dimanche 17 février 2013

Le porteur d'eau de Jean Marc Ligny


"C'est une vallée désertique, terre craquelée, arbres morts, pelade d'herbes jaunes moribondes. Sur les flancs ravinés des collines, des souches calcinées, de la caillasse, des broussailles épineuses et revêches, de la poussière qui volute au moindre souffle de vent. Les empreintes d'anciens champs, des vestiges de clôtures. 

Au creux de la vallée, quelques fermes en ruines gisent le long de routes défoncées, dont l'asphalte est réduit à l'état de plaques noirâtres. Sur les rives pierreuses d'une rivière asséchée s'étend un village, dont le centre est enclos d'une grossière palissade de tôles. Hors de l'enceinte, les maisons sont abandonnées, écroulées ou incendiées. Une zone artisanale en friche arbore les carcasses dénudées de bâtiments industriels, entourés de traces de parkings envahis de moisine, où achèvent de pourrir deux ou trois épaves de voitures sableuses et mangées de rouille. Au milieu du village, un pont effondré, rafistolé de bric et de broc, enjambe la rivière. Quelques panneaux solaires décatis s'étalent sur les toits des maisons. Quatre éoliennes de guingois tournent en grinçant. Surgissant au-dessus des collines pelées, le soleil se lève sur cette désolation, énorme, boursouflé. La journée s'annonce torride, comme d'habitude."

En quelques lignes, Jean Marc Ligny pose le décor de sa nouvelle, un décor qui m'est rapidement devenu familier, et pour cause, c'est l'univers d'Exodes.
J'avais téléchargé cette nouvelle sur le site de Bifrost, il y a plusieurs mois - elle est parue en Août 2011 - puis l'avais rapidement oubliée (suis pas fan de la lecture sur ordinateur.) Je viens juste de la re découvrir et quelle ne fut pas ma surprise de trouver là une nouvelle dont l'action se situe soit avant Exodes, soit en parallèle au roman écrit en 2012  par Ligny ... (en tout cas pas après, ceux qui auront lu Exodes comprendront pourquoi cela ne peut être).

En réalité, Jean Marc Ligny posait déjà là les jalons de ce qui serait plus tard Exodes : une terre ravagée par le réchauffement climatique déréglé, une lutte pour la survie dans un monde où l'humain oscille entre folie (les Boutefeux qui ravagent tout), ou cannibalisme (les Mangemorts), où l'enjeu de l'eau amène à des conflits, jalousies ou assassinats. 
Dans cette nouvelle, Cédric le maire de Saint Pierre les Lys, tente l'impossible pour aller chercher de l'eau ... à pied parce que leur camion est tombé en panne. Pendant ce temps, sa femme tente d'être acceptée dans l'enclave de Davos, une ère protégée où verdure, eau et nourriture existent encore, où les nantis parviennent à vivre correctement. Mais les places sont prisées, peu nombreuses et ... nominatives.

Il ne m'a pas été difficile de replonger dans cet univers puisque je l'avais découvert il y a peu ... par contre ce fut éprouvant de retrouver ce monde impitoyable, où l'espoir n'existe plus. Où l'on sait que les humains sont voués à une impitoyable extinction, non sans douleur. Tout l'univers d'Exodes transparaissait déjà dans cette nouvelle d'une trentaine de pages. Il l'aura savamment développé ensuite dans son roman, amenant l'intrigue au maximum du désespoir et du manque d'espérance.

Après Aqua, Jean Marc Ligny prouvait encore une fois qu'il était passé maître en matière d'anticipation d'une France ravagée par la sécheresse. Le seul bémol que je mettrai à cette nouvelle est que je dus me coltiner de la découvrir sur PC et ça je déteste vraiment, même si les liseuses promettent merveille en matière de confort de lecture, je ne suis vraiment pas prête à passer à ce support !

Extrait
Les minutes s'écoulent comme autant de gouttes d'acier fondu, forment des heures qui s'étalent en lac de feu dans lequel la conscience et la vie de Cédric se consument peu à peu. Il marche d'un pas lourd, mécanique, humide et pénible, ployé sous le soleil, tête basse comme sa mule. Il a la sensation de cuire dans une étuve. Son sang se coagule, son cœur cogne avec peine, le tournis le saisit dès qu'il lève la tête, ses pieds trébuchent dans les creux et les bosses de la route. Il ne pense même plus à une attaque éventuelle – qu'il n'aurait plus la force d'affronter de toute façon –, il ne pense plus à grand-chose à vrai dire. Il n'est que mouvement, lent mais obstiné, volonté bloquée sur un seul but : arriver, coûte que coûte.

Pour en savoir plus
Forum de le Bélial

1 commentaire:

  1. Mais en fait aqua tm fait partie du même univers qu'exodes ? Enfer et damnation, j'ai commencé par la fin. J'aurais du m'en douter, j'ai lu cette nouvelle, mais ça fait longtemps, elle m'était sortie de la tête. J'en garde un bon souvenir cependant et l'envie de lire aqua tm à l'époque (ce que je n'ai bien sûr par fait).

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