samedi 30 mars 2013

Aux fruits de la passion de Daniel Pennac

Après Clara, c'est à présent Thérèse qui se marie avec le comte Marie-Colbert de Roberval ...
" Ce n'était pas un conteur. C'était un conseiller à la Cour des comptes. Le Petit était encore à l'âge où on place ses espoirs dans l'homonymie ; il entendait ce qu'il voulait entendre."
Et évidement on peut prévoir la suite des évènements, Benjamin en est malade (il sent, lui, de suite que ce n'est pas un homme pour sa soeur), le comte est assassiné et .... 
Mais non pour une fois ce ne sera pas Benjamin Malaussène l'accusé, pour la toute première fois, et ce n'est pas faute de s'y préparer, le pauvre tellement il a été accusé ces dernières années, il n'y a pas l'ombre d'un soupçon sur ses actes et présences là où il ne le faut pas.

Bon ... Aux fruits de la passion, qui est le dernier tome de la saga Malaussène que je possède -il existe encore Monsieur Malaussène au théâtre que j'avais lu mais non acheté et Des chrétiens et des maures jamais lu - et si je n'ai pas lu le dernier cité (qui pourtant chronologiquement intervient avant celui-ci) c'est que probablement Aux fruits de la passion avait sonné le glas de ma passion pour cette famille pas comme les autres.

A sa relecture, je pense que j'ai eu les mêmes sensations que la première fois, ce roman-ci est un loupé .... c'est celui de trop, car si la sauce avait eu un peu plus de mal à prendre déjà avec Monsieur Malaussène, elle n'a pas pris du tout avec Aux fruits de la passion. Pire, je me suis même un tantinet ennuyée.
C'est que ce coup-ci, on a non seulement la sensation de relire du mille fois lu mais en plus Pennac semble avoir remisé au placard tout ce style qui faisait le délice de son récit sur les Malaussène, ses réparties, ses notes d'humour, ses jeux de mots ... presque rien .... 
La tendresse des débuts ? presque inexistante .... Peut -être aurait-il fallu que l'auteur stoppe sa saga sur le précédent roman (même si le précédent je ne l'ai pas lu et que j'ignore si je l'aurais apprécié ou non, je l'achèterai peut- être un jour pour me faire mon idée.)

En tout cas j'ai été déçue et pour moi c'est vraiment le plus faible de la série, même si l'on retrouve les personnages que l'on aime, on a la sensation qu'ils sonnent creux, qu'ils sont fatigués eux aussi de toute cette attention tournée vers eux depuis tant d'années. Il aurait peut-être été temps de les laisser tranquilles ce coup-ci ....

Mon préféré restant La fée carabine, de loin ! je regrette presque avoir terminé mon plaisir de lecture par cette note de frustration ... Dommage.

jeudi 28 mars 2013

Loin, très loin de tout de Ursula Le Guin

"Si vous attendez de moi que je vous raconte comment  j'ai gagné mon insigne de basket-ball et acquis célébrité, amour et fortune, alors ne lisez pas cette histoire. J'ai acquis quelque chose, c'est sûr au cours des six mois dont je vais vous parler. Mais quoi ? Je n'en sais rien. Je pense que je n'aurai peut-être pas assez de toute ma vie pour le découvrir."

Voici comment Owen, dix-sept, jeune américain d'une famille bourgeoise, sans plus, démarre son récit de vie. C'est qu'il est à part, Owen, doué pour les études mais sans savoir vraiment où il va et surtout il se sent un être à part, hors du coup, incapable d'être le leader d'une bande ou d'être populaire.
Celui que l'on ne remarque même pas, qui reste un peu à l'écart, observant les choses sans s'y mêler et qui n'ose pas non plus aller contre la volonté de ses parents. Ainsi lorsque son père lui offre une voiture pour son anniversaire, il  n'ose pas lui avouer que son cadeau est inutile à ses yeux, de même il s'apprête à s'inscrire à la faculté alors qu'il aimerait aller à l'Institut de Technologie du Massachusetts.
Sauf qu'il ne veut ni décevoir ni faire de la peine à ses parents, alors il se coule dans un moule qui n'est pas le sien et il se sent malheureux .... jusqu'au jour où il rencontre Natalie, une jeune fille quelque peu atypique aussi qui rêve d'être compositrice de musique ....

C'est un très petit livre qu'a écrit là Ursula Le Guin, une centaine de page sur la réflexion d'un adolescent qui cherche à être lui-même dans un monde où il faut être comme tout le monde pour être accepté.
Personne n'ignore que je suis très très fan de Le Guin et je me demandais bien comment j'allais appréhender le tout premier roman jeunesse qu'elle écrit. Eh bien je n'ai pas été déçue, je crois qu'en fait je ne serai jamais déçue par ses écrits.
Certes on est loin de sa prose magique de Lavinia et autres mais on reconnaît parfaitement son style et surtout une fois de plus elle sait aller au fond des choses, elle sait analyser sentiments et comportements, elle sait parler aux lecteurs ... à tel point que l'on se sent concerné même s'il s'agit de l'histoire d'un jeune américain alors qu'on est une adulte française.

