jeudi 30 août 2012

Hunger Games de Suzanne Collins

Dans un futur indéterminé, et post apocalyptique, Panem, autrefois les Etats Unis, s'est relevé de ses cendres ... il est désormais entouré de douze districts, chacun spécialisé dans une production (comme l'agriculture, ou l'industrie, ou encore les mines de charbon) sur lesquels le Capitole fait régner la tyrannie. Et parce qu'un jour les Districts se sont rebellés, il a accordé de nouvelles lois : désormais, chaque année, un garçon et une fille de chaque district de 12 à 18 ans, sont jetés au sort pour être lâchés dans une immense arène naturelle pouvant contenir n'importe quel décor. Ils doivent alors s'affronter à mort jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un survivant, lequel sera riche et adulé : ce sont les Hunger Games qu'en outre, il est obligatoire de regarder les retranscriptions télévisées. Un immense jeu de téléréalité barbare et odieux.

Quand sa petite soeur est tirée au sort, Katniss, jeune fille de 16 ans, vivant dans le District 12, décide de la sauver en la remplaçant. Katniss est une survivante dans l'âme seulement aura-t-elle le courage d'aller jusqu'au bout, voire même de tuer, pour ne pas succomber ?

Ce livre a rencontré un immense succès, au point qu'il a été adapté au cinéma, comme c'est souvent le cas. Je n'ai rien contre les adaptations cinématographiques des romans, sauf que la plupart du temps (pas toujours je le reconnais, je citerais volontiers le Seigneur des Anneaux ou Game Of Thrones dans les adaptations très réussies) elles sont plutôt ratées et que surtout au final lorsqu'on évoque le titre d'un livre, il y a toujours une petite voix qui s'exclament : "Ah oui  j'ai vu le film". .... Oui enfin sauf qu'à la base c'était un livre, no coment ...
Bref je ne vais pas m'attarder plus longtemps sur ce point, car au final c'est bien du livre qu'il s'agit dans ce billet, livre qui donc a rencontré un franc succès, notamment dans la blogo.

Le moins que l'on puisse dire c'est que c'est un roman prenant, il m'a valu deux soirées tardives car je ne parvenais pas à m'en décrocher. C'est bien conçu, c'est haletant, ce n'est pas nunuche et s'il y a quelques évidences, quelques faits que l'on peut aisément deviner, dont le dénouement, il existe certains faits finaux qui n'étaient pas prévisibles et valent le coup d'être soulignés, comme notamment les changements de règles de jeu en pleine partie .... non la première qui paraitrait un peu facile mais pour les suivantes qui mettent les derniers joueurs face à un choix. 
De plus c'est bien écrit, pas d'une grande qualité non, mais c'est bien rédigé et sans rupture de rythme.

Ces Hunger Games ... où l'on prépare ces enfants comme des bêtes de foire, que l'on expose à la recherche de sponsors, que l'on gave avant de les envoyer à l'abattoir .... en fin de compte ce n'est pas si loin de la représentation de la téléréalité d'aujourd'hui, avec ces téléspectateurs qui se repaissent et jouissent du malheur, de la tristesse montrées et misent sur les potentiels vainqueurs. Certes on n'en est pas encore à mettre en scène des lofts dans lesquels il n'y aurait qu'un seul survivant, on en reste encore à des jeux dans lesquels les épreuves se contentent d'éliminer et de renvoyer chez eux, les joueurs malchanceux. 
Néanmoins pour rappel, il faut un temps, pas si lointain sur l'échelle de l'humanité, où des spectateurs venaient assister à des combats entre gladiateurs, ou entre esclaves, ou entre animaux et humains .... 
Alors jusqu'où les humains seront-ils capables d'aller pour montrer du sensationnel à la télé, seul l'avenir nous le dira .... J'espère juste que je ne serai plus de ce monde si l'on en arrive là un jour.

En conclusion, c'est un bon début de trilogie jeunesse, il n'y a pas de misérabilisme, ni de niaiserie, les personnages tiennent bien la route, notamment Katniss qui, derrière son côté sauvage, est attachante, d'autant plus qu'elle ne passe pas pour un héros ... La chance l'a privilégiée un certain nombre de fois, de plus, la plupart des actes réalisés pour la survie ne sont pas irréels, ni impossibles. Les personnages sont tout à fait crédibles et la façon dont c'est narré tient en haleine d'un bout à l'autre du récit. Sans compter que la rédaction à la première personne donne tout de suite de l'intensité et du réalisme à l'histoire.
Ce livre me fait penser à Sa Majesté des Mouches dans lequel des enfants se retrouvaient livrés à eux mêmes et agissaient avec cruauté les uns envers les autres.

Je ne sais pas ce que réservera la suite de ce premier roman mais dans tous les cas, celui-ci vaut le coup d'être découvert. Je n'ai pas été transportée mais j'ai passé un très bon moment de lecture.

Ailleurs


mardi 28 août 2012

CLEER de L.L. Kloetzer

Votre candidature est acceptée. Soyez demain à huit heures,, au Siège, dans le quartier d'affaires de la capitale. Vous êtes un peu tendu(e), excité(e), votre vie change. Demain, vous appartiendrez à la Cohésion Interne, vous serez consultant, enquêteur professionnel aux limites du surnaturel, membre de l'élite, de l'Inquisition  d'un monde parfait. Quelque chose s'ouvre devant vous, une nouvelle perspective, une révélation.
Le sigle de votre nouvel employeur vous reste présent en permanence à l'esprit. Cinq lettres, le blanc, le bleu, le ciel, la lumière. Et ces mots, simplement : 
CLEER
Be yourself

Charlotte Audiberti, jeune femme sensible, intuitive et altruiste et Vinh Tran, jeune homme dur, sportif et intransigeant, viennent d'être recrutés pour travailler pour cette corporation, cette multinationale qui tend vers l'absolu. Ce sont des sortes de policiers politiques chargés de résoudre des problèmes mettant en jeu l'image du Groupe. Et les soucis ne manquent pas : suicides de personnels, consommation en masse, utilisation de pesticides, les deux employés ont fort à faire.
Présenté sous forme de diverses enquêtes, un peu à la manière de série dont les épisodes, bien que se suivant dans le temps, n'ont pas forcément de continuité, CLEER mêle habilement le fantastique et la science fiction à la réalité de l'entreprise : lumières blanches étranges, manipulation d'esprits, expériences sensorielles et temporelles se mélangent au jargon professionnel de l'entreprise et à tout ce qui a trait à cette réalité économique. Chacun leur tour, Charlotte et Vinh vivent des expériences surnaturelles alors qu'ils enquêtent sur des faits tout à fait réalistes, on n'est pas loin des X Files d'antant.

