992 ou 1939 ? Tout se mélange, tout se confond et Chip tente désespérément de donner un sens à ce qui lui arrive et à comprendre comment il en est arrivé là ...

Donner un sens à ce qui lui arrive .... c'est exactement ce que j'ai ressenti tout au long de ce roman, qui se lit comme on se laisse porter par des vagues, sans vraiment savoir où l'on va, mais sans renoncer pour autant à poursuivre. Je me suis sentie, telle le personnage principal, désoeuvrée et en rupture de compréhension néanmoins je n'ai pas lâché l'affaire. 

Dick a ce talent rare de  nous amener dans des histoires remplies de non sens et pourtant de nous empêcher de fermer le livre en disant "purée je capte que dalle", j'avais déjà ressenti cela avec Le maître du Haut Château : un  livre plus qu'étrange à l'atmosphère feutrée où les personnages évoluaient lentement en restant accès sur leurs ressentis.
On a moins l'impression de lenteur dans Ubik, cela dit c'est tout de même une ambiance relativement calme, sans action véritable - en dehors du moment de l'explosion sur la Lune.

C'est donc un monde étrange où tout se monnaye, les portes d'entrées, les machines à café, les machines à laver .... même à l'intérieur de son propre chez-soi, l'on  ne peut rien manger ou laver si l'on ne possède pas de pièces de monnaies. Drôle de société capitaliste où il réside néanmoins encore quelques endroits qui prônent le partage et la mise en commun des ressources afin de rendre les actions de la vie quotidienne gratuites.
Un monde aussi où les morts sont maintenant en semi-vie, afin de pouvoir continuer à communiquer avec leurs proches. Une façon d'entretenir des relations avec eux : une autre façon de renoncer à la mort.

"Debout dans son cercueil transparent, enrobée dans un effluve de brume glacée, Ella Runciter reposait les yeux fermés, les mains levées en permanence vers son visage impassible. Deux ans avaient passé depuis la dernière fois qu'il avait vu Ella, et bien sûr elle n'avait pas changé. Elle ne changerait plus jamais maintenant, tout au moins dans son apparence physique Mais à chaque réveil à une semi-vie active, à chaque retour de l'activité cérébrale, même pour une courte période, Ella mourait en quelque sorte un peu plus Le temps qui lui restait s'écoulait en pulsations de phase et s'amenuisait"

Un monde aussi d'espionnage par des humains dotés de capacités surnaturelles ... quand on pense que l'on se situe en 1992, cela laisse songeur sur l'image que se projetait Dick du futur, quelques 30 années auparavant. Pourtant l'espionnage aujourd'hui existe bel et bien mais pas de cette manière là.

Un monde enfin sans repères, où Joe Chip, anti-héros par excellence, personnage totalement commun, ce qui nous le rend plus proche évidemment, évolue jusqu'au dénouement final.

Sans oublier ce fameux Ubik qui ressort d'un bout à l'autre du roman, sous forme d'abord de préludes à chaque chapitre pour prendre peu à peu consistance dans les dernières pages. Et tenir son rôle.

"Je suis Ubik.
Avant que l'univers soit, je suis.
J'ai fait les soleils.
J'ai fait les mondes.
J'ai créé les êtres vivants et les lieux qu'ils habitent ; je les y ai transportés, je les y ai placés.
Ils vont où je veux, ils font ce que je dis.
Je suis le mot et mon nom n'est jamais prononcé, le nom qui n'est connu de personne.
Je suis appelé Ubik, mais ce n'est pas mon nom.
Je suis.
Je serai toujours."
 
Un livre qui me laisse très dubitative, sans savoir si je l'ai apprécié ou détesté .... probablement parce qu'il n'a aucune ligne conductrice, qu'il nous mène joliment en bateau d'un bout à l'autre, mais sans lasser .. alors je ne sais vraiment pas. J'oserais presque dire que j'ai eu la sensation d'un livre écrit par un esprit un peu schizophrène ! Troublant mais happant !
Cela dit je suis tout de même satisfaite de le compter désormais à mes lectures, Philip K Dick compte tout de même comme une référence en matière de SF.

Ailleurs

3 commentaires:

  1. Faudrait bien que je le lise celui-là un jour. Ceci dit pour Dick, je te conseille plutôt ses nouvelles, en général elles sont bien plus faciles d'accès et bien plus compréhensibles ^^

    RépondreSupprimer
  2. Moi qui apprécie Dick, il fait partie de mes prochaines lectures indispensables !
    Effectivement, Dick est très accessible dans ses nouvelles : ça va droit à l'essentiel, ça se concentre sur un seul thème/concept, etc... Et surtout, c'est excellent !

    RépondreSupprimer
  3. Je crois que Dick était un brin psychotique sur les bords :D

    Le passage avec la porte c'est un de mes préférés.

    J'ai envie de le relire - encore- tss tss.

    RépondreSupprimer