De fait, je dois bien avouer qu'il m'a plus que parlé ce livre .... parce que cet Owen, j'ai tellement ressenti ce qu'il traversait qu'il aurait tout à fait pu être mon double masculin. Je me suis sentie très touchée, droit au but Ursula Le Guin une fois de plus !
"Certains types à vrai dire, n'ont pas un moi très encombrant. Ils font véritablement partie d'un groupe. Et pourtant, il y en a un tas qui se conduisent tout simplement comme j'ai essayé de le faire, ou qui font semblant. On ne peut pas dire qu'ils prennent vraiment à coeur le groupe, et malgré tout ils s'entendant bien avec les autres. Cela marche. J'aimerais en être capable. Franchement, j'aimerais pouvoir être un parfait petit hypocrite. Cela ne fait de mal à personne et la vie doit être tellement plus facile. Mais je n'ai jamais pu duper qui que ce soit. Ils comprenaient tout de suite que ce qui les intéressait ne m'intéressait pas, et à cause de cela, ils me méprisaient et je les méprisais de me mépriser."

J'ai donc dévoré ce petit livre, en me sentant touchée à coeur, très profondément, ce qui a induit aussi une certaine tristesse en moi.
Heureusement la vie d'Owen -qui lui en a encore une sacré bonne partie devant lui - n'est pas si désespérée (que la mienne ?) et surtout a des chances de prendre tout son sens grâce à sa rencontre et son alchimie avec son amie. C'est rassurant de lire que tout n'est pas perdu pour tout le monde ...
Et aussi il y a la musique dans ce roman ....présentée par une auteure aussi talentueuse que Le Guin, elle devient tout simplement magique, au point que même si on est déjà une passionnée (j'ai grandi dans le classique, cela marque et je garderai toujours un amour pour les concertos, symphonies et autre et encore plus pour mon instrument roi le piano), on ne peut qu'aimer encore plus et se sentir touché, une fois de plus.
"Les violons et le violoncelle jouaient de longues notes qui s'étiraient doucement dans une sorte de rumeur tremblée et il y avait une double phrase mélodique, celle de la chanteuse et celle de l'alto qui s'unissaient et se répondaient tour à tour. Un air grave, prenant, douloureux, qui se brisa sur ces cinq derniers mots avant de se taire. "

En conclusion un roman fort comme Ursula Le Guin sait les écrire, qui secoue, qui sait parler juste ....

Extrait :

"Lorsqu'on découvre qu'on est seul, vraiment seul, je crois que le plus souvent on panique. On se jette dans la situation exactement opposée et on se mêle à un groupe : club, équipe, association. On commence à s'habiller exactement comme les autres. C'est un moyen de se rendre invisible. La façon de coudre ses pièces sur les trous des jeans devient d'une importance incroyable. Si elles ne sont pas cousues comme il faut, vous n'y êtes pas. Vous devez y être. Y être. Vous avez remarqué comme ces mots sont bizarres ? Être où ? Être avec eux. Avec les autres. Tous ensemble. C'est le nombre qui fait la force. Je, ça n'existe pas. Je suis un insigne de basket-ball, le boute-en-train de la classe, l'ami de mes amis .... [...]
Vous ne pouvez pas me voir. Ce que vous voyez, c'est nous. Seulement nous. Ensemble, peinards.
Et si Nous Vous apercevons, vous là-bas, tout seul dans votre coin, ou bien la chance est avec vous et nous vous ignorerons, sinon il se pourrait bien que nous vous lancions des pierres. Car nous n'aimons pas ceux qui ont sur leurs jeans des pièces différentes des nôtres, et qui nous rappellent que chacun d'entre est seul, qu'aucun d'entre nous n'est peinard.
J'ai essayé. Tellement tout essayé que cela me rend malade rien que d'y penser."

Ailleurs
Vert ...que je remercie pour m'avoir donné envie de le lire grâce à son billet.

mardi 26 mars 2013

Top Ten 36

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon un thème littéraire défini sur le blog de Iani - rendez-vous initialement prévu créé par The Broke and The Bookish



Voici donc le thème pour cette semaine

Les 10 livres que vous recommanderiez (ou que vous recommandez le plus souvent)



1) Des fleurs pour Algernon de Daniel KEYES
Parce que c'est tellement humain et sensible que c'est un petit chef d'oeuvre que tout le monde devrait lire ne serais-ce que pour la tolérance.


2) La horde du contrevent de DAMASIO
Histoire de se prendre un bonne claque ou de ne pas ressortir la tête d'un bouquin durant 700 pages.



3) Lavinia d'Ursula LE GUIN
C'est juste une merveille d'écriture ... une des plus belles qui soient données dans la littérature de fantasy. De plus c'est une très belle histoire, ce qui ne gâche rien.



4) Janua Vera de Jean Philippe JAWORSKY
Parce que c'est juste une plume sublime .... et c'est du hautement intelligemment manié !



C'est LA référence de la fantasy, il faut juste le lire, je suis bien placée pour le dire, moi qui ai mis tant de temps à m'y mettre !

  
Dune de Frank HERBERT
Idem que pour le précédent c'est pour cela que je les mets tous les deux ensemble, c'est LA référence de la SF. Il faut au moins se plonger dans les deux premiers tomes, parce que créer un tel univers aussi précis et fourni, c'est juste prodigieux.



6) Exodes de Jean Marc LIGNY
Et si on le mettait en lecture dans tous les lycées celui-ci ? Rien que pour former la jeunesse - adulte de demain- au minimum en ce qui concerne la protection de notre planète ? Il suffit de lire ce roman d'anticipation pour avoir aussitôt le réflexe de couper l'eau lorsqu'on se brosse les dents (bon à vrai dire, je le faisais déjà depuis longtemps !)



7) La route de Mc CARTHY
L'un des livres les plus forts sur le post apocalypse, à lire absolument au moins une fois dans sa vie ! (Une fois suffit en fait, il marque tellement qu'on ne l'oublie pas facilement).




