lundi 1 novembre 2010

La Horde du Contrevent d'Alain Damasio

Ecrire un billet sur une oeuvre d'une telle ampleur va se révéler difficile je le pense, d'autant plus que j'en ai déjà parlé précédemment ici et que du coup je n'ai plus mon entrée en matière ..
Je vais tenter tout de même ....

Un groupe d'élite, formé dès l'enfance à faire face d'une manière presque inhumaine, part d'Aberlaas, pour remonter la Terre à pied afin de rencontrer les 9 formes du vent et parvenir à l'Extrême -Amont ...
On est sur un monde où le vent est roi, où le vent est codé, traduit, appris sous forme de dictées, (je dirais même des dictées musicales représentées par des signes de ponctuation), décrypté et combattu ... il en existe 9 formes mais seules 6 déjà ont été découvertes : la zéfirine, le slamino, le choon, la stèche, le crivets et la pire d'entre eux, le furvent.
Ce vent est presque vivant, avec ses entités qui lui sont propres et d'ailleurs la vie s'est entièrement construite autour de lui mais gare si l'on en tient pas compte, il détruit tout !

Tout au long des 700 pages, décomptées à l'envers, on va partager le quotidien de ces 23 hordiers, durant des années ... leurs souffrances, mais aussi leurs rêves, leurs conflits, leurs déceptions et moments de découragement ... Ils sont la 34ième à tenter l'impossible : faire mieux, aller plus loin que leurs parents consiste un défi qu'ils tentent de relever ...
C'est un monde cruel, fou où chacun avec sa personnalité survit de son mieux à travers les épreuves qui se révèlent de pire en pire au fur et à mesure de leur contre. Des personnalités dont la psychologie est parfaitement cernée par l'auteur. Pour ma part c'est essentiellement à Sov et à Oroshi qu'est allé mon attachement.

Le roman débute sur leur lutte contre le furvent, le pire des vents, celui qui ne laisse rien debout, qui ravage tout ... on vivra avec eux le combat contre le Corroyeur, la terrible traversée de la flaque, l'épreuve du syphon, les premières pertes, avant d'aboutir à la Norska et le fameux volcan Krafla (qui se révèle être la 7ième forme du vent).... successivement les épreuves du sable, de l'eau et enfin de la glace .... des épreuves durant lesquelles on reste accroché à son livre sans pouvoir souffler (j'ai lu quelques soirs jusqu'à point d'heure parce que je ne parvenais pas à m'en détacher) ... et en subissant pertes après pertes ...
J'ai d'ailleurs ressenti un curieux détachement au moment du Krafla avec une sensation de petit "ras le bol" lorsque la Horde se décimait peu à peu, impitoyablement .... parce que je l'ai vécu vraiment comme insupportable, je me suis sentie alors spectatrice d'une tragédie qui se déroule devant mes yeux sans que je puisse y changer quelque chose. Alors j'avoue avoir eu un moment de faiblesse, une parole de "mais j'aime pas ce livre à la fin!", avant de m'y replonger derechef dedans en espérant un petit moment de répit ..

Ces moments de répit on les trouve entre .. lors de leur rencontre avec les Fréoles, lors de la rencontre de certains avec leurs parents (moment très émouvant et moment aussi terrible à l'instant de l'impact de la rencontre de Golgoth avec son père), lors aussi de cet incroyable défi de la joute verbale.
Là je fais une petite parenthèse pour en dire quelques mots .... tout le style de Damasio est basé sur sa façon presque surnaturelle de manier la langue française, d'en faire des jeux de mots, au points que certaines fois j'avoue avoir du relire plusieurs fois certains passages pour en comprendre le sens ... et cette joute est vraiment l'apothéose de cette écriture incroyable ... à travers les épreuves du palindrome dialogué, de la monovoyelle en O (cela ne s'appelle pas une allitération en O dans le terme exact ? je me suis posée la question), du stylibre ...
Et nous voilà partis dans une joute verbale proprement hallucinante, d'échanges de propos qui fusent telles des armes pour abattre l'adversaire ... ça n'a pas eu l'intensité d'une lutte contre le furvent ou contre le syphon mais j'avoue que cela m'a époustouflée !

