dimanche 29 avril 2012

Fils-des-Brumes * L'Empire Ultime de Brandon SANDERSON

Dans un monde de brumes et de pluie de cendres règne le Seigneur Maitre, un homme, presque un Dieu, qui gouverne et dirige de façon tyrannique les hommes depuis de 1 000 ans. Il a conçu un système rigide dans lequel chaque catégorie d'hommes a une place précise et inchangeable :
Les Nobles, sous le couvert des Obligateurs qui valident tout échanges commerciaux, évènement ou documents, ainsi que les relations, emploient à leurs service les Skaa, sorte de serfs dont ils usent et abusent à volonté : des esclaves qui peuvent être mis à mort selon le bon vouloir de leurs maîtres. Et les Inquisiteurs, sombres personnages qui protègent le Seigneur Maître et le défendent.

C'est dans cette société sombre et sans espoir que tente de survivre la jeune Vin, employée par une bonne de voleurs, avant de connaître Kelsier un homme brisé par le Seigneur Maître, mais qui, après avoir résisté, ne vit que pour renverser l'Empire et tuer le Dieu.
C'est que Vin et Kelsier possèdent un pouvoir dont seuls les Nobles ont le droit d'être affublés : l'allomancie, un pouvoir lié aux métaux, à chaque métal correspond un pouvoir particulier et ils sont au nombre de 8. Seuls un nombre restreint d'humains possèdent les 8, ce sont les Fils-de-Brume .. Vin et Kelsier le sont tous les deux.

Voici un roman que j'ai dévoré d'une traite et auquel j'ai accroché dès les premières lignes. Le récit est soutenu, angoissant, sombre et jusqu'au bout on reste sur le qui-vive. C'est qu'une grande part de l'histoire est consacrée à la confiance et l'amitié. Vin, élevée par son frère, dans la peur d'être trahie et rejetée, a construit une personnalité qui déteint sur le lecteur, à chaque instant on redoute que ses craintes soient réelles. Et pourtant elle va tomber sur des personnages dont on a envie qu'elle leur fasse confiance.

Du coup les personnages de L'Empire Ultime sont riches et complexes avec une capacité d'évolution énorme.
La Vin du début est à mille lieue de celle de la fin et idem pour Kelsier. Ce sont les deux personnages principaux mais ceux qui gravitent autour d'eux ne sont pas moins intéressants, notamment Sazed, un terrisien, un peuple qui possède un tel pouvoir que le Seigneur Maître a voulu tous les exterminer.
Chaque membre de la bande de Kelsier possède d'ailleurs un pouvoir particulier lié au métal qu'il sait extraire et utiliser.

Et voici une autre particularité de ce roman qui me l'a fait tant apprécier ... des pouvoirs tout à fait originaux ceux liés à cette allomancie qui se découvre peu à peu au cours du récit. C'est passionnant et leur utilisation donne lieu à des combats assez intenses, faits de Poussés et de Tractions sur des objets métalliques. Je n'en dirai pas plus, cela enlèverait tout le charme de la découverte de  Tome 1. Qui plus est un pouvoir qui reste mystérieux et qui demande beaucoup de travail pour l'utiliser correctement. Ce qui donne un autre cachet car le posséder n'est pas garanti de victoire ni d'invisibilité.

Les choses ne sont pas figées non plus, ni manichéennes, il existe des Skaa qui préfèrent rallier le pouvoir, par protection, comme des Nobles qui tentent de lutter contre cet état de choses, tel Elend Venture, fils d'une des plus grande maison de la Noblesse, qui se révèlera au cours du roman. La fin est déroutante (avec un passage que je ne dévoilerai pas mais qui m'a profondément émue  et donné envie de crier "non ce n'est pas vrai !!!" ), parce que tout est construit pour que l'on reste dans l'incertitude et les épreuves et tragédies ne manquent pas. Et en même temps les choses ont été posées de telle sorte qu'on est soi-même dans une angoisse perpétuelle, un Seigneur Maître entouré de gardes indestructibles face à des humains tout ce qu'il y a de mortels ... cela a de quoi faire sérieusement craindre pour leur vie d'un bout à l'autre de l'histoire.
Je me rends compte que je pourrai encore longuement en parler car ce fut un réel coup de coeur, mais il faut bien arrêter là, un dernier mot concernant les Inquisiteurs, ce sont des personnages réellement effrayants qui font vraiment mais vraiment flipper. J'ai ressenti à leur description et leurs actions les mêmes angoisses qu'envers les Nazgul dans le Seigneur des Anneaux (le film je précise).

Juste un tout petit point faible du roman, qui m'a un tantinet gêné : la répétition de certains faits, alors que c'était inutile, un peu comme si l'auteur craignait que le lecteur oublie. Et pourtant cela ne risquait vraiment rien. Cela dit je l'ai constaté à deux ou trois reprises, donc cela reste très largement supportable et n'entache en rien la réelle qualité de ce roman.
Une très très chouette découverte que  j'ai hâte de prolonger dans les tomes suivants, ils sont en commande (vive les cartes-cadeaux-FNAC-anniversaire ^^) et je me jette sur Le Puits de l'Ascension dès que je l'aurai reçu.

Extraits
L'homme qui se trouvait derrière lui l'attaqua, et Kelsier bondit hors d'atteinte, exerçant une Traction sur le coffre pour s'attirer vers le centre de la pièce. Dès qu'il atteignit le sol près du coffre, il s'élança dans les airs en diagonale. Il bondit par-dessus les têtes de deux de ses agresseurs, et atterrit sur le sol près de plantations. Il pivota, attisant son potin et levant le bras pour parer le coup qu'il anticipait.

Il jeta son sac sur son épaule et ouvrit nonchalamment la porte. Une brume épaisse commença aussitôt à s'engouffrer sur le corps de Kelsier pour se déverser sur le sol et ramper à terre comme un animal hésitant. Plusieurs personnages émirent des hoquets horrifiés, bien que la plupart soient trop stupéfaites pour proférer le moindre son. Kelsier resta planté là un moment, à fixer au-dehors les brumes sombres dont les braises éclairaient faiblement les courants changeants.

Quelque chose s'abattit contre sa flèche. Vin poussa un cri et s'écarta d'un bond. Elle s'attira vers une autres flèche, l'agrippa faiblement et s'en éloigna aussitôt d'une poussée. L'Inquisiteur la suivit, accompagné d'une série de chocs à mesure qu'il sautait d'une flèche à l'autre derrière elle.
Il m'a trouvée. Il ne pouvait ni me voir, ni m'entendre, ni sentir ma présence. Mais il m'a trouvée quand même.