8) Les fables de l'Humpur de Pierre BORDAGE
Un roman de grande qualité, et d'une originalité telle qu'il faut le découvrir, absolument ! 

9) Sur la piste des dragons de Elian BLACK MOR
Pour tous ceux qui aiment les beaux albums et les dragons, c'est juste une merveille pour les yeux, de plus c'est plein de poésie, à découvrir absolument !




10) La Ballade de Pern de Mc CAFFREY
Parce que c'est juste génial mais je ne serai plus jamais objective en ce qui concerne cette série, lol.







 Pour une fois ce fut dur d'arriver à 10 parce qu'il en reste un sacré paquet que j'aurais envie de conseiller ! Comme les Lames du cardinal de Pierre PEVEL ou la Citadelle des Ombres de Robin HOBB ou enfin Fils de Brume de Brandon SANDERSON !
Ou encore le Trône de Fer de MARTIN, mais j'arrête là sinon ce sera un Top 30 !


samedi 23 mars 2013

Monsieur Malaussène de Daniel Pennac

"Réveil brutal de ma défense.
- Un assassin, parfaitement ! renchérit maître Ragaud. Et qui n'en était pas à son coup d'essai lorsqu'il brûlait vifs les malheureux habitants de cette paisible maison alpestre !
Ma défense bondit :
- Je ... Nous ... Ces allusions ...!
- Dix-sept ! rugit maître Ragaud. Dix-sept allusions à dix-sept meurtres ! bombes, couteau, seringues, revolver, avant les quatre exécutions par le feu de Loscence ! Sans parler de ces pauvres filles découpées au profit d'on ne sait qui ...
- C'est pas vrai !
(Je le jure, mon avocat s'est écrié "C'est pas vrai". Ma défense a objecté que c'était "pas vrai !". L'unique objection de ma défense : "C'est pas vrai !")
Maître Ragaud lui-même en est sincèrement affligé."

Il fallait bien que cela arrive un jour ... à force d'être toujours présent au mauvais moment, au mauvais endroit ... Benjamin Malaussène se retrouve accusé de vingt et un meurtres ! Un condensé de toutes les morts arrivées lors de ces dernières années : les attentats aux bombes du Au bonheur des Ogres, les drogués de la Fée carabine, le meurtre du mari de Clara de La petite marchande de prose .. et maintenant ...
"Bref, voici la conclusion de maître Rabutin : moi, Benjamin Malaussène, j'aurais écrit ces faut pour éliminer un enfant non voulu. Puis j'aurais assassiné le docteur Fraenkhel au nom de la vengeance paternelle -circonstances atténuantes s'il en est - pour dissimiler le véritable mobile de ce meurtre : le vol du film Unique !"

Verdict en 4 minutes 31 secondes chrono : coupable ... 
Sentence : réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une peine de sécurité de trente années incompressible.

"Explosion de joie universelle. Je n'ai jamais fait un tel plaisir à tant de gens en même temps. Monsieur Quatorze Juillet soi-même ! Il ne manquait que les fusées d'artifice. Le voisin embrassait la voisine. Délivrés du mal, tous autant qu'ils étaient. Alléluia !"

Rideau .... acte suivant ... Car Pennac consacre une partie (la plus importante) de son récit à une mise en abîme des plus réussies (parce qu'on fonce à plein dedans) .... le théâtre dans le théâtre, en somme l'histoire dans l'histoire ... avant de tirer le rideau et de reprendre le cours normal des évènements. Je m'y suis fait prendre, comme probablement la toute première fois que je l'avais lu, malin le bonhomme ! Le tout d'autant plus réaliste que c'est rédigé par Jérémy lui-même, qui s'est décidé metteur en scène de pièces théâtrales au Zèbre, un cinéma en voie de démolition .... à moins que la projection d'un fameux Film Unique, légué à Julie, sauve le tout ...
Sauf que ce Film disparait, que son auteur lui-même (et son fils avec) sont assassinés ... qu'en même temps des prostituées repenties se font écorcher vives par un amateur de tatouages .... C'est l'apothéose en matière de criminalité dans Belleville. Dommage qu'une fois de plus notre Bouc émissaire soit dans les pattes de la police, une police moins conciliante que ne fut le Commissaire Divisionnaire Coudrier, parti à la retraite et remplacé par un gendre qui veut faire du zèle.

Heureusement pour soutenir Benjamin, il y a la famille (renforcée par la récente arrivée de C'est Un Ange), il y les amis dont le cercle ne cesse de s'agrandir : ainsi Gervaise, fille de Thian, vient remplacer ce dernier aux yeux de Verdun, l'enfant atomique, ainsi deux nouveaux flics Titus et Silistri prennent Benjamin en affection .... et puis Cissou, Clément, des personnes qui traversent sa vie le temps d'un battement de coeur ... sans oublier LA nouvelle, Julie est enceinte !
Après avoir élevé les enfants de sa mère, Benjamin deviendrait père ! Avec tous les doutes et interrogations que cela provoque (oui le Bouc émissaire est un cérébral non spontané, tout est jugé à réflexions et angoisse, rien que du cogitage, rien de nature !), pas étonnant que l'homme ait pu péter un cable n'est-ce pas ? et assassiner tant de personnes ...

