jeudi 8 janvier 2015

Je suis Charlie ....


Hier soir j'étais bien trop anesthésiée et abasourdie, anéantie, pour réussir à formuler quoique ce soit comme écrit .... Mais, cette nuit, parce que je ne dormais pas, deux choses essentielles sont ressorties ...
La peur et la tristesse ....

La peur parce que maintenant tout est possible .... et que l'humain vient de se monter à nouveau le plus vil, le plus impitoyable et le plus monstrueux de tous les êtres vivants sur cette Terre ....
Hier, Mercredi 7 Janvier 2015 - une date qui restera gravée au fer rouge dans nos mémoires, à l'image de celle du 11 Septembre 2001 - des terroristes fanatiques, des salauds, sont entrés dans les Bureaux de Charlie Hebdo et ont tué .... froidement .... Et cela fait peur, parce que où va-t-on si on peut tuer autrui gratuitement ? Si on est capable d'achever un homme à terre de sang froid ? Si on est capable de regarder des hommes droit dans les yeux avant de les descendre ? Au mépris de leur humanité, de leurs sentiments, de leurs vies ?
Où va-t-on si on peut assassiner la liberté de conscience, la liberté de paroles, ces libertés pour lesquelles un pays s'est battu ? Où va-t-on si l'humour ne trouve de réponse que dans le sang et les armes de guerre ? Comment peut-on croire encore en l'être humain si on peut commettre de telles exactions sans aucun état d'âme ?
Parce que c'est inimaginable et impensable de vivre en France et d'assister à une telle tragédie, aussi ciblée, aussi préméditée.

La tristesse ... parce que ce matin, dix personnes (plus deux policiers) : Charb, Cabu, Georges Wolinski, Tignous, Bernard Maris, Philippe Honoré, Michel Renaud, Mustapha Ourrad, Frédéric Boissaud et Elsa Cayat sont partis au travail, comme tous les matins, ont certainement embrassé des femmes ou maris, des enfants, sûrs de les retrouver le soir, ont pris le métro ou la voiture, se sont salués, ont échangé des plaisanteries, des paroles , se sont réunis .....des gestes de leur quotidien, et au final ... ont trouvé la mort ( et ont plongé dans le désarroi et le chagrin leurs familles et leurs amis).
A un moment de la tragédie, ils se sont retrouvés face à ces ordures qui leur ont demandé leurs noms et les ont exécutés comme sur ces images de guerre où l'on voit un homme à genoux, un flingue braqué sur sa temps .... comme ça, d'un geste, au nom d'un prophète qui jamais, lui, n'aurait voulu cela.  Qu'est-ce qu'on peut ressentir lorsqu'on est face à deux personnes qui vous apportent la mort ?
De la tristesse parce que c'est juste dégueulasse .... parce que c'est inhumain, parce que jamais de telles horreurs devraient se produire, jamais, jamais et jamais !!!

Alors aujourd'hui, jour national de deuil, je n'avais qu'une hâte, vite retrouver l'école, les enfants, mes collèges, ne plus se sentir seule face à l'inconcevable, en parler, partager sa peine.
Je n'ai pas attendu les directives de mon sup-supérieur pour demander à mes collèges, dans la limite d'âge de leurs élèves, d'en parler avec eux, de les laisser amener le sujet, de les aider à comprendre .... de leur ouvrir aussi les yeux sur le danger de faire des amalgames.
Et de faire une minute de silence à 11H.
Alors on a parlé .. il est ressorti des choses formidables, des enfants qui du haut de leurs 9 et 10 ans (je suis restée avec mes élèves même si ce n'est pas moi qui faisais classe aujourd'hui), ont déjà compris des choses, savaient raconter ce qu'ils avaient ressentis mais montraient aussi leur incompréhension
"Mais on a le droit de faire de l'humour !"
"Le prophète c'était qui ?"
"Alors ils les ont tués parce qu'ils faisaient des dessins ?"
"Pourquoi la dame, elle a accepté de donner le code aux terroristes ?"
"On ne va pas partir en classe Paris alors ?"
Nous avons parlé de l'Inquisition au Moyen Age, nous avons écouté les paroles de l'Imam ....et aussi fait comprendre qu'il ne faut pas  condamner toute une religion pour l'action de deux fanatiques qui n'ont rien compris à rien.
"- C'est quoi un amalgame?
- Qui peut expliquer le mot ?
- C'est quand on mélange tout."

Et puis on a mis la pancarte à notre squelette et quelques enfants, spontanément, en début d'après midi sont venus nous montrer les dessins "Je suis Charlie" qu'ils avaient fait.

Voilà ...

Aujourd'hui, nos élèves ont été  intelligents, ils ont été matures, attentifs, intéressés, à l'écoute, ouverts aux paroles de uns et des autres. Ils ont été mille fois supérieurs, mille fois plus adultes et plus sensés que ces deux tueurs qui ont commis le plus impensable des actes.
Terroristes, méfiez-vous, les enfants savent, les enfants n'oublieront pas cette date et ces enfants grandiront .... J'ai l'espoir que vous n'existerez plus jamais lorsqu'ils seront à leur tour adultes.



2 commentaires:

  1. Ils sont chouettes tes élèves. Surtout quand je vois comment certains ont réagi à tout cela. Cela dit ils sont probablement plus âgés. C'est vraiment bien aussi ce que vous avez fait à l'école. Vous augmentez les chances que ces gamins ne sombrent pas dans la connerie plus tard. Merci pour ça.
    (c'est le 7 janvier sinon)

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    1. (J'ai corrigé ^^)
      C'est là le côté chouette de ma profession et qui j'espère ne changera jamais malgré les pressions et les changements d'estime de ce métier.

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