samedi 7 février 2015

La route de la conquête de Lionel Davoust

"En son coeur, en son âme, l'espèce humaine est déséquilibrée.Nous apportons l'équilibré, la durée, la stabilité. C'est juste et indispensable. C'est notre mission. Mais ... Que se passe-t-il quand on rencontre un peuple déjà équilibré?"

Cette citation fait référence à la toute première nouvelle de ce recueil de Lionel Davoust qui nous plonge à nouveau et avec délice dans son monde d'Evanégyre, univers déjà fréquenté dans le très bon La Volonté du Dragon (qui fut d'ailleurs ma toute première lecture de cet auteur que j'apprécie tout particulièrement ).
Lionel nous propose donc une nouvelle plongée dans ce monde à travers six nouvelles qui se situent à différents instants de l'âge d'or du Saint Empire d'Asrethia.


Et comme il nous propose, à la fin du livre, des repères chronologiques de ces conquêtes, c’est dans cet ordre que je vais parler des nouvelles.


La fin de l’Histoire nous présente le journal tenu par Veithar lors d’une expédition à travers la jungle de l’Insendra afin de conquérir un nouveau territoire. L’intérêt de cette nouvelle prend tout son sens dans ces paroles qui prononcent l’auteur du journal à savoir « Je vous promets que l’Empire d’Asreth n’est pas votre ennemi. Notre mission est pacifique. Nous apportons de grands progrès, des merveilles que nous souhaitons partager avec vous. Nous aimerions parler. » ..... le choc de deux cultures complètement antagonistes, l’une qui fait corps avec la nature, les traditions et l’autre, tout en force et convaincue d’être dans son bon droit, de sauver ces peuplades d’eux-mêmes et par la puissance de leurs armes s’il le faut. Sauf que la résistance imprévue des enfants d’Isendra aboutira à un final tout à fait étonnant et poétique.


Ensuite, lors de la Bataille des Brisants qui oppose les guerriers mémoires du Hiéral à l’Empire d’Asreth, nous trouvons deux nouvelles Bataille pour un souvenir (présente dans le recueil L’importance de ton regard) et Au-delà des murs, deux nouvelles qui se lisent en parallèle. Je ne reviendrai pas sur Bataille pour un souvenir qui faisait partie de mes préférés du recueil précédemment cité mais Au-delà des murs met en scène un soldat traumatisé, qui se réveille dans un endroit inconnu, avec perte de mémoire, sans savoir quelle est la réalité du monde qui l’entoure. On assiste à travers ses yeux à la mort du général Erdani, du côté Asreth, bataille déjà vécue au côté des guerriers mémoires. Ces deux points de vue sur cette même bataille sont très intéressants. Les deux nouvelles sont bien écrites avec toujours un petit faible pour Bataille pour un souvenir qui m’a conquise de la même manière que la première fois où je l’ai lue et dont je disais :
Une atroce bataille embellie par la plume de Davoust : eh oui il parvient à poétiser le pire drame humain, c'est fort.



On retrouve ensuite la généralissime Stannir Korsova (déjà présente dans la Volonté du Dragon) à travers La Route de la conquête, la nouvelle la plus importante du récit, pas moins de 150 pages pour vivre la conquête d’une steppe nommée Océan Vert habitée par un peuple mystérieux. J’ai beaucoup pensé aux guerres de colonisation des terres nouvelles lorsque les colons, lourdement armés et convaincus de leur supériorité, tentaient de soumettre des peuples proches de la nature et des vraies valeurs de la vie.  
 J’ai trouvé cette nouvelle absolument passionnante et bien menée, qui nous met en présence d’un conquête vouée à l’échec de part les trop grandes différences de points de vue du conquérant et du conquis .... Un récit très émouvant aussi car on se rend compte qu’au fil des jours, la conscience de la Généralissime la travaille de plus en plus sur sa légitimité à forcer un peuple à accepter leurs croyances. D’ailleurs la fin, ouverte, m’a déçue, pas d’un point de vue de l’histoire elle-même car c’est tout ce qu’il y a de plus réaliste, mais parce que, prise par l’espoir, je souhaitais mille fois que tout s’arrange, je me suis faite avoir par le sentimentalisme, ce qui prouve à quel point j’étais entrée dedans.
« La généralissime promena le regard sur la salle, sur ces visages détendus, rieurs, sur les musiciens et les chanteurs qui avaient à présent entamé une mélodie plus joyeuse, encourageant les premiers danseurs de l'assistance à les rejoindre. Cette culture était figée, comprit-elle, dans un équilibre effectivement pérenne avec son environnement, garanti par les traditions, et ce depuis des siècles - peut-être même des millénaires. Isolée entre des montagnes arides et de la mer, seulement touchée par quelques échanges commerciaux avec les cités de l'ouest du Grand Sud, elle restait dans une large partie ignorante des évènements du monde. Aucune des guerres qui avaient secoué Evanégyre ne les avait touchés, ou tout au plus sous la forme de rumeurs, de légendes. Le temps ne s'écoulait pas dans l'Océan Vert, ou bien différemment : une simple horloge marquant le passage des générations, des lunes, et non celui, bien plus terrible et vertigineux, des guerres, des nations et des civilisations. »