Et ils se doivent d'être les meilleurs, c'est un univers impitoyable, les deux enquêteurs sont sous pression permanente, en particulier Charlotte l'élément qui doute  :
"Il essaie de mettre autant d'aiguillon que possible dans sa voix, pour sortir la bête de sa coquille. S'il la tenait sous sa main, il lui tordrait le poignet, à lui faire mal. Elle est sensible toujours à deux doigts des larmes. Pour London, elle avait réussi. La pression qu'ils avaient exercée avait fait des miracles. Sur elle."

CLEER pour moi c'est toute une histoire ... en premier lieu une histoire de Prix et une histoire de rencontre.
Le Prix Planète SF des blogueurs qui eut lieu aux Utopiales de Nantes 2011
Et une rencontre vraiment riche avec les deux auteurs de ce livre écrit à quatre mains, des auteurs abordables et vraiment très sympathiques : ce fut une expérience très chouette.

Du coup j'appréhendais vraiment cette lecture, de peur que cela ne me plaise pas. J'ai été vite rassurée, je suis très vite entrée dedans et même si certains termes spécifiquement liés au monde l'entreprise m'ont échappés, j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman totalement atypique. En particulier parce que le personnage de Charlotte avec ses doutes, ses remises en question, sa sensibilité, mais aussi son côté fonceur qui la met plus d'une fois en danger, est éminemment sympathique. En même temps j'ai eu souvent envie de claquer son partenaire que j'ai trouvé à mainte reprise froid et distant, voire impitoyable envers elle, seulement c'est aussi ce qui fait tout l'intérêt de ce personnage bien plus énigmatique qu'il y paraît au premier regard.

Aussi parce que le roman est servi par une écriture vraiment splendide, très imagé, ce qui m'a évidemment beaucoup plu, le style étant un critère essentiel à mes yeux pour taxer de qualité un livre :
" L'aurait-elle ignoré que ce fait lui aurait paru maintenant d'une parfaite évidence : le sol est couvert d'un tapis de mousse lumineuse d'un blanc bleuté, pointilliste, aussi improbable qu'en effet spécial de cinéma, la référence à Van Gogh n'est pas usurpée, on dirait des tourbillons de ses nuits étoilées. Un milliard de vers luisants. Une poussière d'étoiles saupoudrée sur les collines, réponse de la terre à la Voie lactée s'étendant au-dessus."

Ces enquêtes sont relativement lentes au préalables, pourtant ce n'est pas dans un bureau que Charlotte et Vinh résolvent leurs affaires, alors on a droit à des courses poursuite, à des empoisonnements, à des emprisonnements, bref les protagonistes se retrouvent souvent en danger alors on se laisse prendre au jeu, on a hâte de voir si l'enquête progresse et va se résoudre.
Ce n'est certes pas un roman facile à lire, il faut rester concentré pour tout suivre et ne pas perdre le fil mais c'est un livre qui sort complètement des normes qui nous fait pénétrer un monde pas très reluisant, celui des entreprises et de leurs exactions pour avoir toujours et toujours plus d'argent, qu'importe les conséquences sur les individus.

Une excellente lecture.

Ailleurs

samedi 25 août 2012

Une Pâl qui ne se désemplit pas

Ma Pàl me maudit .... au mois de Juin elle culminait à 33. Cet été j'ai pas mal lu et l'ai aussi un tantinet descendue ... sauf que des achats non prévus se sont greffés en cette fin de mois d'Août. Bon au moins ma CB ne protestera pas, ils ont été du à l'écoulement des "chèques lires" reçus lors des Noël et Anniversaires derniers.

Du coup ma Pàl est remontée à 35. Bien fait pour elle et tant mieux pour moi.

Alors quels achats ? 
- En premier lieu toutes les Intégrales de la Ballade de Pern de MC CAFFEY qui me manquaient, à avoir les tomes I, II, IV (qui va arriver par la Poste) et V
- Bilbot le Hobbit de TOLKIEN pour la lecture prévue du mois de Septembre sur le Cercle d'Atuan
- Hunger Games de Suzanne COLLINS, dont j'ai tellement entendu parler que je n'attendais qu'une occas pour démarrer le premier tome.
- La trilogie de Wielstad de Pierre PEVEL
- La trilogie du Seigneur des Anneaux de TOLKIEN : ah oui dans la mesure où la lire est mon unique résolution de l'année 2012 et qu'en cas de fin du monde il est quand même primordial d'avoir lu cette saga là, autant l'acheter.
- L'école est finie de Yves GREVET (en commande, arrivera bientôt), sur les bons conseils d'Olya

Merci à tous mes gentils donateurs, famille, amis, qui savent si bien ce qui peut me faire plaisir, des livres, encore des livres et toujours des livres ^^


lundi 20 août 2012

Druide d'Oliver Peru

Dans un monde où règne la paix grâce au Pacte Ancien dont les druides sont les gardiens en régnant sur la forêt, un crime d'une violence inouïe met en péril ce fragile équilibre. Il n'en faut pas plus pour que Yllias, roi du Sonrygar, accuse Tiriekson, roi du Rahimir et soit au bord de déclarer une nouvelle guerre. C'est qu'une proétesse lui a prédit un jour qu'il serait l'unique roi du Nord, ne serais- ce pas le bon moment pour accomplir sa destinée ?
Le destin du royaume tient entre les mains d'Obrigan, druide du clan des loups, qui a promis de découvrir les coupables de ces exactions. Il a exactement 21 jours pour accomplir sa mission, aidé par ses deux apprentis Tobias et Kesher.
Vingt et un jours c'est peu lorsqu'on a affaire à des meurtriers hors du commun .... surtout lorsque Obrigan se rend compte que la vérité n'est peut-être pas celle qu'il supposait trouver .... Et si le Pacte lui- même n'était pas ce qu'il prétend être ?


