mercredi 11 avril 2012

L'Empereur Dieu de Dune de Frank Herbert

Parce que Léto Atréides a entrevu une terrible menace pour la race humaine : son extinction ; il a du faire, enfant, un choix qui l'a désormais conduit à l'immortalité et l'invulnérabilité.
Trente cinq siècles se sont écoulés depuis que l'enfant a emprunté le Sentier d'Or et laissé les truites des sables le métamorphoser en ver des sables .. le dernier existant sur la planète Arrakis (autrement nommée Dune) : des siècles de paix mais aussi de pouvoir. 
Car l'Empereur Dieu contrôle désormais tout : l'Epice qu'il distribue avec parcimonie et selon mérite (ou pas si punition), la Guilde, le Bene Gesserit, son armée de truitesses, des femmes implacables et mystiques. Il est porteur de tous les passés de ses prédécesseurs et de tous les avenirs, capable de prescience qui lui fait tout prévoir.

Seuls le Theilax et les Ixiens tentent encore de s'opposer à lui, les premiers en lui envoyant des répliques de son fidèle ghole Duncan Idaho et les seconds en l'éprouvant en la personne de Hwi Noree une femme capable de percer sa carapace et de le séduire ... pour mieux le détruire.

L'Empereur Dieu de Dune constitue une rupture avec les tomes précédents, dans le sens où il démarre plusieurs siècles après les Enfants de Dune et fait intervenir des personnages complètement nouveaux, en dehors des Duncan Idaho. 

Des personnages  intéressants à tout points de vue, chacun à leur manière
- Monéo le majordome Atréides soumis à ce point à la volonté de son Seigneur et Maitre qu'il en devient presque mystique et pourtant il est l'un des seuls à l'aimer réellement et à le comprendre dans une certaine limite.
- sa fille Siona, une rebelle, déterminée à mettre fin à la tyrannie de celui dont elle comprend le cheminement mais n'accepte pas le procédé.
- Hwi Noree, une femme empathique et douce, qui, seule, comprend toute l'étendue de la solitude de son Empereur et ressent profondément ses sentiments.
- Duncan Idaho, élément sans cesse recréé au point de perdre son identité, parce qu'il doit revivre dans un futur qui n'est pas le sien, porteur d'un passé qui s'éloigne de plus en plus ; son existence forcée en devient presque cruelle.

Léto Atréide est un tyran bien entendu dans la mesure où il est à la fois pouvoir et religion, un  Dieu,  dispenseur de bienfait ou de punition, un homme qui n'en est plus vraiment un, capable de tuer s'il le faut .... mais son humanité perdue le rend touchant. 
Car il est profondément seul. Son choix l'a conduit à la solitude le plus absolue qui puisse exister et ce depuis des milliers d'années ... Le choix de l'immortalité pour autant qu'elle puisse paraître alléchante est pourtant une arme à double tranchant : elle génère un temps qui n'a pas de fin, un ennui au point que Léto guette la moindre possibilité d'être surpris, un immobilisme forcé du fait de la route de ce Sentier d'Or .... un Sentier qui porte en lui son échec et sa fin ...

Le Messie de Dune était déjà un livre extrêmement émouvant avec un Paul Muab Dib face à ses propres choix et sa prescience qui le rendaient très vulnérable et seul ...  mais en fin de compte il n'aura pas osé emprunter la route que son fils aura choisi quelques années plus tard .... Ce qui rend ce Tome ci d'autant plus  terrible. On ne peut que compatir aux ressentis de ce tyran pourtant monstrueux à sa manière. Et je trouve toujours la fin bouleversante.

Pour autant il n'est pas mon préféré dans la mesure où il est fort lent, au rythme du temps qui s'écoule pour Léto et fort introspectif (ce qui est un peu la marque de Dune notamment déjà dans le Messie de Dune), compliqué aussi de par tous les méandres d'un pouvoir despotique et d'une religion fanatique.
Mais un roman fort et très bien conçu, qui signe là la fin d'une ère de la planète Dune.

Frank Herbert aurait tout aussi bien pu conclure sa série sur celui-ci.