Au moment de la Seconde Guerre de l’Evangélyre prend vie le fabuleux Le Guerrier au bord de la glace.  Lorsque j’ai ouvert ce livre, j’étais convaincue que ma nouvelle préférée resterait Bataille pour un souvenir qui j’avais trouvée particulièrement poignante et émouvante, et bien sûr excellemment écrite. 
C’était sans compter sur le génie de Lionel Davoust qui une fois de plus, a réussi à me transporter. Cette nouvelle qui narre le combat des Charistes contre des insurgés est tout simplement superbe, avec des scènes de combat absolument magnifiques de par un écrit maitrisé et poétique.

J’ai adoré cette armure avec une conscience que portent ces guerriers, cette sorte de symbiose entre la machine et l’humain.

« Une formidable serre griffue aux reflets de rouille m’enserre le torse comme si la mekana haute de presque vingt mètres n’était qu’un jouet. Au-dessus de moi, des écailles couleur de cuivre, mais dix fois plus résistantes, roulent avec une fluidité liquide sur des muscles parfaitement taillés. Les ailes dorées caressent le ciel à la façon d’une flamme jaillissante, émerveillement et splendeur dans le corps de l’être le plus formidable que connaît notre monde, et nous nous élevons parmi les explosions, les coups, les tirs. »

Ce texte m’a donné envie que Lionel Davoust fasse un nouveau roman uniquement sur cette période de l’Evanégyre.



Et enfin le recueil se conclue avec Quelques grammes d’oubli sur la neige, qui se situe dans un futur non daté .... une nouvelle qui se détache des autres, racontée à la façon d’un conte où un roi humain change au gré du pouvoir qu’il se découvre .... celui de contrôler son temps. Encore un magnifique écrit, très émouvant et sensible. La fin est très réussie.



Encore une fois je réalise à quel point il est difficile d’écrire un billet sur des nouvelles ... surtout lorsqu’on essaye de trouver, à travers ses pauvres mots, ceux qui rendront correctement la beauté de ces textes. Je me rends compte que plus l’écrit est fabuleux de sensibilité, d’émotion et de qualité littéraire et moins je parviens à rédiger quelque chose de correct et de maîtrisé. 
Il n'est pas facile d'être chroniqueur !
Bon cela dit, une fois de plus j’ai été conquise par ce nouveaux recueil La Route de la conquête : et en fermant le livre j’ai vu sur les dernières pages : Port d’âmes à paraître en août 2015 ce qui m’a arrachée un grand soupir de bonheur. Vivement la suite alors !



Pour la petite anecdote, j’étais en plein dans La route de la conquête lorsqu’un matin j’ai entendu à la radio le trio des best sellers français de l’année à savoir Musso, Pancol et Levy. ... je n’ai pu m’empêcher de regretter que beaucoup de lecteurs français ne retiennent que ces auteurs à succès tout en passant à côté d’auteurs tellement exceptionnels comme Lionel Davoust, Jean-Philippe Jaworsky ou Justine Niogret  (et je n’oublie pas Sylvie Lainé ou Mélanie Fazi pour les nouvelles)..... 
Quel regret que la littérature SFFF ne soit pas mise plus en valeur et que certains se contentent de la littérature grand public qui – j’ai lu un livre de Musso et deux de Pancol- sont incapables de me transporter comme le font si bien les auteurs que j’aurais cités dans mon top à moi.

Tant pis pour eux et tant mieux pour nous blogueurs de la SFFF qui avons su trouver où se cachent les perles rares de la littérature française.

Ailleurs

6 commentaires:

  1. Ah, les grand médias... Le jour où ils mettront en avant la SFFF, c'est que le monde aura bien changé !

    En tout cas, excellent recueil, avec plein de récits bien écrits et intelligent. J'aime beaucoup le fait que Lionel Davoust ne prenne pas de parti et entretienne une belle ambiguité sur le désir de conquête de l'Empire d'Asreth.

    Vraiment une très belle série, dont j'ai hâte de lire la suite.

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    1. En tout cas le top 3 des blogueurs serait totalement différent de ceux des médias, c'est le principal ^^
      Oui tu as tout à fait raison sur le fait de ne pas prendre parti, vivement la suite, c'est de la fantasy originale et intelligente :)

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    2. Il a annoncé une suite ?
      Voilà qui m'intéresse.

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    3. Oui à la dernière page :)

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  2. Au programme un jour de mon côté ^^

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