Je suis restée très dubitative à la lecture de ce roman qui mêle le thriller à la fantasy. Je ne peux ni dire qu'il m'a plu, ni qu'il m'a déplu.

C'est un récit dense, bien construit, bien mené, où l'on découvre le monde des druides, de leurs savoirs et pouvoirs, où l'on suit avec Obrigan les faits alors que son enquête avance, où l'on comprend peu à peu tout ce qui a sous-tendu la construction de ce monde tel qu'il est. Quelques évidences certes j'avais deviné depuis longtemps qui se cachait derrière la voix qui communiquait avec le druide, tout comme l'intervention finale des rois alors que tout semblait perdu et aussi un peu de regret dans le suivi des personnages, notamment des deux jeunes apprentis que l'on suit un moment au début puis que l'on perd durant une grande partie du récit pour les retrouver ensuite. J'aurais aimé qu'on les suive un peu plus de près.  Un roman donc qui est agréable à lire, dont les pages se tournent toute seule. Voilà pour le côté positif.

Néanmoins il y a tout de même quelque chose qui m'a vraiment heurtée dans cette histoire ... C'est qu'en fin de compte, tout est basé sur la haine, la violence ou la vengeance, des victimes sont devenues bourreaux parce qu'on les a trompées ou trahies mais en fin de compte ne valent pas mieux que ceux qui les ont dupées. Et l'on présente les assassins comme des bêtes commettant des monstruosités alors que les rois eux-même torturent et tuent pour arriver à leurs fins. On voudrait nous faire croire que les uns valent mieux que les autres, parce qu'un jour ils ont subi des injustices seulement j'ai du mal à cautionner que le fait d'être victime donne droit à se comporter comme son bourreau ou que ses actes soient justifiés parce qu'il est sensé représenter le bien.
Ce roi qui maintient un druide entre la vie et la mort pour accéder à ses secrets ou cet autre ancien roi qui torture celui qu'il prend pour le bourreau de son bras droit, ce dernier ayant eu une mort atroce, sont tous en définitive des personnes qui, pour parvenir à leurs fins, sont capables de commettre n'importe quelle atrocité. Alors où se situe le bien et le mal dans tout ceci ? Pourquoi telle personne, sous prétexte qu'elle a des raisons qui seraient plus valables, qu'une autre, aurait l'absolution pour commettre les mêmes actes ?
Sans oublier le rachat de l'un des rois par sa propre mort .... un peu facile, au final on se comporte mal, on ment, on manipule sous couvert de son droit de roi, et l'on tient à mourir pour se faire pardonner .... Il aurait bien mieux valu qu'il fasse des bonnes actions, qu'il change, cela aurait été bien plus constructif. Le pire étant qu'il était sur la bonne voix et que je finissais par le trouver sympathique, mais son acte final me l'a montré comme un lâche.
Parce que si tous ces protagonistes ont souffert, ont eu des regrets ou des remords pour leurs actes passés, il n'en reste pas moins qu'ils les ont accomplis et à ce moment-là, sans avoir la moindre pitié.

Sans compter que le côté gore de l'histoire m'a été proprement insupportable, que l'on décrive une fois les atrocités subies par les premiers cadavres, certes ... qu'ensuite on continue à en évoquer d'autres, d'un côté ou d'un autre .... Certes j'ai peut-être un côté un peu trop sensible mais trop c'est trop. Cela a fini par me mettre mal à l'aise, surtout durant le combat final qui, même mené et entraînant, m'a laissé un soupir de soulagement lorsqu'il a pris fin.

Un côté intéressant par contre est celui de l'abord de l'immortalité .... et tout ce que sont capables d'accomplir les hommes pour y accéder, garder leur libre accès et en bénéficier le plus longtemps possible. Pour vivre éternellement l'Homme est capable de vendre son âme au diable, et dans ce roman-là, de se transformer en bête inhumaine ....

Voici donc un roman à la base intéressant à découvrir, bien écrit, qui ne souffre pas de longueur mais beaucoup trop basé sur la violence entre les hommes, c'est certes un beau reflet de la réalité, de l'histoire de notre monde, mais je n'ai pas forcément envie que la fiction rejoigne si parfaitement, même enrobée de fantasy, la réalité.
Mon avis reste teintée d'une certaine déception. 

Un dernier mot par contre pour la couverture qui est absolument sublime, dessinée par Oliver Peru lui-même, je ne me lasse pas de la contempler.

Extrait
Il releva la tête et croisa le regard de la mort. Dans le recoins le plus obscur de la pièce, au milieu d'une masse sombre recroquevillée sur elle-même, brillaient deux yeux d'or. Leur éclat signifiait au guerrier que son sort était scellé.

Ailleurs pour un avis plus positif que le mien :
Vert ; Dup ; Phooka ; Elysio ; Shaya ; Olya ....

vendredi 17 août 2012

Une prière pour Owen de John IRVING

"Si je suis condamné à me souvenir d'un garçon à la voix déglinguée, ce n'est ni à cause de sa voir, ni parce qu'il faut l'être le plus petit que j'ai jamais connu, ni même parce qu'il fut l'instrument de la mort de ma mère. C'est à lui que je dois de croire en Dieu ; si je suis chrétien, c'est grâce à Owen."