Extrait
Ils avaient réussi à découvrir son secret. Hwi en était la preuve. Ses pensées étaient désespérées. Pouvait-on inverser la processus de cette terrible métamorphose ? Pouvait-il retourner à l'état humain ?
Impossible.

Paradoxalement, plus il se rapprochait de l'état vermiforme et plus il avait du mal à prendre des décisions que d'autres auraient qualifiées d'inhumaines. Naguère, cela ne lui posait pas de problème. Mais au fur et à mesure que son humanité lui échappait, il se trouvait de plus en plus aux prises avec des préoccupations humaines.

Ce livre fut lu dans le Cadre du Défi Herbert organisé par Anudar.


13 commentaires:

  1. Une belle chronique pour ce roman très central dans le Cycle de Dune. Un livre qui est considéré comme l'un des plus importants du Cycle à cause du personnage de Leto II, qui a ses inconditionnels et ses opposants déterminés (on a eu sur DAR une controverse homérique à ce sujet).

    Moi je n'aime pas Leto II et je trouve ce livre très lent, et d'une moindre profondeur philosophique par rapport au reste du Cycle - mais il est vrai que rendre compte d'une époque de stagnation n'avait rien d'évident. Et d'ailleurs, si on parle du Cycle de Dune et non du "Cyle de l'Empereur-Dieu" c'est un signe non :P ? Il n'en reste pas moins que c'est un roman précieux, comme tous ceux du Cycle...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour ton commentaire que je trouve très instructif ^^
      Léto II ne fait pas partie non plus de mes personnages préférés mais il se dégage quand même de lui quelque chose qui fait que j'ai éprouvé de la compassion, probablement parce que je trouve sa solitude encore plus monstrueuse que la monstruosité qui lui est propre.
      Mais c'est un roman très lent oui je suis parfaitement d'accord avec toi.

      Supprimer
    2. Merci à toi pour cette appréciation :P ...

      Sur DAR, c'est ici que ça s'est passé : http://forum.rakis.be/index.php?topic=586.0

      Supprimer
    3. J'irai y faire un tour, cela m'intéresse, merci ^^

      Supprimer
  2. j'aime ce roman.
    emprunt d'une certaine solennité et gravité.
    un être seul. qui a raison pour lui même et pour ce que lui seul sait.
    immortel, confronté à un perpétuel ennui que seul la mort peut libéré.
    Dune, un monde définitivement au delà de notre imagination.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Dune est un grand cycle, c'est certain :)
      Après pour l'Empereur Dieu de Dune, s'il n'est pas mon préféré, il ne démérite pas pour autant, Frank Herbert est un GRAND ^^

      Supprimer
  3. Pour moi au contraire, l'Emprereur-Dieu est le sommet du cycle : le roman le plus riche et puis j'adore le personnage. Mais j'irais faire un tour sur DAR histoire de voir la controverse.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est marrant comme les avis sont partagés pour l'Empereur !
      Le débat est en tout cas intéressant, j'ai commencé à le parcourir.

      Supprimer
    2. A 5 ans d'intervalle, étrange internet, je rejoins l'avis de Muad Dib.
      L'EDDD est l'apogée du cycle, avant, les tribulations de Paul Atréides et sa Soeur en Arrakis préparaient l'arrivée du Sentier d'Or, après les tribulations d'Odrade dans l'univers connu prépareront la conclusion du Sentier d'Or : la nouvelle dispersion, la pérennité à travers le temps et l'espace de l'espèce.

      Mais n'y croyons pas, notre pérennité réelle, loin de cette SF de qualité n'est plus assurée sur cette planète prison dont nous rendons chaque jour les conditions de vie impropres à notre survie.

      Supprimer
  4. Miguel Rios Flores1 août 2012 à 03:27

    J'ai adoré ce livre dù au fait que le personnage central ne soit dans aucune mesure humain, mais qu'il tente quand même de l'être et veut se battre contre son destin.

    Personnellement, sa tyrannie qu'il a imposée n'est pas choquante, juste à l'image des sociétés où l'ont vit.

    À propos du châtiment de Nunepi: même si on ne fouette plus les gens, il reste que l'ostracisation sociale (faite par la population) des criminels est aussi dommageable que des châtiments physiques.

    RépondreSupprimer