vendredi 27 août 2010

Cristal qui songe de Théodore STURGEON


Pour moi la SF revêtait l’aspect de planètes inconnues, de vaisseaux spatiaux, de monde futuriste à l’instar de la Guerre des Etoiles, du Meilleur des mondes ou de Dune de Frank Herbert.
Que nenni, balayés mes stéréotypes avec Cristal qui Songe, livre classé SF mais qui s’ouvre sur l’étrange de façon très humaniste.

Le livre commence sur un formidable quiproquo : le jeune Horty est renvoyé de son école pour un acte répugnant et tout conduit, dans les premières lignes à engager le lecteur sur son soi disant vice … jusqu’à révéler que l’acte répugnant consiste à manger des fourmis.
L'histoire se passe en grande partie dans un cirque peuplé de personnages attachants et d'un directeur complètement obsédé par les mystérieux cristaux qu'il possède et qu'il veut comprendre à tout prix.
Tout le livre est basé sur ce début qui engage sur de mauvaises pistes ou tout du moins qui éloigne de la vérité pour tout mettre en place dans les dernières pages, toutes les questions que l’on peut se poser, les hypothèses que l’on peut émettre se retrouvent explicitées habilement à la fin.

Le style est relativement simple, pas trop fouillé, j'aurais cependant aimé un approfondissement de la psychologie des personnages, un peu plus de charisme aussi, néanmoins chacun a sa personnalité et tout se tient, encore une fois grâce au dénouement final.

Extraits
Il jouissait du dégoût que lui inspirait l’humanité. Il avait bâti à sa haine une tour d’ivoire dans laquelle il s’enfermait pour contempler dédaigneusement le monde entier. Il y trouvait l’altitude dont il avait besoin pour respirer à l’aise. Certes, pendant ce temps-là, il crevait de faim, mais comme les richesses matérielles avaient de la valeur aux yeux de ce monde qu’il haïssait, il retirait de sa pauvreté une jouissance supplémentaire. Cela dura quelques temps mais pas toujours …

L’homme qui adopte une pareille attitude ressemble malheureusement à l’enfant qui possède un fouet ou à la grande nation pourvue de cuirassés : il leur suffit de se camper fièrement au soleil pour bien faire voir à tout le monde qu’ils disposent d’une enviable supériorité, mais bientôt il devient absolument indispensable à leur bonheur que le fouet siffle et claque, et que les canons tonnent. L’homme a besoin d’autre chose que d’un piédestal : il lui faut tôt ou tard passer à l’action.

lundi 23 août 2010

De si jolis chevaux de Cormac Mc Carthy


Ce roman est le premier d’une trilogie appelée Trilogie des Confins.

Ayant découvert cet auteur par La route (livre qui m’a ô combien marquée) j’étais assez curieuse de découvrir ses autres œuvres, j’avais surtout hâte de voir s’il avait conservé son style d’écriture bien particulier.

Sur La route, l’intensité d’écriture m’avait frappée avec des phrases courtes et pourtant très souvent poétiques, des dialogues brefs, un récit dans lequel il ne se passe presque rien au cours duquel pourtant j’étais tenue en haleine.
Dans De si jolis chevaux, on retrouve sa marque, son style dans des phrases à la fois très descriptives, l’emploi presque abusif de la préposition ET, des pronoms personnels répétés à n’en plus finir, et en compensation des passages qui sont de véritables envolées lyriques, un peu comme lorsqu’on écoute le dernier mouvement d’une symphonie avec l’apogée finale des instruments. Et encore une fois on tombe sous le charme de ce style si particulier qui lui est propre.