Bon .. pour le coupable ou non , pour le "l'a t-il fait ou pas ?", je vous laisse le loisir de le découvrir en lisant ce Monsieur Malaussène, le plus long roman de la série, 645 pages exactement ! Où l'on trouve un condensé de tout le reste plus un peu plus d'explosif et de loufoque, la fin en témoigne .... Ce serait même presque un peu trop Monsieur Pennac ! 
Cela dit cela a au moins le mérite de laisser la part à une imagination plus que débordante de la part de l'auteur qui nous entraine sans sourciller dans son délire .... sous fond de trafic d'images en ce siècle Lumière.

Moins jubilatoire (sauf la mise en abîme) que la Fée carabine ou la Petite Marchande de prose mais tout de même bien sympathique, cette tribu Malaussène décidément ne nous lâche pas !

mercredi 20 mars 2013

Omale de Laurent Genefort Tome 1

Un monde composé de plaines, fleuves, montagnes, vallées, océans et déserts ... mais plat. Un soleil Héliale qui reste perpétuellement au zénith ... Deux saisons seulement.
Sur ce monde, trois espèces intelligentes ou rehs qui se partagent l'espace vital :
- Les Humains
- Les Chiles, sorte de géants à la tête camuse et asymétrique  dont la peau est parsemée de plaques, quasiment invulnérables, d'une force peu commune.
- Les Hodgqins dont les jambes sont articulées à l'envers, dotés d'une tête brachycéphale et de trois sexes.
Alors que les conflits majeurs opposants ces trois rehs ont cessé parvenant à un accord de coexistence pacifique, Omale, tout premier tome de la série de Genefort, nous propose de suivre le destin de 6 individus réunis mystérieusement à bord de la Nef le Yyalter parce qu'ils possèdent tous le fragment d'un même oeuf et d'un objectif commun : rallier Stadville.

Omale c'est un monde de space opéra aussi complet que la planète Dune, avec ses habitants aux moeurs et passés différents, ses religions, ses us et coutumes et surtout son histoire (que l'on découvrira visiblement plus en approfondi dans les Conquérants d'Omale, second opus) mais aussi sa végétation et sa faune. Une planète qui fut le théâtre de conflits et de guerres entre ses peuples jusqu'à un accord qui néanmoins n'efface pas les peurs et les haines des uns et des autres. Car ces trois rehs ne s'apprécient guère même s'ils sont amenés à vivre plus ou moins ensemble.

"Les Chiles avaient au moins un point commun avec les Humains : la peur de tout autre que soi. Leur haine mutuelle était d'autant plus grande qu'ils se ressemblaient par de nombreux côtés, qu'ils se renvoyaient une image déformée d'eux-même."

D'où l'intérêt évidement de réunir dans les six personnages principaux des représentants de chacun des rehs. Ainsi Sheitane et Kasul sont des Humains, Alessander vendu comme esclave aux Chiles et devenu un Elerak ; Amees est un Hodggins et Sikandaïrl et Hamlorfaïs sont des Chiles. Ensemble embarqués dans la même galère - leur nef attaqué par des pirates (dont l'investigatrice n'était autre que Sikandaïrl) - dérive lentement dans les airs, au-dessus de l'Océan et parce qu'ils sont en survie ils sont bien obligés d'apprendre à se connaître, à se supporter, à avancer ensemble, voire même à s'apprécier.
Leur méfiance de départ peu à peu s'étiolera au fur et à mesure de leur voyage et surtout de leur participation au jeu de fejij dans lequel se trouve la solution de l'énigme et surtout qui déterminera celui qui sera habilité à commander les cinq autres.
Il est intéressant aussi de constater que comme beaucoup de romans de SF, l'Humain n'est pas forcément représenté dans son meilleur jour.

Ce jeu prendra d'ailleurs la plus grande partie du récit d'Omale, entrecoupée par les évènements qui peu à peu arrivent au cours de leur voyage. Le jeu et aussi le récit de chaque passé de chaque personnage, l'autre condition de participation étant que chaque perdant doit raconter son histoire.
Ainsi cheminons- nous dans un huis-clos parmi des personnages obligés de vivre ensemble, avec toutes leurs différences et toutes leurs méfiances, et de se livrer. Laurent Genefort nous livre ainsi  une bonne étude de la psychologie de chacun de ses personnages, entrecoupée heureusement de moments d'actions qui, sans cela, aurait pu faire paraître le récit un peu ennuyant. Mais finalement non seulement je me suis attachée aux personnages, aussi étranges soient-ils, mais en plus j'ai accroché à ce premier tome qui comporte une grande richesse de découverte d'un monde complètement atypique et non familier.
Il est déjà difficile de se faire une image des Rehs tellement ils paraissent éloignés du modèle humain mais de plus les différents nefs qui parcourent l'espace sont plutôt complexes, entre l'avion et la montgolfière, tendue de ballonnets et de toiles destinés à faire progresser le tout ... sorte de cétacé géant dont les voyageurs se situent dans une gigantesque nacelle ....

En dehors de l'aspect "humain" très intéressant et bien fouillé dans Omale, l'autre côté passionnant réside dans le fait que Laurent Genefort a véritablement créé un univers particulier, avec sa propre faune et végétation, ses technologies, son passé, l'impact aussi de sa religion : ainsi chez les Humains ce sont le Panslam et l'Escopalisme qui dominent le monde virtuel alors que les Chiles pratiquent le fejij (qui en fait est bien plus qu'un simple jeu de stratégies) et que les Hodgqins possèdent une religion fondée sur l'ethfrag. Ces religions tiennent un rôle très important dans un monde qui fut déchiré par la guerre et le non tolérance.

Laurent Genefort, rencontré aux Utopiales, m'avait dans sa dédicace, écrit ces mots-ci
"Pour Endea, Bonne découverte (au risque de vous perdre) "

Eh bien non Monsieur Genefort, non seulement vous ne m'avez pas perdue, mais en plus je vais continuer l'aventure avec votre Omale.
Suite au prochain tome !