Ailleurs




jeudi 26 avril 2012

La vestale du calix d'Anne Larue


Anna, jeune vestale jugée peu dégourdie mais consciencieuse vient de briser  malencontreusement le calix Esclarmonde, pour ce fait une vestale doit être ébouillantée. Or Anna échappe à ce sort en participant,  contre son gré, à une expérience de décorporation …. Ainsi elle surgit indemne dans un Paris d’une autre époque.
Un Paris futuriste où  campagne est synonyme d'ennui profond pour des enfants vivant dans des communes d'éducation et ville synonyme d' HLM dans laquelle on apparie les gens en colocation. C’est ainsi qu’Anna se retrouve habitant avec Ankh une médiéviste (autrement dit qui fait des recherches sur le Moyen Âge mais lequel n’est pas celui que l’on croit) avec laquelle elle se lie rapidement.
Par la suite, elle se retrouve mêlée malgré elle à un meurtre et est laissée pour morte. Enfin tout du moins c'est ce que croit Ankh ... jusqu'au moment où intervient Holinshed un cheval qui traverse les temps pour venir en aide aux humains ...

Un résumé laborieux pour une lecture qui le fut tout autant.
Commençons par le démarrage .. qui débutait sur de bons auspices:
- un style humoristique presque façon Pratchett
Elle casserait sa chaine et elle s'envolerait vers le Mercantour pour y vivre entre ses parents le reste de son âge"
ou "En somme mourir dans ces conditions fut la chose la plus remarquable qu'elle ait fait de sa vie".

- des références à des bastions de la fantasy
"Un homme, à la barbe blanche, monté sur un cheval, donnait ordre à ses troupes d'attaquer ses ennemis". [...] les cavaliers, précédés d'un homme en blanc qui ressemblait à Aleister, dévalaient à pic la colline" (je vous laisse deviner de quel livre il s'agit)

- une parodie de la société moderne : les colocations, le football symbolisé par le sport national du monde dans lequel atterrit Anna :  le trimslop qui engendre une sorte de suicide obligé collectif afin de réguler la population des villes, les supermarchés, le camping, l'université ... 
Et une parodie de la fantasy elle-même : des chevaux qui parlent et pensent mieux que des humains, un cheval volant (qui m'a fait fortement penser à Bigadin le cheval de la Mort dans Mortimer de Pratchett), une héroïne maladroite et complètement naïve, une amie qui devient une Xena grande défenseuse de la condition féminine - qui avouons-le n'est pas triste dans ce roman (viols en série, mépris total de la valeur de la vie des Vestales, des flagellations publiques et quotidiennes etc ...)

Sauf que .... j'ai rapidement eu la sensation qu' Anne Larue ne savait vraiment pas dans quelle direction aller, et assénait ainsi ses chapitres sans queue ni tête. Car d'un bout à l'autre du récit, j'ai trouvé que cela n'avait aucun sens la plupart du temps, aucune ligne de récit cohérente, des passages de personnages à d'autres sans lien, des idées amenées comme elles sont pensées, un personnage principal qui est évincé par le secondaire sans que l'on comprenne pourquoi, lequel devient une sorte d'héroïne de fantasy comme un cheveu sur la soupe, chevauche un cheval volant, affronte une sorcière et met en déroute des goules surgies dont on ne sait où ...
Des personnages d'ailleurs sans âme auxquelles il m'a été absolument impossible de m'attacher.
Sans parler de tous ces moments de violence brute (voire gore lors du match de trimslop) et de sexe qui finalement, si ils sont sensés dénoncer quelque chose n'en demeurent pas moins inappropriés.

J'avoue qu'en cours de récit je suis allée fouiner sur la blogo pour trouver des avis d'autres lecteurs et qu'étant tombée sur des chroniques enthousiastes qui avaient vu des choses qui m'échappaient complètement, j'ai tenté d'achever la lecture dans un autre état d'esprit.
En vain ... mon sentiment général reste d'un récit complètement incohérent à mon sens, qui avait peut-être tous les éléments pour faire une comédie burlesque mais qui ne les a pas développés, ou alors je ne les ai pas saisis.

Et du coup une grande déception ... car j'avais eu l'occasion de rencontrer l'auteure aux Utopiales, discuté avec elle et trouvé extrêmement sympathique et intéressante. Vue aussi dans une interview sur NoLife. Ce qui me navre d'autant plus de ne pas avoir apprécié son roman.

Lequel fut lu en LC avec AcrO avec beaucoup d'échange de mails très productifs sur nos ressentis et un grand soutien mutuel pour achever ensemble cette histoire.

Ailleurs
Traqueur Stellaire ; Les Humeurs de Svetambre ... lesquels ont signé des chroniques bien plus enthousiastes que la mienne.

mardi 24 avril 2012

La quête d'Ewilan L'ïle du destin de Pierre Bottero

Ewilan a rempli la mission qui lui était confiée, avec l'aide hétéroclite d'amis rencontrés sur sa route. Mais pourtant sa quête ne fait que commencer, désormais elle doit retrouver la Sentinelle qu'elle a sauvée contre son gré, certainement l'affronter mais surtout savoir ce qu'il est advenu de ses parents. Et pour ceci elle aura besoin de l'aide de son frère Akiro. Sans oublier celle de son fidèle ami Salim qui se révèle un allié pourvu de pouvoirs étranges et de ses autres compagnons ...

La quête d'Ewilan s'achève avec ce Tome ci, un épisode sans surprise, dans la continuité des autres, qui se lit sans heurt, avec plaisir mais toujours avec la sensation que tout est aisé et prévisible. 
L'amitié, l'amour, tout se déroule de façon un peu trop idéaliste, de même que les évènements qui s'enchaînent sans mauvaise surprise.

En fin de compte la véritable découverte de ce tome ci, moins passionnant que le précédent, est Salim, ce qu'il est en réalité, c'est le personnage le plus intéressant de la Trilogie en fin de compte, le plus normal du coup le plus humain et le plus susceptible de créer un attachement.
Ewilan reste un peu trop éthérée à mon goût quant aux autres, ils sont en fin de compte très prévisibles.

Cela reste néanmoins un bon roman pour jeunes lecteurs, avec des ingrédients qui sont étudiés pour leur plaire, on comprend d'ailleurs avec le Making Of certains choix de Bottero, faits à leur encontre.
Et d'ailleurs j'ai envie de parler de ce rajout à cette très belle édition de chez Rageot.