Ma deuxième interrogation portait sur la teneur du récit, allait-il être aussi bouleversant et pessimiste que La route ?
John Grady Cole et Lacey Rawlins, deux adolescents, quittent le Texas pour aller au Mexique, on ne sait pas vraiment ce qui les a poussés ni ce qui les pousse durant leur périple mais peu à peu leur voyage initiatique se transforme en cauchemar. Ce qui est frappant avec les personnages mis en scène par Carthy c’est qu’on a vraiment la sensation que, non maîtres de leur destin, ils se laissent porter par lui. Et surtout ils acceptent ce qui leur arrive sans révolte. Notamment pour John Grady, on se demande si lui sait ce qui le pousse en avant si ce n’est cet amour fou et impossible qu’il développe pour la fille du patron qui les embauche au Mexique, amour qui le conduira lui et son ami dans une prison dans les lois de survie sont impitoyables. Et là j’ai eu la sensation de replonger derechef dans l’ambiance de La route, on a peur car on ne peut absolument pas anticiper la suite des évènements et comme on sent que les personnages ne le peuvent non plus, cela augmente l’angoisse. Dans la même trame, la rencontre avec cet enfant étrange Blevins, dont on ne sait strictement rien , dont on ne peut prévoir non plus les réactions, (il est « no limit ») est source d’inquiétude, on se doute rapidement qu’il ne va apporter que des ennuis à ses compagnons, mais lesquels et sous quelle forme ?
J’ai donc passé une grande partie du récit à appréhender ce qui allait arriver et surtout à quel moment. Et puis finalement et heureusement cette fois ci cela ne se termine pas si mal, enfin je dirais même qu’il s’agit d’une fin ouverte …. tout comme l’enfant dans La route, on quitte John Grady sans savoir ce qui va advenir de lui … à la différence que je n’ai pas ressenti de désespoir en ce qui concerne le dernier, je n’ai pas fini ce livre là dans les larmes.

A savoir : ce roman a été porté à l'écran en 2001 mais bon j'avoue avoir jeté un coup d'oeil aux extraits sans me sentir vraiment inspirée ...
Bande Annonce

Extraits
Il regardait au fond de ces sombres yeux où il y avait des abîmes à découvrir. Toute une histoire maléfique qui brûlait d’une flamme froide et lointaine et noire.

Au même moment la détonation leur parvint depuis le bosquet d’ébéniers. Pas très forte. Juste une sorte de claquement assourdi. Puis une autre. Quand ils revinrent du bouquet d’arbres le capitaine tenait les menottes à la main.

Allongé par terre il écoutait le cheval au piquet brouter l'herbe près de sa corde et il écoutait le vent dans le vide et il regardait les étoiles filer sur la courbe de l'hémisphère et mourir dans l'obscurité aux confins du monde et tandis qu'il gisait là il sentait la souffrance dans son coeur comme une lance. Il imaginait la douleur du monde comme une sorte d'informe créature parasite cherchant la chaleur des âmes humaines pour y couver et il croyais savoir ce qui vous explosait à ses visites. Ce qu'il avait ignoré c'était que cette créature-là était dénuée de raison et n'avait donc aucun moyen de connaître les limites de ces âmes et ce qui l'effrayai c'était qu'il n'y eût peut-être pas de limites.

mercredi 18 août 2010

Le trône de Fer de George R.R MARTIN

Il est toujours difficile de chroniquer un livre d’une ampleur pareille, l’intégrale 2 ( titre anglais : A clash of kings) ne comporte pas moins de 3 tomes : La bataille des rois ; L’Ombre maléfique ; L’Invincible Forteresse.

L’intégrale 1 débutait dans un monde glace avec les Autres et l’arrivée de l’hiver et s’achevait dans le feu, avec la naissance des dragons de Deanerys.
L’intégrale 2 démarre sur l’apparition d’une étrange comète rouge dont personne ne sait la provenance et la signification mais qui de toute façon n’augure guère de positif, on en voit la preuve dans un final de feu, de destruction et de chaos. Et en même temps le royaume des Sept Couronnes s’enfonce peu à peu dans l’hiver.