A noter aussi que je suis absolument conquise par la couverture de ces deux intégrales, illustrations signés Manchu.

Citation
Un Chile dans le jardin humain
et le jardin dépérit
Un Homme dans le jardin chile
et le jardin dépérit
Un Chile dans le jardin hodgqin
et le jardin dépérit
Un Hodgqin dans les autres jardins
et le Hodgqin dépérit

Ailleurs


dimanche 17 mars 2013

La petite marchande de prose de Daniel Pennac

"Vous avez un vice rare, Malaussène, vous compatissez"

Elle ne croit pas si bien dire Majesté -alias la reine Zabo -  éditrice des Editions du Talions, et patronne de Benjamin. Elle peut même ajouter :
"Vous êtes le double douloureux de ce bas monde, Malaussène ! Même moi j'arrive à vous émouvoir, c'est dire !"

Parce que Benjamin Malaussène veut démissionner de son rôle de Bouc Emissaire, le voilà embringué dans un emploi bien pire : faire le double d'un écrivain à succès qui tient à rester dans l'ombre. Faire son double consiste à le représenter en public, répondre à des interviews, participer à des meeting ... et en prime déchainer les passions, les jalousies, les tromperies ..... et se faire tirer dessus. Pourtant Malaussène ne le sentait pas vraiment ce rôle, voire même il ne le voulait pas.
Sauf que sa petite Clara, sa petite soeur préférée, celle qu'il a mise au monde lui-même, perd son futur mari (un archange de 58 ans, directeur de prison idéaliste .... et assassiné au sein même de son établissement pénitentiaire), avant même de se faire passer la bague au doigt, pourtant attend déjà un enfant .... Alors c'est pour elle et ce futur petit à qui il veut constituer un pécule qu'il accepte ... au péril de sa vie.

Et nous voici reparti dans une aventure des plus déjantée au pays des livres, des éditions, de tout ce qui se cache derrière, les magouilles en tout genre, les déchaînements de passions mais par dessus-tout, l'amour de l'écriture, de la reliure, du beau, de l'ancien ....
Si le tour premier tome de la saga de Pennac, Au bonheur des Ogres, nous présentait la tribu Malaussène, si le second tome La fée carabine témoignait de beaucoup de tendresse, ce troisième tome est parti plutôt dans une dérive folle dingue d'une apothéose des malheurs de notre Benjamin Malaussène. Maudit il est, maudit il reste et tout cela parce que, une fois de plus mêlé à un meurtre, le Commissaire divisionnaire Coudrier lui a ordonné de reste le plus à l'écart de tout cela. Ordre écouté et obéi, Benjamin passera les trois-quart du roman relié à des tas de machines, victime d'un médecin machiavélique qui prend son corps pour une banque d'organes vivantes .. alors qu'autour de lui de déchainent les passions et les délires des uns et des autres.

On peut dire que Pennac s'en ait donné à coeur joie dans ce roman-là. D'une part il nous livre une grande partie de son amour des romans  mais d'autre part il nous l'offre au milieu d'un belle explosion d'humour et de loufoque. C'est marrant car je l'avais déjà lu ce roman, mais il a tout de même réussi à me surprendre, à me faire gober la tournure dramatique des évènements : Benjamin, puis Julie sa douce et tendre, transformés l'un en martyre et la seconde en vengeresse acharnée au nom de l'Amour.
L'Amour avec un grand A car c'est toujours ce qui ressort de cette saga, l'Amour de Benjamin pour sa famille, l'Amour qu'ils se portent les uns aux autres, l'Amour de Benjamin pour Julie et réciproquement ... mais aussi l'Amour au travers des multiples sympathies qu'il engendre, que ce soit de ses amis fidèles, sa deuxième famille : Amar et Yasmina ou le commissaire Coudrier. Il est étonnant d'ailleurs à quel point Pennac a su rendre attachant un gars qui à la base pourrait passer pour le dernier des crétins ou au mieux un malchanceux au point qu'on ressentirait le plus grand mépris pour lui, oui après tout ses situations on se demande s'il ne se jette pas à pieds joins dedans ! Et pourtant .... non, il est tellement naïf en quelque sorte, mais dans le bon sens du terme, tellement sympathique et aimant, qu'on ne peut que l'aimer.

Tout ceci sous la plume de Pennac, toujours poétique, jeux de mots et métaphores, qui coule, qui happe, qui nous emmène au plus profond de sa déjantée Petite marchande de prose.
J'avais adoré lorsque j'avais découvert cette série il y a plusieurs années, je me rends compte que j'aime toujours autant.


vendredi 15 mars 2013

Warbreaker de Brandon Sanderson

Idris et Hallanden sont deux cités ennemies et antagonistes par bien des points : leurs religions, leurs cultures sont fondamentalement différentes. La première croit en un dieu invisible alors que la seconde adule des Dieux bien vivants, ce sont les rappelés, des morts rappelés à la vie par le Souffle.
Vivenna, la soeur aînée du roi d'Idris doit ainsi épouser Susebron le Dieu-Roi d'Hallanden et lui donner un héritier, la guerre pourrait peut-être comme cela évitée. C'est pourtant Siri que l'on envoie se marier, la cadette, celle qui n'a pas de rôle dans la famille.
Et voici la jeune fille dans un monde qui lui est totalement étranger, un univers où les Dieux semblent avoir tout pouvoir et pourtant .... elle fera la connaissance de Chanteflamme un Rappelé qui n'aime pas son métier de Dieu et fait tout pour le contrarier. Tandis que Vivenna, partie au secours de sa soeur, va vivre une aventure qui la conduire loin de sa condition de princesse et à la rencontre de Vasher un homme accompagné d'une étrange épée noire Saignenuit.