C'est à Toronto que John Wheelwight, professeur de lettres célibataire, rédige ses souvenirs d'enfance et d'adolescence passés avec son meilleur ami, Owen Meany, un enfant atypique, à la fois surdoué et fou, convaincu qu'il est devenu l'instrument de Dieu et qu'il sait la date et les circonstances exactes de sa mort. Slalomant entre sa vie actuelle au Canada en 1987 et celle qu'il a passée en Nouvelle Angleterre, à Gravesend, à partir de 1952, John livre sa conception de l'Amérique, de la guerre du Vietnam et de la religion, la sienne et évidement celle d'Owen qui l'a secondé durant toutes ces années.
Dire que leur amitié a commencé alors que John et ses amis s'amusaient à porter et à se passer le minuscule Owen en l'air durant les cours de catéchisme, qu'elle a perduré malgré la mort de la mère de John, suite à une balle de base-ball malheureuse, et a pris de l'ampleur au fil des années, au point que le petit porté est devenu celui qui porte. Sans Owen, John Wheelwight, enfant normal et relativement banal, normal en somme, avec des difficultés scolaires, ne serait pas devenu ce qu'il est, n'aurait pas évolué de la même manière : " Owen Meany m'a procuré des sensations fortes pour toute une vie". Du petit enfant que chacun avait envie de porter, de câliner comme une poupée, Owen est devenu LE guide dont l'on respecte les choix et les décisions.

Les relations que l'on entretient avec les romans peuvent être surprenantes, aussi atypiques qu'est celui-ci.
Je l'ai démarré en sortant de La Ballade de Pern, j'ai la sale manie, après un livre que j'ai adoré, de me plonger dans de la littérature générale, afin d'une part de me sevrer complètement de l'univers fantasy et d'autre part, de ne pas risquer de tomber sur un autre livre de fantasy qui risque de faire pâle figure.
C'est un choix pour le moins douteux lorsque l'on sait que cela ne me réussit pas toujours, la plupart du temps, le choc de la différence littéraire fait que j'ai beaucoup de mal à retomber sur terre et à apprécier ce que je découvre alors.

Ce fut évidement le cas avec Une prière pour Owen, au point qu'au bout de 200 pages je me suis dit que j'allais laisser tomber et rédiger mon billet en annonçant que j'avais renoncé à connaître le dénouement d'une histoire qui ne semblait pas démarrer, qui m'accrochait de temps en temps mais faisait retomber mon enthousiasme quelques pages plus tard.
Heureusement, mon incapacité à respecter le troisième droit imprescriptible de Daniel Pennac - à savoir "le droit de ne pas finir un livre" - a encore joué en faveur du roman d'Irving. En même temps si je n'ai pas voulu céder à l'abandon c'est parce que j'avais lu, il y a quelques années Le monde selon Garp que j'avais profondément aimé. Ainsi j'ai poursuivi et bien entendu je me suis laissée prendre par Une prière pour Owen, ce roman dense et au final passionnant, au point que je ne sais même plus vraiment pourquoi je n'ai pas accroché dès le début.
Je vais mettre cela sur le compte de l'après Pern.

Un roman dense à plusieurs points de vue :

- les personnages en premier lieu, en particulier Owen, forment le grand intérêt de cette histoire. A plusieurs reprises je me suis interrogée sur Owen, est-il un génie ? un schizophrène ? un génie possédé ? 
Probablement un peu les deux, un surdoué cela est sûr, capable d'être visionnaire sur sa propre disparition mais aussi sur l'évolution de la jeunesse : "NOUS AURONS UNE GENERATION QUI REFUSE D'ENVISAGER L'AVENIR, ET PEUT-ÊTRE DEUX GENERATIONS QUI SE FOUTENT DE TOUT", capable de détecter la dyspraxie de son meilleur ami et d'y remédier (le cache pour l'aider à lire entre autres) , d'écrire la vérité sur le Vietnam mais aussi sur l'enseignement. Néanmoins en contrepartie un drôle de petit bonhomme, défavorisé, fils d'une mère totalement cinglée, de parents qui ne s'occupent guère de lui et le laissent tout faire (on comprend mieux pourquoi à la fin lors de la révélation sur sa naissance étrange), en proie à des comportements ritualisés et fétichistes (sa manie de garder les griffes de l'armadillo, jouet de leur enfance ou le mannequin de la mère de John, bien qu'en premier lieu ce soit essentiellement pour protéger de la douleur son ami), persuadé que tout est joué, que Dieu contrôle ses gestes, qu'il en est l'instrument. 
Et aussi cette taille anormalement petite, cette voix incroyable qui fait qu'il est toujours entrain de hurler pour se faire entendre (paroles retranscrites en lettres majuscules par l'auteur pour traduire justement cette Voix si particulière), Owen est presque un extraterrestre, un héros qui a admis la nécessité de sa propre mort si c'est pour sauver les autres. Et qui en tout cas les dirige dans la direction qu'il a décidé, sous l'action de Dieu ou non, de prendre.

- c'est une sacré critique de la société américaine, notamment de ses dirigeants qui s'en prennent plein les dents, Irving règle ses comptes avec l'Amérique et particulièrement par rapport aux choix faits lors de la Guerre du Vietnam.

"Que savent les Américains de la moralité ? Ils n'admettent pas que leurs présidents aient des pénis, mais se moquent que leurs présidents se débrouillent pour soutenir en secret les rebelles du Nicaragua, malgré l'opposition du Congrès ; ils refusent que les présidents trompent leurs épouses, mais s'en fichent si leurs présidents trompent le Congrès, mentent au peuple et violent la Constitution du peuple !"

Une société américaine des années 60 qui vit l'arrivée de la télé dans les foyers et dont l'assassinat en direct de Kennedy marquera le tournant d'une réalité à la portée de tous via les médias.

La religion en prend aussi pour son grade, de façon sarcastique mais aussi humoristique. Je ne suis pas prête d'oublier la scène de la préparation de la crèche qui frise le ridicule pathétique.
" Quant à l'Enfant Jésus, c'était l'apothéose. Les Wiggin exigeaient que le bébé ne moufte pas et, dans ce but, ils stockaient, implacables, des dizaines de bébés dans les coulisses : au premier gazouillis, au premier vagissement sacrilège, l'Enfant Jésus était viré de la crèche, aussitôt remplacé par un bébé muet ou du moins amorphe. Pour cette manutention express de lardons frais, une file d'adultes patibulaires, planqués dans l'ombre de la chaire derrière les tentures pourpres, demeuraient aux aguets."
Il ne dénonce pas la religion en elle-même mais ce que les gens en font, le fanatisme derrière ils se cachent pour justifier leurs actes.
"Regardez autour de vous ; voyez combien de nos incomparables leaders prétendent savoir ce que Dieu veut. Ce n'est pas Dieu qui déraille, mais les bons apôtres qui affirment croire en lui afin de mener le monde à sa perte en son nom !"