On a quitté les personnages en plein changement politique, le roi du Trône de fer est mort, sa Main décapitée, c’est la guerre entre les 4 rois qui le convoitent
- Au Nord, le fils de Ned Stark : Robb
- A Castel Rock, le fils « légitime » du roi défunt ; le jeune Joffrey (de plus en plus antipathique au fil des pages)
- A Peyredragon, le seigneur Lord Stannis, frère du roi
- A Accalmie, le seigneur Lord Renly le frère benjamin du roi
Et à chacun de légitimer son droit au trône en toute légalité . George R.R. Martin va alors nous balader au fil des pages de batailles en batailles, de conflits en conflits, de drames en drames, sans hésiter à nous faire frémir, à nous inquiéter en jouant sur notre attachement à certains des personnages (lui, au contraire de certains auteurs, n’a crainte de faire disparaître des personnages aimés et c’est cela aussi qui fait la force de ce livre, on s’attend à tout), nous laissant un peu respirer en nous rassurant ensuite (la mort présumée de 2 personnages récurrents du livre n’a pas manqué de me démoraliser durant plusieurs pages tout en espérant à une fausse piste )tout en distillant peu à peu quelques éléments de magie (noire du côté de Lord Stannis avec l’arrivée de Mélissandre d’Asshai, la femme rouge et magie zoman, la magie de l’homme-bête, du côté de Bran et probablement même de Jon).

Certains personnages dans ce Tome 2 sont moins présents (Daenerys, Robb notamment) alors que d’autres sont à la hauteur de ce qu’ils promettaient, je pense surtout à Bran dont la vie prend une tournure très intéressante et à Thyrion qui, décidément, bien qu’étant dans le clan qu’on aimerait voir perdre, en demeure toujours aussi attachant ; je pense même que c’est le personnage central, celui qui fera tout basculer à un moment ou à un autre et c’est d’autant plus intéressant que c’est l’ anti héros par excellence : aucun charisme physique, décrié ou critiqué par sa famille, il est pourtant le plus intelligent, le plus stratège, le plus humain aussi (lui que l’on traite pourtant de semi-homme).

On assiste aussi à l’apparition de nouveaux personnages : Jojen et sa sœur Meera, habitants des paluds, qui révèleront beaucoup de choses des pouvoirs de Bran ; Théon ,élevé par les Stark comme pupille, qui se lance à corps perdu dans son combat pour regagner un titre et le respect de son père, croisade qui se transforme en véritable rage et le mènera probablement à sa perte.

Les autres personnages récurrents tels que Jon, Sansa, Arya, Catelyn nous sont désormais à ce point familiers que leur évolution ne surprend pas mais notre intérêt pour eux n’en faiblit pas pour autant. On se trouve même en plein suspense au sujet de Jon tout à la fin du dernier tome.

J’apprécie aussi le manque de manichéisme dont fait preuve Martin, ; en effet un personnage extrêmement antipathique comme la reine régente Cersei est pourtant une femme qui, comme toutes les mères, s’inquiète pour ses enfants et craint pour leur vie, nous apparaissant alors par là beaucoup plus humaine et nous touchant aussi à ces instants là.

L’intégrale 1 posait les éléments, faisait prendre une tournure brutale au tout pour nous laisser dans l’attente d’une suite … suite qui ne donne pas encore de réponses (fort heureusement), l’auteur continuant allégrement à brouiller les pistes, à nous faire pencher pour un clan ou pour un autre (on se doute même qu’il n’y aura pas forcément de victoire franche et massive de l’un ou de l’autre) … et surtout à affuter notre intérêt et notre passion pour vite vite découvrir l’Intégrale 3.
LA question est de savoir combien de temps je vais tenir avant d’ouvrir ses premières pages !

Extraits :
Etre prince ne l’avait jamais tenté. Son rêve de toujours, c’était chevalier, c’étaient l’éclat de l’armure et le flottement des bannières, c’étaient la lance et l’épée, c’était entre les cuisses un destrier. Pourquoi lui fallait-il gâcher ses jours à écouter des vieux parler de choses dont à peine comprenait-il la moitié ? Parce que tu es brisé, martelait la petite voix insidieuse.