Brandon Sanderson ..... après ma lecture plus qu'enthousiasme de Fils de Brumes, autant dire que j'en attendais beaucoup. Dans un sens je n'ai pas été déçue. Sanderson signe là un roman original porté sur la Magie du Souffle, qui met en jeu complots, intrigues politiques et surtout trahisons .... 
Cependant j'ai eu quelques réserves en le lisant .... alors peut-être que je n'étais pas dans une période optimum pour y entrer complètement parce qu'au final je l'ai lu de façon très morcelée et cela ne lui a pas profité. J'ai oscillé entre un grand  intérêt lorsque je parvenais à lire quelques chapitres de suite et un certain ennui à certains passages. Il faut dire que le roman a un rythme assez lent au démarrage, qui n'aurait pas été gênant s'il était prévu d'en écrire plusieurs tomes mais qui du coup n'est pas assez actif pour un tome unique, alors qu'en contrepartie la fin est complètement haletante et du coup j'en suis sortie en me disant, waohh j'adore !
J'aurais tendance à penser que si Warbreaker avait bénéficié d'un récit plus étalé au moins sur deux tomes, il y aurait gagné en qualité, ce n'est pas si facile d'écrire un roman complet en un seul livre. Il y a un décalage entre les moments du début qui semblent ne plus en finir ( l'arrivée à la cour de Siri, les premières rencontres de Vivenna, les interrogations interminables de Chanteflamme sur sa condition, c'était presque pénible) et le dénouement qui m'a tellement happée que j'ai profité d'une insomnie pour continuer à le dévorer (à se demander si je ne me suis pas réveillée exprès car au lieu de tenter de me rendormir j'ai vite allumé pour lire).

Après ne soyons pas mesquine, c'est la seule critique que j'apporte à ce roman, qui a souffert aussi de passer après Fils de Brumes, je suis certaine que si je l'avais découvert avant, j'aurais accroché plus facilement.
Bon il n'en reste pas moins que Brandon Sanderson, j'aime beaucoup.
D'abord il parvient à crééer une autre magie aussi originale que celle de sa trilogie, qui porte sur la détention de Souffles : selon le nombre détenu, l'individu accède à certains pouvoirs, qui portent sur les sens.
La Première Elévation par exemple (détention de 50 Souffles) permet la reconnaissance des auras, tandis que la Seconde entraine l'oreille absolue ... et ce jusqu'à la Dixième Elévation (50 000 Souffle) donne l'accès à la distorsion des couleurs, l'invocation parfaite (donner vie aux objets par exemple).
Seuls les Dieux rois peuvent posséder la dernière Elévation.
Cette magie conduit aussi à la dépossession du Souffle, on devient alors un Morne, quelqu'un dépourvu de Couleurs. Quant aux Sans Vie ce sont de sortes de morts vivants, animés par des Souffles mais dépourvue de sentiments. Ce sont les Commandement qui les peuvent les mettre en marche. Ils m'ont fait penser aux Autres du Trône de Fer ou aux Forgisés de la Citadelle des Ombres, à la différence que ces derniers sont en libre arbitre alors que les Sans Vie constituent une sorte d'armée qui l'on anime à volonté. Mais leur manque de sentiments et de compassion les réunit tous.
Une magie qui porte sur les Couleurs et le Souffle, voilà qui est pour le moins original, c'est cela que j'aime chez cet auteur, il créé des magies très particulières.

Ensuite ce que j'ai apprécié dans ce roman, c'est tout ce jeu sur les apparences, lesquelles sont trompeuses. Ainsi ce n'est pas la fille qui avait été élevée pour être mariée au Dieu Roi qui le sera, qui plus est non seulement c'est la plus follette des deux qui épouse le Dieu mais en plus son tempérament finit par être totalement en symbiose avec son nouvel univers. Tout comme la transformation de Vivenna, jeune princesse gâtée et bourrée de principes qui va se transformer de manière radicale, un bon point pour elle car elle ne m'était vraiment pas sympathique au commencement de l'histoire.
Le Dieu Roi ensuite, présenté comme une sorte de monstre sacré .. mais qui en réalité est beaucoup plus humain que les Prêtes qui gouvernent sa vie. Et l'évolution de la rencontre entre Susebron et Siri est intéressante (heureusement car là encore ce n'était pas gagné.)
Les personnes en qui se fier pour terminer ne sont pas celles que l'on croit et Vivenna en fera la cruelle expérience (moi y comprise car je ne m'attendais pas du tout à certaines trahisons, j'en ai même été déçue car je m'étais attachée à ces personnages mais c'est Sanderson ça, il se joue de nous et on plonge ! ). Tout se joue sur ce qui aurait du être mais ne l'est pas en vérité et c'est vraiment l'autre aspect intéressant de ce Warbreaker.

Et enfin l'histoire en elle-même est plutôt sympathique, certes basée sur un fait classique : l'opposition entre deux peuples, l'imminence d'une guerre mais accompagnée de faits moins banals comme la cour de ces Dieux, les habitants colorés de la cité d'Hallandren et bien entendu la fameuse Magie des Souffles.