On y découvre au préalable deux interviews de deux des personnages de l'histoire : Duom Nil'Erg et Ellana comme s'il s'agissait d'acteurs, entretiens plein d'humours qui font regretter que Bottero n'en ait pas plus utilisé dans ses romans.
Ensuite nous avons le droit aux scènes coupées entre Edwin et un Ts'lich qui j'avoue m'ont fait beaucoup rire.
Je ne peux résister à écrire quelques extraits, ce sera un peu long mais tant pis, ceux qui ont lu la Quête d'Ewilan comprendront certainement le côté sympathique et marrant de la chose.

Edwin et le Ts'lich : première
[...] L'air se troubla une fraction de seconde et un second Ts'lich apparut à côté du premier
- Alors, Adwin Til'Illan, m'accordes-tu ce que je suis venu chercher ou tentes-tu de bouleverser les légendes ?
Un rictus sardonique vint déformer le visage du maître d'armes
- Je vais ouvrir vos ventres de sales reptiles puants, répandre vos entrailles dans cette clairière et bouffer vos coeurs encore fumants. Ensuite je ...
- COUPEZ !
- Quoi, coupez ?
- Edwin, mon chéri, il s'agit d'un livre jeunesse, pas un fil m gore ! Adapte son langage s'il te plaît. Allez, on reprend !

Edwin et le Ts'lich : deuxième
- Alors, Adwin Til'Illan, m'accordes-tu ce que je suis venu chercher ou tentes-tu de bouleverser les légendes ?
Le maître d'armes repoussa d'un geste vif la mèche de cheveux blonds platines qui lui barrait le visage
- T'es ouf ou quoi ? Je vais t'exploser la chetron si tu ne te casses pas fissa ! Alors tu nous lâches les baskets et tu ...
- COUPEZ !
- Qu'est-ce qu'il y a encore ?
- ça ne va pas du tout, Edwin ! Ton langage !
- Il faut savoir ce que tu veux. C'est un bouquin jeunesse ou pas ?

Edwin et le Ts'lich : troisième
- Alors, Adwin Til'Illan, m'accordes-tu ce que je suis venu chercher ou tentes-tu de bouleverser les légendes ?
Une flamme farouche illumina le regard opalescent du maître d'armes.
- Le doute ne vous étreint-il pas, vils laquais de l'ombre, à l'idée d'affronter mon courroux dévastateur ? Votre abjection me ..
- COUPEZ !
- Mais ..
- Non Edwin, c'est nul ! Sois toi-même. Simple.

Pour info il y a encore deux autres scènes coupées de la même trempe.

Ce making of s'achève avec Pierre Bottero lui-même qui parle de ses choix, de son métier d'écrivain et de sa relation avec ses personnages et rien que ce point est diablement intéressant. 
J'adore entrer dans la vie des écrivains, de leur passion, de la façon dont ils appréhendent leurs récits et la façon qu'ils ont de considérer leurs personnages comme des entités réelles, des hommes, femmes ou enfants qui prennent vie et qui empruntent un chemin qui leur est propre, et qui ne sera pas forcément celui que l'auteur aura prévu pour eux. Comme certains personnages voués à disparaître au cours du récit et qui se sont tellement accrochés qu'ils deviennent élément essentiel à l'histoire.
Je trouve cette entrée dans l'intimité de la relation entre un auteur et son livre passionnante .... 

Bottero nous explique les choix des noms de ses personnages, de son titre ( ce sont ses élèves de CM2 qui après vote ont sélectionné le titre Les Frontières de glace pour le deuxième tome de la trilogie, mais laissons Pierre conclure lui-même ce billet :
" Que diriez-vous d'une confidence ? Une vraie confidence s'appuyant sur une découverte que je peux qualifier d'importante puisque, lorsque je l'ai faite il y a peu de temps, elle a illuminé ma journée ...
Les auteurs n'inventent pas les personnages !
Non, ils ne les inventent pas, pas plus qu'ils ne les créent ou qu'ils ne les conçoivent !
La vérité, méconnue, est bien plus étrange .. Les auteurs le plus souvent à leur insu, sont connectés à un univers que l'on pourrait considérer comme magique et qui contient une infinité de caractères capables de s'adapter à la totalité des histoires imaginables, et croyez-moi, cela fait un bon nombre de personnages !
L'auteur en quête d'inspiration croit faire appel à son imagination. Erreur ! L'appel est détourné vers l'univers susnommé,  la requête analysée et les personnages intéressés se portent volontaires ... ou s'abstiennent ..."

La littérature jeunesse a perdu un grand bonhomme ..

Ailleurs
Olya ; Mina ...

Cette trilogie conclue ma participation au Challenge Bottero d'Edelwe dont je ferai le bilan dans un autre billet.

dimanche 22 avril 2012

Chroniques des rivages de l'Ouest : pouvoirs, d'Ursula le Guin

"Les gens des marais ont des pouvoirs, et les habitants des cités en ont peur. Voilà pourquoi nous ne parlons jamais de ce que nous sommes capables et qui leur est impossible. Ce serait très dangereux. Promets-le moi Gav.
Ma soeur me tendit la main, paume en l'air. J'y posai ma patte crasseuse pour prêter serment.
- Je promets."

Le don de Gavir est double : il peut à la fois entrevoir des fragments de l'avenir mais aussi sa mémoire est tellement extraordinaire qu'il retient sans effort tout ce qu'il lit (oh comme j'aimerais posséder ce don !). Seulement lorsqu'il était bébé, il fut enlevé à son peuple, avec sa soeur, pour devenir esclave à Etra. 

Trop jeune pour se souvenir de son passé, il se satisfait de cet état des choses jusqu'au moment où un drame l'anéantit et le pousse à s'enfuir. Une longue errance à la recherche de ses origines mais aussi au cours de laquelle il va réapprendre à vivre autrement.

Pouvoirs est le dernier Tome de la trilogie des Chroniques des Rivages de l'Ouest, qui débutait avec la connaissance d'Orrec et de Gry, dans Dons, puis se poursuivait avec l'histoire de Némar dans Voix. Tout comme dans les précédents tomes, la place de la lecture, des contes et histoires racontées y est primordiale. 

Bien qu'esclave, Gavir a reçu une instruction qui le destinait à enseigner à son tour lorsqu'il en aurait atteint l'âge et la capacité. Il est surprenant de constater à quel point la notion de point de vue est différente selon ce que l'on vit ou la façon dont on vit. L'esclavage est le point le plus important de Pouvoirs. Comment peut-il être perçu par un enfant qui n'a connu que cela en rapport avec ceux qui s'en défendent et luttent contre ?