- à travers son roman rédigé comme une autobiographie de son personnage principal, Irving nous tient en haleine, nous tient entre ses griffes, nous amenant à une fin à la fois prévue mais difficilement anticipable. Une fois dans les rouages de son récit, on ne peut plus reculer : il faut aller jusqu'au bout et accepter la réalité.

Voilà qui signe ce roman aux abords un tantinet fantastique (ces endroits hantés, ces objets qui semblent prendre vie, les personnages qui anticipent leur fin) qui dénonce le rêve américain et le problème de la Divinité en une claque magistrale. Je l'ai fermé avec la sensation étrange que je venais de passer un drôle de moment de lecture que je ne suis pas prête d'oublier.
Un roman incroyable.

Extraits
"La mémoire est un monstre : vous oubliez ; elle, non. Elle se contente de tout enregistrer à jamais. Elle garde les souvenirs à votre disposition ou vous les dissimule, pour vous les soumettre à la demande. Vous croyez posséder une mémoire, mais c'est elle qui vous possède."

"Quand meurt, de façon inattendu, une personne aimée, on ne la perd pas tout en bloc ; on la perd par petits morceaux, et ça peut durer très longtemps. Ses lettres qui n'arrivent plus, son parfum qui s'efface sur les oreillers et sur les vêtements. Progressivement, on additionne les pièces manquantes. Puis vient le jour où l'un de ces petits manques fait déborder la coupe du souvenir ; on comprend qu'on l'a perdue, pour toujours .... Puis vient un autre jour, et une nouvelle petite pièce manquante."

" Je suivis donc leurs regards. Le soleil avait disparu mais des trainées rouge vermillon coloriaient le ciel immense et, à travers elles, je distinguai l'avion d'Owen - comme si, où qu'aille Owen Meany, il fallait qu'une lumière céleste l'accompagne."

Ailleurs




mardi 14 août 2012

Lectures en cours (24)

Avant d'aborder les lectures prévues (ou en cours) du mois d'Août, au préalable petit bilan du mois de Juillet qui fut placé sous les auspices de la lecture.

En tout, pas moins de 5 livres lus :

Le cas Jack Spark de Victor DIXEN


Résurgences d'AYERDHAL

Les fables de l'humpur de Pierre BORDAGE

Au total cela fait près de 2800 pages (bon l'Intégrale fait déjà à elle seule 1300 pages dont j'ai juste ôté les 200 dernières à mon calcul, elles furent lues dans les 2 premiers jours d'Août), c'est pas mal ^^

Je suis loin d'être sure de faire aussi bien sur le mois d'Août.

Alors quelles lectures de prévues ?

Une prière pour Owen de John IRVING (à l'heure où je rédige ce billet, il est fini, le billet est à venir).

Druide d'Oliver PERU (en cours)

Cleer de L.L. KLOETZER

La vallée de l'éternel retour d'Ursula LE GUIN.

Pas d'achats depuis le mois de Mai aux Imaginales, je suis en progrès, cela dit certains sont prévus : j'ai remis la main sur des "chèque lire" reçus à mon dernier anniversaire, alors je ne vais pas attendre le prochain Festival de l'Imaginaire (qui à priori serait les Utopiales à Nantes si c'est faisable, après avoir craint ne plus jamais pouvoir y retourner, je me suis aperçue que cette année la fin de mes vacances tombe en plein dedans, alors là je dis CHOUETTE ^^) pour en acheter de nouveaux.

J'ai déjà une petite idée de ce que seront mes futurs achats : les autres Intégrales de la Ballade de Pern qui fut le coup de coeur du mois de Juillet et peut-être aussi le tome 1 d'Hunger Games de Suzanne Collins.

Avec interdiction néanmoins de démarrer un autre de la Ballade de Pern avant d'avoir achevé ceux prévus pour le mois, cela va être terriblement dur, je ne pense qu'à me replonger dedans. Saurais-je résister ?

samedi 11 août 2012

La Ballade de Pern d'Anne McCaffrey : La quête du dragon

Sept révolutions se sont écoulées depuis que les Anciens, sont  venus à la rescousse des chevaliers-dragons, afin de combattre les Fils qui ont recommencé à tomber après plus de 400 ans d'absence, au point qu'on les croyait disparus et que peu à peu les habitants de Pern ont fini par oublier leur menace.
Aujourd'hui, alors que les Fils tombent toujours mais désormais à intervalles irréguliers, faisant fi de toutes les prévisions, selon un rythme nouveau, l'entente existant entre Anciens et Chevaliers du présent vacille : des dissensions apparaissent. C'est que le comportement des Anciens, qui possèdent désormais chacun un Weyr, jettent le discrédit sur les chevaliers-dragons auprès des Seigneurs et des Artisans : incapables d'évoluer avec leur temps, ils se sentent en droit d'obtenir tout ce qu'ils désirent et créent ainsi tensions et conflits.
En même temps l'apparition des lézards de feu -qui seraient les ancêtres des dragons - et leur possible capacité à être soumis à l'Empreinte comme leurs descendants, entraine des jalousies pour les posséder.

C'est dans ce monde au climat incertain, menacé grandement par la chute des Fils, que F'lar, chef du Weyr de Benden, tente de tout concilier et trouver des solutions. Heureusement il a Lessa à ses côtés, ainsi que son demi-frère F'nor et surtout leurs fabuleux dragons.
Et si les lézards de feu constituaient une solution contre le danger ? Et s'il existait aussi des nuisibles capables de détruire ces Fils ? Et si enfin aller sur l'Etoile Rouge même, allait permettre de combattre la menace à sa base ?