Sur chaque feuille et chaque branche et chaque pierre chatoyait la pâleur roseur de l’aube. La moindre pointe d’herbe était taillée dans l’émeraude, et la moindre gouttelette dans le diamant. Les champignons comme les fleurs étaient revêtus de verre. Et il n’était jusqu’aux fondrières qui ne fussent d’un brun poli. Dans la verdure scintillante, une fine couche de givre faisait pétiller la noirceur des tentes. « Une part de vous est Eté, une part d’Eté est vous, et vous le savez, Bran. »
« Avec deux yeux, vous voyez mon visage. Avec trois, vous verriez mon cœur. Avec deux, vous voyez sans peine ce chêne-là. Avec trois, vous verriez sans peine et le gland dont il est issu et la souche qu’il deviendra tôt ou tard. Avec deux, vous ne voyez pas plus loin que vos murs. Avec trois, vous verriez au sud jusqu’à la mer d’Eté et au nord par-delà le Mur. » « Oui, et je suis en outre un monstre, hideux et contrefait, n’oublions jamais ce détail. » Son poing se serra violemment. « Me voilà édifié. Nous avons tous deux des tâches urgentes. Laissez- moi. »

Alors, une bouffée de froid subite lui hérissa la fourrure, l’air frémit d’un froissement d’ailes, et, comme il levait les yeux vers les sommets blanchis de givre, une ombre fondit des nues, un cri strident déchira l’atmosphère, il entr’aperçut, largement déployées, des pennes gris-bleu qui interceptèrent le soleil, et … « Fantôme ! » cria Jon en se mettant sur son séant. Il sentait encore les serres acérées, la douleur. « Fantôme, ici ! »

Ici la Garde de Nuit.

dimanche 15 août 2010

Ensemble c'est tout de Anna Gavalda et autre ...



Ensemble c’est tout

Ensemble c’est tout … ou rien … Ensemble nous formons un tout… nous sommes tout …
Le titre par lui-même pose question et donne envie d’aller plus loin, je ne le regrette pas. D’une plume sensible et profonde, Gavalda nous dépeint le portrait de quatre écorchés vifs, quatre personnes meurtries, chacune à leur façon, par la vie, qui vont se rencontrer, qui vont se heurter puis se soutenir, apprendre à vivre ensemble … jusqu’ à ne plus pouvoir se séparer.
La psychologie des personnages est très fouillée, Gavalda sait les rendre attachants, chacun d’entre eux a sa personnalité qui tient debout, ses défauts et ses qualités qui les rendent d’autant plus proches, on a envie de prolonger un peu notre passage avec eux.
Et on a la sensation que Gavalda elle-même y tient tellement qu’elle intervient dans le récit, en posant les choses sur ses quatre personnages, un peu comme un résumé pour aller plus loin.
J’avoue que cela m’a un peu surprise sur le coup, car cela m’a donné l’impression de devoir quitter le récit pour une sorte de mise au point. Mais qui ne dure que deux pages et ne gène pas pour la reprise de l’histoire.
Un roman juste et émouvant. A lire.

Extrait
C’est une hypothèse. L’histoire n’ira pas assez loin pour le confirmer. Et puis nos certitudes ne tiennent jamais debout. Un jour on voudrait mourir et le lendemain on réalise qu’il suffisait de descendre quelques marches pour trouver le commutateur et y voir un peu plus clair … Pourtant ces quatre-là s’apprêtaient à vivre ce qui allait rester, peut-être, comme les plus beaux jours de leurs vies.

L’échappée belle

Synopsis : Simon, Garance et Lola, trois frères et sœurs devenus grands (vieux ?) s’enfuient d’un mariage de famille qui s’annonce particulièrement éprouvant pour aller rejoindre Vincent, le petit dernier, devenu guide saisonnier d’un château perdu au fin fond de la campagne tourangelle. Oubliant pour quelques heures marmaille, conjoint, divorce, soucis et mondanités, ils vont s’offrir une dernière vraie belle journée d’enfance volée à leur vie d’adulte.