Au départ Gavir est absolument heureux et satisfait de son sort .... normal il  n'a connu que cela, de plus il profite de bons traitements, de la possibilité d'apprendre à lire et écrire et il est doué pour cela. En aucun cas il ne remet en cause le système de castes dans lequel il vit, ni les décisions prises à son encontre et à l'encontre de ceux qui sont dans le même cas que lui.
Les rumeurs de révoltes contre cet ordre du monde ne le touchent pas et ne remettent pas en question sa vision des choses. Jusqu'au moment où le malheur le frappe et l'oblige à voir autrement sa condition.
Il est étrange de constater qu'un esclave, même instruit, donc avec la possibilité de découvrir autre chose que sa propre vie, peut être conditionné à accepter sa vie parce qu'il n'a connu que cela.
Il faudra beaucoup de temps et de rencontres à Gavir pour remettre peu à peu en cause sa restriction de liberté qui était la sienne.
En même temps sa route consiste en une quête initiatique qui l'amène à se découvrir lui-même et surtout l'endroit d'où il vient.

Et de la même manière que l'on peut ne pas souffrir de sa condition d'esclave parce qu'on n'a connu que cela, on peut aussi ne pas se trouver à sa place parmi les siens parce qu'on n'a pas grandi parmi eux.

Ursula Le Guin traite de toutes ces questions de la manière qui lui est propre : en douceur, dans une écriture fluide et apaisante, comme toujours.
Et on se laisse emporter par la quête de Gavir, ressentant comme lui ses émotions, ses chagrins, ses souffrances ses révoltes muettes. Le Guin a l'art de rendre ses personnages charismatiques .... à un point que je ne lui reproche qu'une seule chose dans la conclusion de cette trilogie ...  C'est l'attente des retrouvailles avec ses tous premiers personnages, à savoir Orrec et Gry .... qui arrive à un point que l'on n'attend plus, ce qui m'a frustrée.
J'aurais aimé que cela arrive beaucoup plus tôt et savoir ce qu'il advenait ensuite de Gavir .. mais visiblement cette quête là avait pris fin.

Bon cela ne nuit en rien à la qualité de cette trilogie, dont j'avoue quand même préférer de loin le tout premier Tome. De toute façon pour moi Ursula Le Guin est une véritable magicienne des mots et une extraordinaire conteuse.

Un petit point qui m'interpelle tout de même, les couvertures de ces éditions l'Atalante ... dont les personnages représentés sont à mille lieues de ceux décrits dans les livres, particulièrement pour ce Tome ci qui présente un Gavir blanc aux cheveux noirs .... sauf que Gavir est .... noir. Je ne suis pas très fan de ces couvertures d'ailleurs mais là cela dépasse les bornes car cela n'a aucun rapport. Dommage.

Extraits
Autour ses ses mots, le silence se répandit. Il m'entoura, de plus en plus vaste et profond. J'étais dans un bassin, au fond d'un bassin non pas d'eau mais de silence et de néant, qui se poursuivait jusqu'à la fin du monde. Je ne respirais pas d'air. Je respirais ce néant.

Ce n'était pas à eux  mais à moi. C'était tout ce que j'avais jamais vraiment possédé. Je mis un terme à mes efforts d'amnésie. Tout ce que j'avais appris dans les livres me revint avec une clarté et une exhaustivité que d'aucuns jugent parfois inquiétantes, alors que ce don n'est pas si rare que cela. Je pus à nouveau pénétrer mentalement dans la salle de classe ou la bibliothèque d'Arcamand, en ouvrir un livre et le lire. Debout devant mon public, dans la salle de bois à haut plafond, je pus ouvrir la bouche, prononcer les premières lignes d'un poème ou d'un conte, et le reste suivait sans peine. La poésie se disait d'elle-même, les chants se chantaient d'eux-mêmes, à travers moi. Les légendes se renouvelaient ainsi que coule une rivière.

Ailleurs
Olya ; Vert ...

vendredi 20 avril 2012

Le voyage d'Hector ou la recherche du bonheur de François Lelord

"Il était une fois un jeune psychiatre qui s'appelait Hector et qui n'était pas très content de lui."

Non pas qu'il manque de clientèle, ni qu'il soit incapable de pourvoir aux besoins des personnes qui viennent le voir .... Non Hector est pas très content de lui parce qu'il se rend compte qu'il n'arrive pas, malgré tout, à rendre les gens heureux.

Mais qu'est-ce que le bonheur ? Comment le définit-t-on ? Comment le trouve-t-on ? Est-on conscient lorsqu'on le vit ?
Hector décide de faire un voyage à travers le monde afin de trouver des réponses à ses questions .... La Chine, l'Afrique, l'Amérique .... avec comme seul bagage son empathie envers les autres, sa curiosité et un petit carnet dans lequel il consignera toutes les leçons du bonheur ....

Voici un petit livre rafraîchissant ... qui narre de façon simple et presque naïve les recherches d'un jeune homme qui cherche les fondements du bonheur .. une recherche loin d'être facile et qui le conduite à des rencontres particulières. Cela se présente un peu comme un conte de fée moderne où aucun pays, en dehors de la Chine, n'est cité mais que l'on peut aisément deviner :
" Tous les deux, ils allaient dans le pays où il y a le plus de psychiatres au monde. Remarquez, on a dit "le plus de psychiatres au monde" mais on aurait pu dire aussi le plus de piscines, le plus de prix Nobel, le plus de bombardiers stratégiques, le plus de tartes aux pommes, le plus d'ordinateurs, le plus de parcs naturels, le plus de bibliothèques, le plus de majorettes, le plus de tueurs en série, le plus de journaux, le plus de ratons laveurs, le plus de quantité de choses, car c'était le pays du Plus, et depuis longtemps."

Un conte sur une quête personnelle qui ne trouve pas une mais plusieurs réponses, qui est aussi une étude des pays traversés, de leur culture, leur passé (ou manque de passé), leur guerre ....
Avec des rencontres aussi hétéroclites que des bandits voleurs de voiture en Afrique qu'un moine en Asie ou un grand chercheur sur le bonheur en Amérique.

Et à chaque fois Hector ressort de ces rencontres et de son vécu, des nouvelles leçons sur le bonheur.