En conclusion, si Warbreaker a donc souffert d'inégalités dans l'intérêt de son récit, d'une fin trop abrupte en comparaison avec certaines lenteurs, c'est tout de même un sacré bon bouquin et Brandon Sanderson est un sacré bon auteur !

Ailleurs


mardi 12 mars 2013

Top Ten 34

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon un thème littéraire défini sur le blog de Iani - rendez-vous initialement prévu créé par The Broke and The Bookish





  Voici donc le thème de cette semaine:

Les 10 livres à lire pour le printemps

1) Omale Intégrale 2  de Laurent GENEFORT
Puisque j'aurai lu l'intégrale 1, forcément je poursuivrai.

2) Chronique d'un rêve enclavé d'AYERDHAL
Acheté aux Utopiales, je n'ai pas l'intention de le faire trainer trop dans ma Pàl.

3) Elle qui chevauche les tempêtes de George R.R.MARTIN et Lisa TUTTLE
Celui-ci me donne grandement envie, il y a fort à parier qu'il sera très prochainement lu.

4) L'île au trésor de Pierre PELOT
Il fait déjà partie de mon Top Ten des livre à lire absolument en 2013, donc allons-y gaiement. 

5) Des milliards de tapis de cheveux de Andreas ESCHBACH
Idem que pour le 4.

6) Trois soeurcières de Terry PRATCHETT
Il parait que c'est l'un des meilleurs, c'est le dernier en tout cas que je possède dans ma Pàl et c'est celui qui déterminera si je poursuis ou non ma lecture des Annales du Disque-Monde. Il a beaucoup de pression sur sa tranche ce livre là ! En plus il fait lui aussi partie du mon Top Ten des livres à lire en 2013.

7) Abzalon de Pierre BORDAGE
Idem que le 4. Puis c'est un livre prêté, il faudra bien que je le rende un jour !

8) Le monde selon Garp de John IRVING
C'est une relecture en réalité, mais ayant découvert il y a peu Une prière pour Owen, j'ai eu envie de me replonger dans celui-là qui m'avait vraiment enchantée lorsque je l'avais lu pour la première fois. Pis c'est de la littérature générale, à ne pas oublier !

9) L'insigne du chancelier Les lames du roi 1 de Dave DUNCAN
Cela fait trop longtemps que je l'ai dans ma pàl celui-ci, en plus c'est un vieux livre de poche tout abîmé et il m'horripile, il fait tâche parmi mes livres neufs (oui désolée je n'ai guère de pitié pour les vieux livres tout usés, enfin sauf les VRAIS vieux, ceux qui ont de la valeur, celui-ci est un livre de poche et ils vieillissent très mal généralement), alors je veux le mettre ailleurs.

10) Le renégat de Robin HOBB
Je l'avais jeté de mon Top livres 2013 celui-ci parce que je n'étais pas parvenu à le lire non plus en 2012. Le soucis c'est que d'une part c'est la série que j'aime le moins de Robin Hobb et d'autre part, mes lectures des tomes précédents remonte à tellement loin que je ne me souviens plus de grand chose. Cela dit, même il faut quand même que je le lise et termine une bonne fois pour toute cette série, même si elle ne sera probablement pas chroniquée puisque je n'ai écrit aucun billet sur les premiers tomes. Peut-être un billet global sur l'ensemble de la série ? Qui vivra verra ...

En tout cas si je parviens à lire ces 10 là durant le printemps, sans racheter de livres entre temps ma Pàl aura atteint le nombre honorable de 10 livres !!!

dimanche 10 mars 2013

La fée carabine

"Il préparait déjà sa phrase : «Permettez-moi de vous aider grand-mère», qu'il prononcerait avec une douceur petit-filiale, presque un murmure, pour que cette brusque interruption du son dans l'amplificateur auditif ne fît pas sursauter la vieille dame. Il n'était plus qu'à un grand pas d'elle, à présent, tout amour, et c'est alors qu'elle se retourna. D'une pièce. Bras tendu vers lui. Comme le désignant du doigt. Sauf qu'en lieu et place de l'index, la vieille dame brandissait un P.38 d'époque, celui des Allemands, une arme qui a traversé le siècle sans se démoder d'un poil, une antiquité toujours moderne, un outil traditionnellement tueur, à l'orifice hypnotique.
Et elle pressa la détente.
Toutes les pensées du blondinet s'éparpillèrent. Cela fit une jolie fleur dans le ciel d'hiver."

Un meurtre et trois témoins, dont deux arabes qui évidement sont soupçonnés, qui pourrait penser qu'une innocente vieille dame serait une meurtrière alors que des coupables tout évidents se trouvent au bon endroit ? 

Un meurtre donc, des petits vieux qui se shootent aux frais de la mairie, un commissaire divisionnaire qui apprend le vol à la tire à ses petits-enfants,  des petites vieilles qui s'entrainent à tirer dans les catacombes de Paris, une journaliste qui disparait et réapparait dans le coma, victime d'un meurtre raté ..... voilà le nouveau quotidien de notre bouc émissaire, Benjamin Malaussène, le gars le plus gentil et affectif de la Terre et qui pourtant une fois de plus, on accuse. 
Il faut avouer que le pauvre diable se trouve toujours au mauvais endroit, au mauvais moment, qu'en plus il a entrepris de sevrer de la drogue tous les petits grands-pères et grands-mères qu'il trouve -lesquels habitent chez lui- et qu'il est responsable de la famille la plus zarbi qui soit : un Petit qui fait de la poésie avec la mort, un Jérémy  qui jure et dit les choses comme elles sont, une Clara tendre et aimante qui fait de la photo, une Thérèse qui lit dans les lignes de la main et enfin la petite dernière, née de la mère de tous et d'un père incertain, la petite Verdun qui hurle dès qu'elle est éveillée. N'oublions surtout pas Julius le chien épileptique et l'oncle Stojilkovicz le champion des échecs.