Voilà ce qu’on appelle un roman plein de fraîcheur, le style est direct, sans fioriture. Le thème principal est le fort amour qui lie les protagonistes, des frères et sœurs, comme au temps de leur enfance : les secrets, les fous rires partagés juste le temps d’une journée qui leur permet de laisser de côté le quotidien de leur vie et de se retrouver, comme avant.

Extrait
Nous n’avons besoin de personne pour nous appuyer sur la nuque. Nous sommes assez grands pour la courber seuls et quel que soit le nombre de bouteilles vides, nous en arrivons toujours à la même conclusion. Que si nous sommes ainsi, silencieux et déterminés mais toujours impuissants face aux cons, c’est justement parce que nous n’avons pas la moindre parcelle de confiance en nous. Nous ne nous aimons pas.

Autres livres lus :
J'aimerais que quelqu'un m'attende quelque part.
Je l'aimais.

Certains romans de Gavalda ont été adaptés au cinéma : Ensemble c'est tout et Je l'aimais.
Personnellement je suis souvent très déçue des adaptations cinématographiques d'ouvrages littéraires, néanmoins je tâcherai au moins de regarder une fois "Ensemble c'est tout".

Pour en savoir plus

jeudi 5 août 2010

Le miroir de Cassandre de Bernard Werber

Une adolescente qui peut prévoir le futur alors qu’elle a tout oublié de son passé antérieur à ses 13 ans ... Cassandre, en analogie avec la Cassandre de l'Antiquité à qui Apollon a donné le don de prévoir le futur .. en échange de quoi elle devra faire l'amour avec lui. Cassandre refuse et Apollon transforme alors son don : elle pourra voir l'avenir mais jamais personne ne la croira et tout le drame de Cassandre va se concrétiser lors de l'invasion des Grecs qu'elle prévoit sans pouvoir être crue ...
Cassandre est d'ailleurs la nièce du journaliste Katzenberg, personnage principal de "Le père de nos pères" et "L'ultime secret".

Werber, dans son roman, pose un décor atypique : une énorme décharge dans laquelle vivent, en tribus, des gitans, des libanais et 4 SDF qui se sont inventé un nom et un passé. Une vie comme au temps de la préhistoire où le mot d’ordre est : survivre.
C’est une grande ode aux odeurs !!!! Pas au point du livre Le Parfum , mais on a tout de même l’impression de sentir en même temps que Cassandre les odeurs pestilentielles qui accompagneront nos personnages tout au long du roman, "nareux" s'abstenir !
En ce qui concerne la trame, pas de grand changement, Werber distille peu à peu ses éléments surnaturels, mais toujours de façon à faire prendre la sauce par des références scientifiques, on a envie (ou pas envie selon les personnalités plus ou moins sceptiques) d’y croire.

Pour ma part, j’ai trouvé original d’intégrer à son roman des éléments de quelques uns de ses autres romans comme Le Papillon des Etoiles, (trouvé dans la décharge, dans un état tellement lamentable qu’on ne peut distinguer le titre, sic !) et l’Arbre des Possibles que les protagonistes recréent.
Original mais quelque peu décevant car on a une impression de déjà vu : les possibilités du futur, l’ange qui creuse en la touchant de son doigt la gouttière sous le nez du nourrisson afin qu’il oublie ses vies antérieures, cela devient d’autant plus redondant que ce dernier aspect est de + en + repris par d’autres auteurs, tel Marc Lévy dans son dernier roman.
Reste un livre agréable et facile à lire mais mon avis reste mitigé néanmoins, c'est loin d'être mon préféré.

Petite anecdote dans le roman : Bruno Bettelheim avait à traiter un enfant autiste qui dessinait partout la même forme. Le savant a cherché à identifier cette forme et a trouvé qu’il s’agissait de la carte du Connecticut. Restait à savoir pourquoi cet enfant autiste dessinait la carte du Connecticut. Bettelheim a fini par trouver. L’enfant par cette carte voulait signifier « Connect I Cut ». Ce qui signifie en anglais, « J’ai coupé la connexion ». Donc, « J’ai coupé la connexion avec le monde. »
Anecdote réelle ou inventée par l'auteur ?