C'est un livre qui a un style vraiment particulier, un peu comme si l'auteur s'adressait à un enfant, mais sans le prendre pour un enfant .... très spécial, très naïf parce qu'au fond cela force à faire appel à des stratégies pour deviner là où il souhaite nous emmener. Et puis une certaine forme d'humour et une façon de nous interpeller qui n'est pas déplaisante.

"A la douane, il y avait des douaniers qui étaient noirs aussi (mais on ne va pas le répéter  tout le temps comme pour les Chinois, dans ce pays tout le monde est noir sauf des exceptions, mais là on vous le dira)"

"Comme pour les pilules, il y a différentes sortes de psychothérapies, certaines inventées par des gens morts depuis longtemps. Hector avait appris une psychothérapie inventée par des gens encore vivants, mais assez âgés quand même."

Un chouette petit roman écrit par un psychiatre qui a laissé de côté son jargon pour aborder de façon simple (mais non simpliste) une des plus grandes préoccupations du genre humain. Alors elles se tiennent à quoi ces leçons du bonheur ?

En voici quelques-unes
Leçon n°21 : Le bonheur, c'est une manière de voir les choses.
Leçon n°13 : Le bonheur, c'est de se sentir utile aux autres.
Leçon n°10 : Le bonheur c'est d'avoir une occupation qu'on aime.
Leçon n°8 : Le bonheur c'est d'être avec des gens qu'on aime.
Leçon n°14 : Le bonheur c'est d'être aimé pour ce qu'on est.

Pour les autres leçons, je vous invite à aller voir directement dans le livre, ce sera un agréable moment.

Ailleurs

Merci à toi Marie Pierre qui a si bien deviné en quoi ce roman pouvait me plaire. ^^

mercredi 18 avril 2012

La quête d'Ewilan Les frontières de glace de Pierre Bottero

Désormais tout repose sur les épaules d'Ewilan, anciennement Camille dans son monde adoptif, pour libérer le monde de Gwendalavir. Elle est la seule capable d'éveiller les Sentinelles, ce qui permettra de repousser les Hordes Raï qui vont tout dévaster. Heureusement elle n'est pas seule dans sa tâche et les compagnons qui la suivent ne manquent pas de ressources.

Ce Tome 2 de la Quête d'Ewilan m'a plus emballée que le premier et ce pour plusieurs raisons :

- Une fois accepté l'idée que c'est un roman relativement simple, pour jeunes lecteurs, avec des personnages attachants mais manichéens, et une intrigue intéressante mais sans grande surprise, je me suis laissée prendre au jeu.
- Le récit a pris un tournant plus actif que dans D'un monde à l'autre, beaucoup d'évènements, de combats, de surprises,  et du coup cela se lit très bien, on ne s'ennuie pas. Certes les gentils gagnent et les méchants perdent mais pour autant Bottero ne tombe pas dans le gnagnan.
- Les personnages s'étoffent et y gagnent en sympathie, toujours la prime qui revient à Salim, le boute-en-train du groupe mais qui ne manque pas de réflexion et surtout un côté moins désagréable de la part d'Ewilan qui, si elle est surdouée dans son art, a quand même grandement besoin des autres pour tout le reste. On a envie de dire "ouf ce n'est pas une surhumaine" et du coup c'est bien mieux. Tout ce petit monde y gagne en maturité.
- Il y a un petit côté Seigneur des Anneaux dans cette quête : 
D'une part le groupe qui accompagne Ewilan, très hétéroclite, avec des dons et ressources variés. Les piques et traits d'humour échangés entre Salim et le chevalier Bjorn  me font penser à ceux de Légolas et Gimli (bon ma référence est certes filmographique, ne tapez pas !). Et il y a l'union de peuples qui n'avaient pas de raison particulière de s'allier.
D'autre part les raï ont un côté très orques.
- Et enfin un côté fantastique plutôt bien élaboré : avec un mélange entre des personnages de fantasy et des animaux préhistoriques (tels les tigres) ; et le rôle surprenant d'une Baleine. Et des lieux qui sont réellement merveilleux tels que l'Arche ou la Cité d'Al-Jeit.
"Le ciel se teinta d'or et de sang, et l'Arche explosa. Les cristaux qui semblaient la constituer captèrent une nuance différente dans la palette qu'offrait le soleil couchant. Ils amplifièrent les couleurs, les dispersant dans toutes les directions et l'Arche devint le centre d'un univers de lumière. [...]
Le pont avait pris une couleur argentée et scintillait doucement dans l'obscurité. Impossible de savoir s'il irradiait sa propre lumière ou s'il diffractait celle des étoiles."

Pour conclure, on ne peut pas  nier que la Quête d'Ewilan est très agréable à lire, 
D'ailleurs, une chose très importante à mes yeux : si le livre reste facile à aborder, le vocabulaire et la trame restent d'un bon niveau de lecture, il s'adapte à de jeunes lecteurs mais sans les prendre pour des crétins incapables de lire un certain niveau d'écrit. Et malheureusement quand on voit la réédition de certains livres dans une autre bibliothèque avec changement de temps (passage des temps du récit : passé-simple / imparfait au simple présent / passé composé : berk !) et simplification à outrance du vocabulaire, j'ai envie de dire un grand merci à Bottero d'offrir encore ce type de littérature jeunesse.
Au moins les enfants qui liront cette Trilogie auront un niveau de lecture un peu plus élaboré que ceux qui se contenteront de s'abaisser à des rééditions plus faciles d'abord.
Ceci étant mon petit coup de gueule final, j'achève là ce billet et vous donne RV pour le dernier tome de la série.

Ce livre est lu dans le Cadre du Challenge Pierre Bottero d'Edelwe.



Ailleurs
Olya Mina ...

mardi 17 avril 2012

Top Ten (16)

Le Top Ten Tuesday est un rendez-vous hebdomadaire dans lequel on liste notre top 10 selon un thème littéraire défini sur la blog de Iani - rendez-vous initialement prévu créé par The Broke and The Bookish-
 
Voici donc le thème de cette semaine
 
Les 10 plus gros pavés que vous avez lus (ceux qui ont le plus grand nombre de pages)

1) La Citadelle des Ombres de Robin HOBB qui cumulent sur les deux intégrales pas moins de 2005 pages !
Et encore mieux pour la suite : 2171 pages !

2) Aqua de Jean Marc LIGNY : 728 pages

3) Le Trône de Fer de George RR MARTIN : chaque Intégrale tient dans les 800.900 pages ... de bonheur (non non je ne fais pas la propagande du TDF, c'est promis :p) ; l'Intégrale 3 ne fait pas moins de 1150 pages !