Tout au long du récit, on se demande sans cesse sur quoi vont-ils aboutir, si seulement ils vont aboutir quelque part ? Que vont-ils trouver au bout de leur contre ? Cela vaut-il tous ces sacrifices qu'ils font pas après pas ? Et surtout y a t-il une fin du monde ? Ou vont-ils revenir à leur point de départ ?
J'avais plus ou moins anticipé la fin mais j'avoue qu'elle a tout de même réussi à me faire tomber des nues .. voire m'a laissée terriblement dubitative .. une fin que j'avais appréhendée mais pas tout à fait de cette manière là .. j'en suis restée un bon moment le livre entre les mains, à me demander si j'y avais réellement compris quelque chose ...
Troublant ...

Enfin pour conclure ... rares sont les livres qui me laissent une telle impression .... je ne m'estime pas fana de science fiction de manière générale car j'en ai lu très peu, mais ces romans à souffle comme des Dune de Herbert ou une Horde de Damasio, me transportent ... La Horde du Contrevent marque les esprits, sans aucun doute !!! Et pour ma part elle me laisse une trace indélébile.

Citations
Pourquoi acceptons-nous de consacrer notre vie à aller quérir une origine que personne n'a jamais pu atteindre ?

Là-haut, la terre est bleue comme une orange.


La neuvième forme du vent, tu la rencontreras en Extrême-Amont - et là-bas seulement. Elle prendra le visage de ta quête. Elle sera ce que tu as toujours cherché à combattre, fils, à chaque instant de ta vie.


Dans le chrone se tenait un gorce puissant, caparaçonné de rouge sombre qui se ruait vers l'amont. Mais le plus sidérant était que ce gorce possédait deux têtes qui jaillissaient de l'encolure ; celle de gauche se jetait vers l'avant, sans cesse, avec de furieux à-coups, celle de droite lui répondait par des coups de groin féroce.


Ce n'est pas l'Extrême-Amont qui me tire. Ce sont eux : nous.


Pour en savoir plus
La Horde du Contrevent a été récompensée par le Grand Prix de l'Imaginaire 2006.
L'auteur est venu discuter sur le forum de Actu SF

Ailleurs
Traqueur Stellaire ; cafard cosmique ; valunivers ; RSFBlog ; Dragon galactique ; Chez l'aventurier des rêves ...

7 commentaires:

  1. Un livre à découvrir de toute urgence :)

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  2. Et voilà c'est fait ^^
    Dis moi si tu as fait une chronique sur ton blog que je puisse la rajouter dans mes liens :)

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  3. "d'une manière presque inhumaine" : inhumaine tout court XD Leur enfance est atroce ! du peu qu'on en sait d'ailleurs.

    Ben moi je continue ma relecture, j'en suis à la fin de la flaque. J'ai des questions, posés sur ton premier sujet sur la Horde. Si tu as assez de souvenirs pour tenter de me répondre XD

    bleue comme une orange ?! J'ai pas du encore tomber sur la citation. C'est marrant quand même comment cette phrase de Paul Eluard se retrouve dans la SF (c'est aussi le titre d'un livre de Spinrad)

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  4. Si je veux rester dans le coup ;-) Il va falloir que je le lise. Le livre me fait peur, car j'ai peur d'être déçu, et en plus c'est une sacré brique. Mais il semble réserver un excellent moment!

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  5. C'est vrai que lorsqu'on s'attaque à un livre que globalement tout le monde (ou presque) a apprécié, on a des appréhensions .... Pour moi ce livre a vraiment été une découverte et c'est un véritable monument littéraire.
    Tu me diras si tu oses te lancer ^^

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