Quelques futurs des Rédemptionais :
Le Baron : je vois une grande guerre nucléaire entre les pays dominés par des dictateurs fous et les nations civilisées. Les dictateurs gagneront parce qu’ils possèdent des armes de destruction massive et qu’ils ont un message simple.
La Duchesse : je vois la surpopulation. De plus en plus d’êtres humains partout. Au final nous n’aurons plus de nourriture. On finira par manger les vieux transformés en croquettes au goût barbecue.
Le Vicomte : je vois les grandes villes de plus en plus polluées. Après l’air deviendra irrespirable et l’eau imbuvable. Pour faire tourner les usines, on utilisera toujours plus de pétrole, toujours plus de minerai de charbon, on détruira toujours plus de forêts et les animaux sauvages qui y vivent. La nature sera vaincue. En retour l’homme sera malade et déprimé.
Le Marquis : moi ? Je vois un monde où les machines auront gagné. Les ordinateurs et les robots nous utiliseront comme esclaves car ils se seront aperçus que nous sommes incapables de nous diriger correctement nous-même.
La Princesse : je vois une dictature totalitaire religieuse planétaire. La religion la plus fanatique et la plus violente avalera toutes les autres et toutes les formes de pensées politiques. Pour se maintenir, elle sera entraînée dans une surenchère permanente. Toujours plus d’intégrisme, de violence, et toujours plus de lois d’interdiction.

Lequel cadrerait avec votre vision du futur ? Pour ma part, je verrais bien celui du Vicomte mais en pire, l'humain ne sera pas déprimé, il disparaitra purement et simplement .. à moins qu'un cataclysme nous épargne cette fin-là ...

Extrait

"C’est mon armée de super héros. On est quand même très loin de Superman, Batman, Catwoman et tous les standards habituels des sauveurs de l’humanité. Une vieille mère maquerelle qui louche. Un gros légionnaire qui ne sait pas conduire une voiture. Un sorcier africain loi de sa savane. Un Coréen de dix-sept ans sans papiers, recherché par la police. Sans parler du vieillard grabataire spécialiste en horoscope qui nous attend au Dépotoir. Et de moi-même, une adolescente qui a oublié son enfance… Et nous sommes seuls à lutter contre des terroristes professionnels qui ont pour principal souci de provoquer un maximum de morts et qui, en plus, possèdent l’immunité diplomatique."

Ici une interview de Bernard Werber
Son blog.

Et enfin Bernard Werber était présent aux Imaginales à Epinal en mai 2010.

mardi 3 août 2010

La Citadelle des Ombres Tome 1 et 2 de Robin Hobb

A la base je n'escomptais pas chroniquer les deux volumes en une seule fois, mais dans la mesure où je les ai (re) dévorés très rapidement et aussi que je n'avais pas accès à Internet lorsque j'ai fini le premier, je vais donc parler des deux en même temps.

L’intégrale 1 comporte donc les 3 premiers tomes : L’apprenti assassin (1995) ; L’assassin du roi ; La Nef du crépuscule.
Et l’intégrale 2 les 3 tomes suivants : Le poison de la vengeance ; La voie magique ; La reine solitaire.


Chaque chapitre commence par un petit texte en italique qui relate soit des évènements passés soit des écrits sur les us et coutumes, ou Histoire, des différents peuples. On n’est pas obligé de le lire pour suivre l’histoire mais c’est souvent intéressant et parfois nécessaire pour saisir certains aspects de l'intrigue.

J’ai une affection particulière pour l’épopée de Robin Hobb car c’est des premiers livres de fantasy de qualité auquel j’ai eu affaire il y a déjà un certain nombre d’années, épopée que j’ai du lire déjà au moins trois fois avant cette relecture-ci.