4) La Horde du Contrevent de DAMASIO : 700 pages avec une originalité : c'est décompté à l'envers.

5) Chroniques des années noires de Kim Stanley ROBINSON : un sacré pavé celui-ci de 1015 pages !

6) La Somme de toutes les peurs de Tom CLANCY : 982 pages ; à l'époque j'avais lu toute la série des Jack Ryan et les derniers livres comptaient environ 720 pages

7) Exodus de Léon URIS : 632 pages ... dans un état lamentable j'avoue .... Pour anecdote ce livre de poche tient encore entier parce qu'un ruban en fait le tour !

8) Les aventures de Jack Aubrey de Patrick O'BRIEN, l'intégrale 3 : 980 pages ponctuée de toute le vocabulaire propre aux voiliers, c'est pas une sinécure.
 
9) Le fléau de Stéphen KING : je ne l'ai pas chez moi alors je ne sais plus combien il faisait de pages mais c'était un véritable pavé, surtout que l'édition prêtée n'était pas en poche et ... un livre pareil c'est lourd !

10) Sans famille de Hector MALOT, lu dans mon enfance : 752 pages

lundi 16 avril 2012

La stratégie de l'ombre d'Orson Scott Card

Bean, enfant des rues de Rotterdam, se battant tous les jours pour sa survie, est repéré par une Soeur qui va tout faire pour qu'il attire l'oeil des recruteurs de l'Ecole de Guerre, laquelle forme des enfants afin de lutter contre l'invasion d'une race extra-terrestre : les doryphores. C'est ainsi qu'il va rencontrer le fameux Ender Wiggin, enfant surdoué comme lui, de quelques années son aîné et sur lequel repose tous les espoirs.
Sauf que Bean pense que lui aussi peut réussir voire faire mieux qu'Ender ...

La stratégie de l'ombre - et le roman porte bien son nom- est un roman parallèle à La stratégie d'Ender .. en quelque sorte même les coulisses de ce dernier. 
Avant d'en parler je me suis longuement interrogée sur la nécessité qu'a eu l'auteur de revenir sur une histoire qui ne demandait pas forcément un autre traitement.
Il s'en explique dans un avant-propos : son objectif était de proposer une façon différente de traiter son histoire phare, conservant les personnages et décors originaux mais avec un point de vue différent (celui de Bean). Au préalable il ne devait pas en être l'auteur, il avait même proposé à Neal Shusterman de travailler avec lui et au final n'a pas supporté que le livre revienne dans d'autres mains que les siennes donc l'a rédigé lui-même.
Pour autant je reste sceptique ... Pour moi La stratégie d'Ender était par lui-même suffisamment complet pour ne pas donner envie de le voir autrement.
Quand je parlais de coulisses à l'histoire, c'est tout à fait cela ... dans ce roman là, toute la part de mystère et d'intrigue qui entourait le roman initial part en éclat  car tout est expliqué via Bean, et pire certaines épreuves imposées à Ender, découlent directement des analyses de l'autre enfant surdoué. Cela reste dans l'ombre certes puisque jamais Ender ne réalisera qui tire les ficelles. D'où ce titre au roman.

Par au-dessus s'inscrit une intrigue sur Bean lui-même : son intelligence incroyable (plus extraordinaire que celle d'Ender) serait le fruit d'une manipulation génétique qui la ferait accroître de façon exponentielle .... alors parallèlement à son histoire et son intégration à l'Ecole, se poursuit l'enquête menée par la Soeur Carlotta, celle la même qui le tira de la rue. C'est une partie intéressante de l'histoire puisqu'elle traite des manipulations génétiques, de ses dangers mais aussi du droit pris par certains individus pour jouer sur le génome d'autres êtres vivants.

Ce roman se présente de la même manière que La stratégie d'Ender : chaque chapitre s'ouvre sur une discussion entre les dirigeants de l'Ecole au sujet des enfants ... discussions souvent stériles et erronées de par leur méconnaissance de la psychologie de ceux qu'ils voient comme de charmant bambins juste doués intellectuellement mais incapables de violence et surtout pas en mesure de réaliser qu'ils sont manipulés.
Grave erreur ... car encore plus qu'Ender, l'enfant Bean voit tout, fourre son nez partout et devine tout y compris la fameuse fin qui restait très surprenante dans La stratégie d'Ender mais qui évidement perd toute sa saveur via cette sorte de clone du récit.

Après le roman se lit aussi facilement que l'autre, il est intéressant de voir Ender d'un autre point de vue bien que je pense que cela le diminue un peu .... intéressant de constater aussi qu'il traite son alter égo de la même manière qu'il fut traité lui-même : c'est-à-dire de façon brutale et humiliante et que malgré tout il ressort comme le héros. Intéressant aussi de constater que Card utilise les mêmes ficelles que dans son autre roman : l'enfant en souffrance parce qu'il est obligé de briller, l'élément violent et tueur, l'intelligence sur-humaine dont doivent faire preuve ces enfants pour survivre à la façon sont ils sont traités etc ...
Il y a aussi un côté malsain à la personnalité de Bean qui, tout en aidant Ender, lui nuit involontairement. Qui aussi, tout en voulant lui être meilleur, lui cède la place parce qu'il est prouvé que c'est de toute façon l'autre le plus à même d'accomplir la mission qui leur est impartie. C'est à la fois son ami, son admirateur, son bras droit mais son traitre. Très troublant ...

Qu'a voulu prouver l'auteur en construisant ce tome ci ? J'ai la sensation qu'il aimait tellement son personnage héros, son enfant stratège, qu'il a voulu reconstruire quelque chose autour de lui, pour entrer à nouveau dans son histoire mais sous un éclairage différent. Pas seulement pour cette dernière raison puisqu'il le dit lui-même mais parce que tout simplement il voulait retrouver Ender lui-même comme vu dans un miroir.
Sauf que je trouve  très étrange de vouloir revenir sur une histoire qui à la base traite tout de même d'une violence psychologique grave menée à l'encontre d'enfants très jeunes. C'est l'aspect qui m'avait choquée déjà dans La stratégie d'Ender et je ne comprends pas bien la nécessité d'avoir voulu y revenir, d'une autre manière certes mais qui traite encore cet aspect des choses et en quelque sorte de manière encore plus perverse. Et la souffrance de l'enfant Ender parait encore plus monstrueuse que dans l'autre tome.