Le tout dans une ambiance totalement déjantée, remplie de clichés, de stéréotypes, d'humour, d'amour et de tendresse.
La tendresse ... je le soulignais déjà dans mon billet sur "Au bonheur des ogres" mais elle est encore plus flagrante dans La fée carabine, cela déborde de partout, mais sans être mièvre ou niais .. non c'est cette chaleur dont tout humain rêverait. C'est vraiment ce qui caractérise ce roman-là et qui en fait mon préféré de tous.
Ajoutons à cela la façon d'écrire de Pennac .... un des seul auteurs capables de rendre un meurtre poétique :
"- C'est vrai, oncle Stojil, j'ai vu une fée, elle a transformé un mec en fleur.", capable aussi de partir dans des phrases à rallonge sans aucun point et que l'on lit avec la même frénésie qu'il a du mettre en les écrivant .... je l'avais déjà remarqué dans Kamo et moi.

"Il y a ceux que le malheur effondre. Il y a ceux qui en deviennent tout rêveurs. 
Il y a ceux qui parlent de tout et de rien au bord de la tombe, et ça continue dans la voiture, de tout et de rien, pas même du mort, de petites propos domestiques, et il y a ceux qui se suicideront après et ça ne se voit pas sur leur visage, il y a ceux qui pleurent beaucoup et cicatrisent vite, ceux qui se noient dans les larmes qu'ils versent, il y a ceux qui sont contents, débarrassés de quelqu'un, il y a ceux qui ne peuvent plus voir le mort, ils essayent mais il ne peuvent plus, le mort a emporté son image, il y a ceux qui voient le mort partout, ils voudraient l'effacer, ils vendent ses nippes, brûlent ses photos, déménagent, changent de continent, rebelotent avec un vivant, mais rien à faire, le mort est toujours là, dans le rétroviseur, il y a ceux qui pique-niquent au cimetière et ceux qui le contournent parce qu'ils ont une tombe creusée dans la tête, il y a ceux qui ne mangent plus, il y ceux qui boivent, il y a ceux qui se demandent si leur chagrin est authentique ou fabriqué, il y a ceux qui se tuent au travail et ceux qui prennent enfin des vacances, il y a ceux qui trouvent la mort scandaleuse et ceux qui la trouvent naturelle avec un âge pour, des circonstances qui font que, c'est la guerre, c'est la maladie, c'est la moto, c'est la bagnole, l'époque, la vie, il y a ceux qui trouvent que la mort c'est la vie."

15 lignes sans presque respirer mais en buvant les mots tellement c'est  réel et que cela touche au but.

Encore une fois, la trame policière n'est pas le sujet principal du roman ... à la rigueur la traque policière, si, parce qu'elle met en jeu deux nouveaux personnages qui prendront de l'importance au cours du récit : le jeune policier Pastor qui tire les aveux de n'importe qui (il dévoile son secret à la fin) et le vieil Inspecteur Van Thian qui abrite en lui sa doublure .... en quelque sorte un schizophrène. Bien que policiers bourrés de stéréotypes, ils deviennent vite aussi sympathiques que la tribu Malaussène, ce sont des malmenés de la vie, alors qui mieux que la famille de Benjamin peut leur venir en aide ? La tendresse elle est là aussi.

J'ai aimé aussi la façon dont Pennac a malmené les clichés tout au long de son livre: l'accusation facile des arabes, l'impossibilité à penser qu'une personne âgée puisse tuer,  les interrogatoires policiers qui se modifient en fonction de la personne.

" - Tu viens souvent bouffer chez Ben Tayeb ?
- J'y emmène ma famille une ou deux fois par semaine.
- C'étaient tes enfants, à table ?
- Mes frères et soeurs.
- Qu'est-ce que tu fais comme boulot ?
- Directeur littéraire aux Editions du Talion.
- Et ça vous plaît ?
(Voilà, il y les «apparences-tu» et les «métiers-vous». Un homme simple, Cercaire. J'ai une tête de quoi avant que le titre ne vienne contredire l'apparence ? Plombard ? Chômeur ? Marlou ? Alcoolo ?) "

Les apartés entre parenthèses de Malaussène contribuent au savoureux du texte.
Et le bouc émissaire dans tout cela ? Eh bien il est en repos, certes employé chez sa Majesté mais en congé. 
On le retrouvera dès le tome suivant "La petite marchande de prose".

Une mention spéciale donc pour cette Fée carabine qui reste donc le préféré de mes tomes de la saga Malaussène. Et Pennac un de mes auteurs préférés de littérature générale.

Ailleurs
Eh bien pas d'ailleurs en fait, j'en ai ras le bol de visiter des nouveaux blogs, de les découvrir (ce qui en soi n'est pas une mauvaise chose), d'aller y commenter et de ne recevoir aucun retour. Veux bien être gentille et altruiste mais il y a une limite à tout .... Vais d'ailleurs me constituer une Black Liste des blogs à ne plus lire parce qu'au final la blogo c'est comme dans la vie réelle, y'a de sacrés égocentriques et égoïstes (et moi qui pensais qu'une passion commune pouvait gommer certains aspects de l'être humain, imbécile que je suis ....)
Voilà c'était le minuscule coup de gueule final .... j'avoue que cela fait un moment que cela couve, fallait que cela sorte, xd.