Elle met en jeu l’histoire principale d’un enfant, fils bâtard du roi servant, arraché des bras de sa mère lorsqu’il a 6 ans pour être projeté dans une histoire qu’il va construire au fur et à mesure de sa maturité mais aussi et surtout subir, car tout en étant le catalyseur de la plupart des évènements, il n’en est pas moins la victime.
Au moment où Fitz, (en anglais fils illégitime d’un prince), entre à Castelcerf, capitale du Royaume des Six Duchés (royaume menacé par les Outriliens, des pirates qui mettent à feu et à sang les villes sans aucune autre revendication et on comprendra leurs raisons qu'au tout dernier chapitre), c’est le roi Subtil qui règne ; son fils aîné Chevalerie ayant abdiqué pour gommer son erreur, c’est son second Vérité qui prend le rôle, bien à contre cœur car non élevé dans ce but, de roi servant, alors que le cadet Royal brigue ce rôle jusqu’au point de fomenter trahison, mensonge et meurtre. Elevé en premier lieu par Burrich, maître des écuries, puis par Umbre, maître assassin du roi, qui lui apprend à tuer, en secret, Fitz se rend peu à peu compte que sa vie n’est désormais régie que par son rôle d’homme lige du roi et qu’il n’a plus aucun libre arbitre sur sa vie ce dont il souffre, car au moment où il a accepté de se mettre au service de son roi, tous ses actes seront dictés par son serment d’allégeance.

Ce qui fait la force de la Citadelle des Ombres c’est en premier lieu le fait que le récit est rédigé à la première personne, on se sent d’autant plus proche et concerné par ce qui arrive à Fitz, de plus la psychologie des personnages est admirablement mise en œuvre et très approfondie.
Fitz est l’anti héros par définition, il n’accomplit aucun acte héroïque, ne s’appréhende pas comme un personnage de valeur, il en est profondément humain, avec ses qualités et ses défauts, ses coups de colère et d’espoir .. Il peut même agacer certaines fois … Mais surtout il touche par son énorme solitude, bien qu’entouré de quelques amis, son seul véritable compagnon est le loup avec lequel il va se lier.

Ce qui m’amène à aborder le côté fantasy de l’œuvre, la magie y étant présente sous deux aspects : l’Art et le Vif
- L’Art est la magie des nobles, elle jette un pont mental entre deux personnes c’ est à dire qu’elle permet de communiquer à distance mais aussi d’influencer l’esprit des gens, voire même de leur imprégner une sorte de conditionnement de fidélité extrême, elle peut tuer aussi. Vérité avait fait former tout un clan lié par l’Art afin de pouvoir communiquer à distance pour empêcher les attaques des Pirates rouges, clan qui n’aura été dévoué qu’à son frère cadet.
- Le Vif lui permet de communiquer avec les animaux, en réalité cette magie se partage entre les animaux et les hommes, il faut une réciprocité et une égalité entre les 2 êtres qui se lient. Mais certains voient le Vif comme une magie souillée, vile, car il est dit que ceux qui pratiquent trop longtemps le Vif finit par se transformer en la bête avec laquelle il est lié.
Fitz, lui, est capable de pratiquer les deux, ce qui lui apporte un supplément de pouvoir car il s’avère que son animal de Vif peut du coup emprunter la voie de l’Art pour défendre son frère mais lui causera la plupart de ses ennuis car à la cour, cette magie est punissable de mort.

L’autre aspect fantasy n’apparaît réellement dans la dernière partie de l’Intégrale 2 sous forme de dragons, les Anciens qui devront, s’ils sont réveillés, faire fuir la menace des Outriliens sur le Royaume des Six Duchés ; on a alorsla sensation de basculer dans un autre univers, on est en quelques sortes dans un roman à tendance médiévale qui comporte rois, intrigues à la cour, combats et brusquement le fantastique prend le pas peu à peu sur le réel …