Cette suite au Vol du dragon entre de suite dans le vif du sujet, on en apprend au préalable un peu plus sur les circonstances de la colonisation de Pern et son histoire, ce qui entre définitivement ces romans dans une fantasy science fictionnesque, encore plus lors de ce roman avec la tentative d'aborder sur L'Etoile rouge.
Je craignais un peu que l'histoire s'enlise dans ce qui était déjà établie : le rôle des chevaliers-dragons face aux Fils, leurs relations avec les Seigneurs, leurs combats .... mais il n'en est rien, au contraire j'ai été encore plus captivée. Car tout commence à bien rendre forme dans ce tome-là avec des faits nouveaux.
Comme l''arrivée des lézards de feu qui constitue à la fois un élément clé et un rebond dans le récit,  comme les conflits entre habitants qui marquent un pas de plus : on se découvre des antagonistes ainsi que des sympathies. L'attitude des Anciens, venus pourtant sauver la planète, franchissant la barrière du temps, pour combattre auprès des Chevaliers d'un nouveau temps, est évidemment le plus gros soucis contre lequel F'lar va devoir se battre. Mais aussi son plus grand défi.

Un F'lar nouveau, plus réfléchi que dans le précédent opus, plus mâture, qui n'est plus en butte avec ses sentiments envers Lessa, et du coup il est infiniment plus humain et sympathique, c'est une sorte de héros juste et droit mais dont l'amour des autres n'est pas forcément acquis. Je l'ai réellement apprécié ainsi que Lessa, toujours franche et directe, seulement avec plus de réflexion aussi.
Une grande affection aussi pour F'nor qui a un rôle beaucoup plus important.
C'est ce que j'aime dans les sagas c'est le fait de connaître des personnages, de prendre le temps de s'attacher à eux et de les retrouver dans les romans suivants. Et puis de se sentir chez soi dans un univers désormais familier.

J'ai beaucoup apprécié aussi les découvertes faites dans la salle des Ancêtres du Fort de Benden avec tous ces instruments du passé qui montrent qu'un jour la population de Pern fut plus évoluée, mais cela n'empêche pas de suivre leur temps comme l'invention du télégraphe ou l'adaptation du microscope trouvé dans la salle pour en faire un télescope. Les Artisans redécouvrent des techniques autrefois utilisées, car finalement l'humain, même revenu en arrière, en revient au progrès.
C'est étrange d'ailleurs ce mélange fantasy - une société médiévale avec ses Seigneurs, ses Artisans, le tout formant des micros-sociétés comme des castes -  et science fiction avec les observations de l'Etoile rouge, ces Fils extra-terrestres qui chutent pour détruire Pern. Etrange mais sans en être déroutant.

Par contre la traduction souffre des sacrés incohérences de langage, je ne sais pas si ce n'est le cas que des Intégrales mais il y a certaines phrases qui sont tout juste françaises, c'est franchement agaçant, voire même honteux, à croire que les traducteurs n'ont pas relu ce qu'ils avaient noté !
De la même manière, une autre incohérence, mais celle-ci faite parce que j'ai lu Le Maître harpiste de Pern avant, alors qu'il a été écrit après, sur Robinton et sa faculté à percevoir lui aussi le langage des dragons. Il est dommage que McCaffey ait oublié en écrivant le Maître Harpiste, qu'il a commencé à entendre parler les dragons alors qu'il était adulte et non durant son enfance. Bon ce n'est qu'un détail mais cela m'a gênée tout de même.
Le pire restant évidemment la traduction.

Ce qui ne m'a fort heureusement pas empêché de dévorer La quête de Dragon, de vibrer et me sentir triste lors de la tragédie des Reines dragons , de trembler et de maudire l'auteure pour sa fin, et de tomber de soulagement dans les toutes dernières pages, je n'en dirai pas plus sinon ce serait spoiler mais cela prouve que je suis désormais profondément attachée aux personnages et à ce monde. Au point que je suis toute malheureuse de ne pas avoir les autres Intégrales sous la main et de devoir lire autre chose.

Il va d'ailleurs que je fasse un sacré yoyo pour continuer à lire dans l'ordre de parution initiale, voilà ce que cela va donner.

Le vol du dragon. 1967. Intégrale III
La quête du dragon. 1972. Intégrale III
Le chant du dragon. 1988. Intégrale IV
La chanteuse-dragon de Pern. 1989. Intégrale IV
Les tambours de Pern. 1989. Intégrale IV.
Le dragon blanc. 1989. Intégrale V.
La dame au dragon. 1990. Intégrale II
Histoire de Nerilka. 1990. Intégrale II
L'aube des dragons. 1990. Intégrale I
Les renégats de Pern. 1991. Intégrale II.
Tous les Weyrs de Pern. 1992. Intégrale V.
Les dauphins de Pern. 1996. Intégrale I
L'oeil du dragon. 1998. Intégrale I
Le maître harpiste de Pern. 2000. Intégrale III
Les ciels de Pern. 2003. Intégrale V

A se demander ce qui passe des fois par la tête des éditeurs !

Extrait
Un minuscule dragon, assez petit pour s'être perché sur son bras nu, lui retournait son regard. Les yeux minuscules, comme des bijoux clignotant des flammes vertes, le considéraient avec une curiosité inquiète. Soudain, les ailes miniatures, pas plus grandes que les doigts de F'nor, se déployèrent en transparences dorées, brillant dans le ciel.

Et Brekke n'était consciente de rien, sauf de Wirenth. Car, soudain, elle était Wirenth, méprisante des bronzes qui tentaient de la rejoindre comme elle enfait l'air, vers l'est, montant toujours plus haut au-dessus des montages, jusqu'à ce que le sol au-dessous d'elle ne fût plus que noir et sable, l'éclair bleu du lac éblouissant dans le soleil. Au-dessus des nuages, là-haut où l'air est rare mais la vitesse plus grande.