Il explique aussi dans son Avant Propos que les trois suites de sa série se recoupaient et qu'en fin de compte le tout premier roman en demeurait orphelin. Soit mais en en même temps c'est justement ce qui en faisait toute sa qualité et son effet d'originalité et de surprise. Car tout ceci est gommé dans la Stratégie de l'Ombre, forcément puisque c'est un livre explicatif du tout.

Pour conclure, je dirais que c'est  un livre qui se lit très bien, qui accroche tout aussi facilement que l'autre, ce n'est pas du tout un mauvais roman et on peut considérer qu'il apporte des éléments qui éclairent l'autre pourtant je ne les trouve pas nécessairement utiles voire même ils auraient tendance à le desservir.

Extrait
"Moi, je  ne suis pas comme toi. Je ne suis qu'un gosse des rues qui  a pour seul talent de savoir survivre par tous les moyens. L'unique fois où je me suis trouvé en danger, je me suis sauvé comme un écureuil et je me suis jeté dans les jupes de soeur Carlotta. Ender est allé seul au combat, tandis que je suis allé seul dans mon refuge. Moi, je fais de grands discours guerriers, debout sur une table de réfectoire ; toi, tu affrontes nu l'ennemi et tu le vaincs alors que toutes les chances sont contre toi.
Je ne sais pas quels gènes ont a modifiés chez moi, mais ce n'étaient pas les bons."
 

Ailleurs


samedi 14 avril 2012

La quête d'Ewilan, d'un monde à l'autre de Pierre Bottero

Si rien ne distingue Camille des autres élèves de sa classe, l’adolescente est néanmoins très différente de ses semblables. Incroyablement surdouée, ignorée par ses parents adoptifs, elle se retrouve un beau jour propulsée dans un monde parallèle aux multiples dangers. En compagnie de son ami Salim, Camille apprend qu’elle se nomme Ewilan, qu’elle appartient à l’empire de Gwendalavir et qu’elle a le pouvoir de le sauver…
Car Ewilan serait une dessinatrice et dans ce monde créé par les humains, cela prend toute son importance.

D'un monde à l'autre fait partie d'une trilogie nommée La quête d'Ewilan, le tout dans une superbe édition rééditée par Rageot avec en prime un rajout de la part de l'auteur qui s'appelle "Avant", qui commence quelques années avant le début de l'histoire.

Voilà ce qu'en dit Bottero
" J'ai profité de la réédition des trois tomes de la Quête d'Ewilan en un volume unique pour partir à la rencontre de cet "avant", l'esquisser sans le brusquer, lui offrir quelques pages afin de vérifier si nous nous entendons bien lui et moi. Juste au cas où ...
A vous de voir si le coup d'oeil en arrière vous donne envie de faire demi-tour avec moi."

Je n'ai évidement pas connu ce livre sans cet Avant, donc je ne peux juger s'il est utile ou non à l'histoire. A la rigueur je serais tentée de dire qu'il apporte peut être un peu trop d'informations par rapport à la suite et qu'il gâche un tantinet le plaisir de la découverte par soi- même des évènements qui arriveront ensuite.
Il est clair que, plus encore que pour les Âmes Croisées, cette trilogie est de la littérature jeunesse, quelque fois on peut hésiter, mais là pas de doute .... et cet "Avant" est alors une bonne introduction pour de jeunes lecteurs.

Si l'histoire se lit très bien, ne lasse pas, est bien écrite, j'émets quand même quelques réserves : en effet, malgré une certaine complexité et originalité du monde parallèle créé par Bottero, l'intrigue reste simple et sans surprise.
Partie à la recherche de ses origines dans ce monde inconnu, Ewilan y apprend qu'en vérité ce n'est pas elle mais son frère qui devra le sauver ... or toutes les péripéties pour le retrouver et ce qui en ressort coule de source. Surtout la conclusion de cette recherche .. elle était terriblement prévisible.

De plus les personnages sont vraiment très caractérisés, les vrais méchants, cruels et sans foi et les vrais gentils sympathiques et aidant comme :
- Edwin le chevalier pur et invincible, imbattable et loyal
-Duom  le vieux savant qui est le guide et possède presque toutes les réponses aux questions d'Ewilan
-Bjorn  le colosse vantard qui aimerait bien être un héros et s'invente des aventures mais n'en demeure pas moins l'ami fidèle des vrais héros

Les deux personnages principaux, les adolescents, sont attachants mais sans susciter non plus des émotions fulgurantes. A la rigueur j'aurais une préférence pour Salim qui est beaucoup plus naturel et sympathique que Camille- Ewilan, la surdouée qui se prend un peu trop au sérieux.

Bon je ne jette pas la pierre non plus à Bottero, c'est un  bon livre jeunesse, on a envie de découvrir la suite, ce n'est aucunement ennuyeux et l'invention de son monde de l'Imagination est vraiment un concept sympa et particulier.
J'aurais juste aimé un peu plus de complexification de l'aventure et de la psychologie humaine.
A suivre ....

Livre lu dans le cadre du Challenge Pierre Bottero d'Edelwe.

Ailleurs
Olya ; AcrO ; Mina ...

mercredi 11 avril 2012

L'Empereur Dieu de Dune de Frank Herbert

Parce que Léto Atréides a entrevu une terrible menace pour la race humaine : son extinction ; il a du faire, enfant, un choix qui l'a désormais conduit à l'immortalité et l'invulnérabilité.
Trente cinq siècles se sont écoulés depuis que l'enfant a emprunté le Sentier d'Or et laissé les truites des sables le métamorphoser en ver des sables .. le dernier existant sur la planète Arrakis (autrement nommée Dune) : des siècles de paix mais aussi de pouvoir. 
Car l'Empereur Dieu contrôle désormais tout : l'Epice qu'il distribue avec parcimonie et selon mérite (ou pas si punition), la Guilde, le Bene Gesserit, son armée de truitesses, des femmes implacables et mystiques. Il est porteur de tous les passés de ses prédécesseurs et de tous les avenirs, capable de prescience qui lui fait tout prévoir.

Seuls le Theilax et les Ixiens tentent encore de s'opposer à lui, les premiers en lui envoyant des répliques de son fidèle ghole Duncan Idaho et les seconds en l'éprouvant en la personne de Hwi Noree une femme capable de percer sa carapace et de le séduire ... pour mieux le détruire.

L'Empereur Dieu de Dune constitue une rupture avec les tomes précédents, dans le sens où il démarre plusieurs siècles après les Enfants de Dune et fait intervenir des personnages complètement nouveaux, en dehors des Duncan Idaho. 