Et c’est avec ce dernier constat que je vais faire le lien avec le livre qui m’a redonné envie de me replonger dans la Citadelle des Ombres : à savoir le Trône de Fer., non que les deux romans soient semblables mais on y trouve tout de même des points communs :
- Dans la rédaction très soignée
- Dans la psychologie fouillée des personnages (encore plus dans la Citadelle de part le nombre réduit des personnages principaux)
- Dans l’histoire elle-même de part les intrigues et conflits liés au pouvoir, avec un axe relativement réduit de la fantasy
- Par l’ampleur des deux écrits : on s’y laisse plonger, on dévore, on se prend au jeu …
Par ailleurs, on parle de dragons dans les deux ; de magie aussi, magie (noire) qui prendra de l’importance dans l’Intégrale 2 du Trône de fer.
J’ai relevé d’autres détails troublants de ressemblance entre les 2 : L’étrangeté des rêves de loups que fait Bran renvoie quelque peu au lien qui unit Fitz et son loup Œil de Nuit ; les hommes tués par les Autres qui se relèvent pour tuer sans ombre d’humanité font penser aux forgisés par les Pirates Rouges.
A savoir que la Citadelle des Ombres a démarré en 1995 et le Trône de Fer en 1996. Après il ne s’agit que de faits de ressemblance qui sont mêlés à des intrigues complètement différentes mais qui se rejoignent sur un point : on est captivé de bout en bout.

Extraits

"C'est à cette époque que la graine de la solitude absolue fut plantée en moi, et elle enfonça de profondes racines dans mon être."

"Je vacillai et dus me rattraper à un fauteuil ; mais je continuai de marcher, soumis, incapable d'imaginer de faire autre chose. Umbre, qui était devenu le pilier central de mon univers, qui m'avait convaincu de ma valeur, Umbre me dépouillait de tout. Pas seulement de ses compliments, mais du temps passé ensemble, de l'espoir de pouvoir faire un jour quelque chose de ma vie."

"Nous appartenons au roi, mon garçon. Nous sommes ses hommes liges. Nos vies sont à lui, chaque instant de chaque journée, que nous soyons réveillés ou endormis. Tu n'as pas de temps à consacrer à tes soucis personnels. Seulement aux siens."

"Le même froid furieux se tordait et bouillonnait en moi, passait de la colère à la haine, puis à la frustration, revenait à la colère, et faisait monter en moi une tension intolérable. Ils n'avaient pas le droit de me faire ça ! Je n'étais pas né pour être leur instrument ! Je devais pouvoir vivre librement mon existence, être celui que j'étais destiné à devenir. Croyaient-ils pouvoir me plier à leur volonté, m'utiliser quand bon leur semblait, sans jamais en payer le pris ? Non ! L'heure viendrait ! Mon heure viendrait !"

"NOUS SOMMES DE LA MEME MEUTE ! Justin fut repoussé contre la porte avec une telle force que sa tête rebondit contre le bois. Il avait été plus que repoussé : je ne trouvai pas de mot pour décrire ce qu'Oeil-de-Nuit avait fait à Justin de l'intérieur de son esprit ; c'était une magie hybride : Oeil-de-Nuit se servait du Vif en passant par le pont qu'avait créé l'Art et il attaquait le corps de Justin depuis l'esprit de Justin."

Robin Hobb a écrit deux autres épopées : Les aventuriers de la mer et le Soldat Chamane.
Pour en savoir plus.

Elle sera présente aux Imaginales à Epinal en mai 2011.

Ajout : il existe une suite à la Citadelle des Ombres Tome 1 et 2 dans laquelle on retrouve Fitz et son loup environ 15 ans + tard ; suite que Robin Hobb n'avait visiblement pas l'intention d'écrire quand on lit sa fin dans La reine solitaire. Pourquoi a-t-elle changé d'avis ?
Succès de ses premiers tomes ? pression des lecteurs ? envie de retrouver ses personnages et de voir comment ils avaient évolué ?Voilà une question qui serait intéressante à lui poser aux Imaginales ... à condition de posséder l'anglais ...
Dernière remarque, il y a un pont entre certains personnages de La Citadelle Tomes 3 et 4 et Les Aventuriers de la Mer ...