Ailleurs
 Vert , Efelle ...

jeudi 9 août 2012

Les fables de l'humpur de Pierre Bordage

Au moment du grut traditionnel, Véhir, mi-homme, mi-cochon : un grogne, révolté de voir sa bien aimée livrée à cette cérémonie rituelle de reproduction, rompt ses attaches avec sa communauté et s'enfuit. Il est désormais un paria, sans défenses face aux nombreux prédateurs qui rodent : hurles, grondes et autres miaules et glapes. Après sa rencontre avec Jarit il décide de partir en quête des dieux humains .... C'est en compagnie de Tia, une hurle en exil, qu'il va accomplir ce long chemin.

Je ne savais pas bien à quoi m'attendre avec ce roman de Bordage. J'ai toujours eu un peu de mal à entrer dans ces récits car c'est un auteur relativement froid et il est très difficile de s'attacher à ses personnages, de prime abord encore plus lorsqu'il s'agit d'être mi-hommes, mi-animaux, dans un univers totalement atypique.

Et c'est justement par ceci que j'ai été charmée. Un monde dans lequel ces êtres là s'enfoncent dans la régression animale, régi par un clergé qui a dicté des lois de l'Humpur très précises.
Il y a les communautés agricoles, les bêles, les mêles et ces grognes qui servent de nourriture aux clans prédateurs, dont les unions sont punissables de la mort : un monde de castes figées que Véhir, tout inférieur, pue-la-merde, inculte, qu'il est, va faire voler en éclat.
C'est une quête de l'impossible : comment une proie peut-elle survivre parmi des prédateurs, donc même ceux qui l'accompagnent ne peuvent résister à l'attrait de sa chair dodue ? Car ces être là sont englués dans leur patrimoine génétique, leur nature, leur instinct.
 " La loi des clans, les tabous de l'Humpur, tous ces spectres s'étaient relevés d'un passé tellement lointain qu'il en paraissait mort, et leur agitation frénétique, leurs grincements effrayants avaient rentré en elle ses aspirations profondes, ses désirs d'épanchement.  C'étaient sans doute ces mêmes spectres qui, davantage que la faim, l'avaient poussée à ripailler le grogne sous le promontoire rocheux. Ils se terraient dans ses besoins physiologiques pour l'enfermer dans sa nature de prédatrice."

Ce monde là régi par la religion fait bien entendu penser à ces années noires de la domination de l'Eglise au Moyen Age où les Inquisiteurs chassaient les hérétiques, une société complètement figée, où chacun a sa place et la garde : les grognes paysans et les hurles seigneurs, les seconds n'ayant que peu de considération pour les premiers.Un monde dans lequel le faible reste dans sa position de faible et est empêché par tous les moyens de progresser : il y a même un côté révoltant dans le fait de traiter ces grognes comme des moins que rien, de la viande sur pattes -alors qu'ils parlent et ressentent - , juste parce que dans cette société ils représentent les proies, qui ne sont bonnes qu'à cultiver et à se vautrer dans la bauge. D'autant plus dur que dans leur propre clan, il y a les gavards, ces cochons que l'on castre dès leur plus jeune âge pour les engraisser et ensuite les vendre aux clans prédateurs, devenus si gros qu'ils ne réagissent plus lorsqu'on vient les chercher : cela a un côté triste et pathétique.

Et ce qui est frappant aussi dans le roman de Bordage, c'est que les tabous sont tellement bien ancrés dans cette société qu'on les ressent aussi en tant que lecteur et que du coup cela induit presque du dégoût lorsque Véhir et Tia semblent ressentir de l'attirance l'un envers l'autre, c'est qu'il a tellement présenté Véhir comme un animal lourdaud, mou et gros, qu'on a forcément du mal à l'investir et à le voir autrement.
Et là où se situe la grande qualité des Fables de l'Humpur, c'est que tout le combat qu'il va mener auprès des autres, se mène aussi auprès des lecteurs, nous obligeant à nous attacher à lui et surtout à le considérer autrement. Je crois que c'est au moment de son sacrifice consenti auprès de ses amis que mon regard a changé sur lui, parce que d'un côté il acceptait sa condition de proie après s'être révolté contre cet état de fait, et que c'est ainsi qu'il force le respect et qu'ensuite on  ne peut que le reconnaître comme un personnage très fort. Il en est devenu plus humain qu'animal.

J'ai vraiment eu cette sensation de découvrir un livre à l'abord difficile ouis peu à peu je suis entrée dedans en même temps que Véhir parcourait sa découverte de lui-même et se révélait. Rien que pour cela, il m'a beaucoup plu. Sans compter qu'il est vraiment original :  cette régression dans l'animalité qui nous pousse à se demander sans cesse : mais que s'est-il passé ? pourquoi les humains ont-ils disparu ? y a-t-il eu un cataclysme au cours duquel les espèces auraient régressé mais comment en arriver à des êtres mi-hommes, mi-animaux  ?
Du coup la quête de Véhir prend un autre sens à nos yeux aussi : on veut savoir, on veut des réponses à nos questions. Qu'on reçoit, sans déception, voire même avec une bonne surprise, j'ai particulièrement apprécié la fin de la quête et tout ce qu'elle induit.

Pierre Bordage a utilisé aussi un langage particulier, inspiré du Moyen Age : il faut des fois réfléchir un peu pour tout saisir mais avec le sens, cela va tout seul. Chaque chapitre suit une fable de l'Humpur, avec une morale, inspirée des Fables de la Fontaine.

Vraiment un roman de très grande qualité que j'ai parcouru avec beaucoup de plaisir.

Extraits
" Ce n'est pas parce que les uns ripaillent les autres que les uns sont supérieures aux autres, répliqué Ssofal. Un ordre invisible gouverne le monde, où les faibles ne sont pas toujours ceux qu'on croit. Si tu t'arrêtes à ce que voient tes yeux, à ce qu'entendent tes oreilles, à ce que flaire ton museau, à ce que touchent tes mains, à ce que goûte ta langue,  tu ne vaux guère mieux qu'un mouchalot."