Des personnages  intéressants à tout points de vue, chacun à leur manière
- Monéo le majordome Atréides soumis à ce point à la volonté de son Seigneur et Maitre qu'il en devient presque mystique et pourtant il est l'un des seuls à l'aimer réellement et à le comprendre dans une certaine limite.
- sa fille Siona, une rebelle, déterminée à mettre fin à la tyrannie de celui dont elle comprend le cheminement mais n'accepte pas le procédé.
- Hwi Noree, une femme empathique et douce, qui, seule, comprend toute l'étendue de la solitude de son Empereur et ressent profondément ses sentiments.
- Duncan Idaho, élément sans cesse recréé au point de perdre son identité, parce qu'il doit revivre dans un futur qui n'est pas le sien, porteur d'un passé qui s'éloigne de plus en plus ; son existence forcée en devient presque cruelle.

Léto Atréide est un tyran bien entendu dans la mesure où il est à la fois pouvoir et religion, un  Dieu,  dispenseur de bienfait ou de punition, un homme qui n'en est plus vraiment un, capable de tuer s'il le faut .... mais son humanité perdue le rend touchant. 
Car il est profondément seul. Son choix l'a conduit à la solitude le plus absolue qui puisse exister et ce depuis des milliers d'années ... Le choix de l'immortalité pour autant qu'elle puisse paraître alléchante est pourtant une arme à double tranchant : elle génère un temps qui n'a pas de fin, un ennui au point que Léto guette la moindre possibilité d'être surpris, un immobilisme forcé du fait de la route de ce Sentier d'Or .... un Sentier qui porte en lui son échec et sa fin ...

Le Messie de Dune était déjà un livre extrêmement émouvant avec un Paul Muab Dib face à ses propres choix et sa prescience qui le rendaient très vulnérable et seul ...  mais en fin de compte il n'aura pas osé emprunter la route que son fils aura choisi quelques années plus tard .... Ce qui rend ce Tome ci d'autant plus  terrible. On ne peut que compatir aux ressentis de ce tyran pourtant monstrueux à sa manière. Et je trouve toujours la fin bouleversante.

Pour autant il n'est pas mon préféré dans la mesure où il est fort lent, au rythme du temps qui s'écoule pour Léto et fort introspectif (ce qui est un peu la marque de Dune notamment déjà dans le Messie de Dune), compliqué aussi de par tous les méandres d'un pouvoir despotique et d'une religion fanatique.
Mais un roman fort et très bien conçu, qui signe là la fin d'une ère de la planète Dune.

Frank Herbert aurait tout aussi bien pu conclure sa série sur celui-ci.

Extrait
Ils avaient réussi à découvrir son secret. Hwi en était la preuve. Ses pensées étaient désespérées. Pouvait-on inverser la processus de cette terrible métamorphose ? Pouvait-il retourner à l'état humain ?
Impossible.

Paradoxalement, plus il se rapprochait de l'état vermiforme et plus il avait du mal à prendre des décisions que d'autres auraient qualifiées d'inhumaines. Naguère, cela ne lui posait pas de problème. Mais au fur et à mesure que son humanité lui échappait, il se trouvait de plus en plus aux prises avec des préoccupations humaines.

Ce livre fut lu dans le Cadre du Défi Herbert organisé par Anudar.


samedi 7 avril 2012

35 kilos d'espoir d'Anna Gavalda


« Je hais l’école.
Je la hais plus que tout au monde.
Et même plus que ça encore …
Elle me pourrit la vie. »


Voici le début de l'histoire de Grégoire, de son histoire avec une scolarité ratée. Il a trois ans lorsqu'il entre en maternelle et un jour de plus lorsqu'il décide qu'il n'y retournerait pas, sauf que ... eh bien il n'a pas le choix.
Alors commence pour lui de longues années de souffrance.


 « De toute façon, j’en connais plein, des gens qui n’aiment pas ça. Vous, par exemple, si je vous demande : « Tu aimes l’école ? » Vous allez secouer la tête et me répondre que non, c’est évident. Il n’y a que les super fayots pour dire oui, ou alors ceux qui sont tellement bons que ça les amuse de venir tous les matins tester leurs capacités. Mais sinon … Qui aime vraiment ça ? Personne. Et qui déteste vraiment ça ? Pas grand-monde non plus. Si. Il y a ceux qui sont comme moi, ceux qu’on appelle des cancres et qui ont tout le temps mal au ventre. »

Car lui ce qu'il aime, c'est bricoler, avec son grand-père, la personne qu'il aime le plus au monde. 
Comment allier alors sa passion et l'obligation de continuer l'école au moins jusqu'à 16 ans ? Peut-être que l'espoir réside encore .... sur le prospectus du lycée technique de GrandChamps, des élèves rempotent des plantes et coupent des planches ... 

« Je voudrais venir à GrandChamps parce que c’est là que je serai le plus heureux, je pense.
Je ne suis pas très gros, je pèse 35 kilos d’espoir. »

 Voici donc un petit livre jeunesse qui ne paye pas de mine, petit parce qu'il ne comporte qu'une soixante quinzaine de pages et intéressant à plusieurs niveaux :
- tout d'abord parce qu'il est toujours bien de se mettre dans la peau d'un enfant cancre, pas un enfant idiot mais un enfant qui n'est pas fait pour l'école, car cela existe et peu de solutions leur sont proposées actuellement. Sans compter qu'ils ne sont pas si faciles que cela à détecter entre tous les problèmes cumulés par les handicaps sociaux et culturels des uns, des handicaps intellectuels des autres, et des dys ... machins des derniers ...
- parce que c'est un Gavalda et cette auteure sait tout aussi parfaitement se mettre dans la peau d'une femme que d'un homme ou d'un  garçon de 13 ans.
- parce qu'elle sait toucher juste par ses écrits, ses personnages qui nous sont proches, nous concernent,  nous émeuvent,  et nous renvoient à des morceaux de passé, de vie ...

Une bonne petite lecture plaisir, le temps d'une trentaine de minutes.
Et parce que moi aussi des fois (même si c'est mon taff et que je l'aime) :
« Je hais l’école.
Je la hais plus que tout au monde.
Et même plus que ça encore …
Elle me pourrit la vie. »

Petite anecdote que ceux qui me connaissent bien comprendront : l'enfant est surnommé Toto, pour les autres, vous pouvez toujours aller faire un tour ici. ^^