On dit que les kroaz sont les pires des êtres vivants.
Quant à moi, je crois que leur haine vient
de ces temps-là très anciens où ils vécurent dans le mépris.
Ce matin-là, un grand freux se pose devant un cousin roux
qui dépiautait un bouquin sur la rive d'un lac.
"Tu te comportes comme un animal" dit le kroaz.
Apeuré, le glape lève le bouquin :
"Ma foi, seur kroaz, la nature m'a ainsi fait
que je précie la chair des lièvres et des autres gibiers.
- Ce que je proclame, dit le kroaz,
c'est que l'animal est ce qu'il y a de plus noble en toi.
- Les animaux ne parlent pas ni ne pensent, seur.
- Eh bien, cesse de parler, cesse de penser,
et tu retourneras au paradis des origines."
Et le kroaz se s'envoler, 
laissant perplexe notre cousin roux.

Quel est le meilleur en soi, l'animal ou le penseur ?
C'est selon l'intérêt du moment.

Les fabliaux de l'Humpur.

Ailleurs

mardi 7 août 2012

Top Ten (19)

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon un thème littéraire défini sur le blog de Iani - rendez-vous initialement prévu créé par The Broke and The Bookish-
 
Voici donc le thème de cette semaine
Les 10 meilleurs trilogies
Ah voilà un thème qui me branche bien car des trilogies j'en ai lu quand même un bon paquet et cela a le mérite de nous plonger grandement dans un récit, pour en profiter à fond sans se lasser par trop de livres à la suite (bon sauf pour certains dont on voudrait qu'ils ne s'arrêtent jamais).
Voici donc les 10 trilogies que j'ai préféré lire.

En premier lieu, mes deux coups de coeur
1) Fils de Brume de SANDERSON

Que dire de plus sur ces génialissimes romans ? Ils m'ont emballée, tant par l'originalité des pouvoirs des personnages que la psychologie de ces derniers, par l'ambiance sombre, par le récit enlevé et surprenant. Un très grand bonheur de lecture.

2) Les lames du cardinal de Pierre PEVEL

Une autre fantastique lecture que celle-ci : des romans de cape et d'épée qui se passent dans un univers de fantasy, un récit rondement mené, très bien écrit, des personnages haut en couleurs, bref un véritable chef d'oeuvre.

Ensuite pour les autres
3) Chronique des rivages de l'Ouest d'Ursula Le GUIN

Même si j'ai préféré en particulier le tout premier tome de cette excellente trilogie, les trois romans écrits sous la plume magique, fluide et poétique d'Ursula Le Guin, sont vraiment une heureuse surprise. : personnages attachants, récit qui coule comme une rivière, j'ai été conquise.
Une auteur que j'adore vraiment.

4) A la croisée des mondes de Philip PULLMAN

Une trilogie que j'ai re découvert l'été dernier avec beaucoup de bonheur, elle m'avait littéralement subjuguée la toute première fois que je l'avais lue. Bon les sensations ont été moins forte forcément à la relecture mais pour autant cela n'enlève rien à ces romans très bien conçus et originaux avec des personnages atypiques. Et puis le petit plus : la relation extraordinaire entre les personnages et leurs daémons. De la grande grande qualité en littérature jeunesse, c'est d'ailleurs l'un des meilleurs auteurs dans ce domaine.

5) La quête d'Espérance de Johan HELIOT
Une autre trilogie jeunesse de grande qualité avec des personnages profonds et attachants, une histoire menée tambour battant (je me souviens avoir enchaîné les 2 et 3, totalement prise par le récit), un vaisseau du désert qui ressent les émotions, bref du haut de gamme !
6)  Le lion de Macédoine de David GEMMEL
Le lion de Macédoine
Le Prince Noir
L'Esprit du chaos

J'ai lu cette série il y a fort longtemps et malheureusement pas eu encore le temps de la redécouvrir pour la chroniquer ici, mais je me souviens que j'avais été littéralement emballée par cette fantasy du temps de la Grèce et d'Alexandre le Grand. J'avais adoré le personnage de Parménion et la basculement progressif dans la fantasy à partir de faits historiques. une grande trilogie qu'il faut absolument que je relise.

7) Mon amie Flicka de Mary O'Hara
L'herbe verte du Wyoming

Impossible de passer à côté de cette trilogie que j'ai du relire des dizaines de fois, enfant, adolescente et adulte, elle me fait toujours le même effet : sensation de liberté avec ces paysages sauvages et ces chevaux qui galopent bannière au vent.  Pour moi cela reste l'un des meilleurs romans écrits sur les chevaux. D'ailleurs je suis absolument certaine de les relire à nouveau, ce sont des incontournables.
8) La Moïra d'Henri LOEVENBRUCK
La louve et l'enfant
La guerre des loups
La nuit de la louve

J'ai beaucoup hésité avant de me décider à mettre cette trilogie dans mon Top Ten parce qu'encore une fois sa lecture est lointaine, qui plus est, je ne suis pas sure que je l'apprécierais à présent. Mais au moment où je l'avais découverte je l'avais vraiment appréciée, surtout parce que cela parlait de loups, au point que j'avais lu la seconde trilogie dans sa continuité : Gallica, seulement celle ci m'avait bien moins emballée.

J'achève ce Top Ten avec deux trilogies qui sont en cours, à savoir que j'ai lu les deux premiers tomes mais que les troisièmes ne sont pas encore sorties, je les attends d'ailleurs avec beaucoup d'impatience. CE qui est drôle c'est qu'ils portent tous deux le même titre. 
9) Leviathan de Lionel DAVOUST
?
Deux romans thrillers haletants, soutenus par une écriture d'une grande qualité, écrits par un auteur éminemment sympathique. Bref je suis sur le qui vive en attente de la suite et du dénouement.
10) Léviathan de Scott WESTERFELD
?

Deux premiers romans basés sur une histoire uchronique se passant lors de la première guerre mondiale, un univers de machines et d'animaux extraordinaires et de magnifiques illustrations. Une trilogie jeunesse qui a du potentiel et dont j'attends aussi la suite.