mercredi 24 décembre 2014

L'autre côté du rêve de Ursula Le Guin

"Je suis en train de craquer, dit-il. Vous devriez vous en rendre compte. Vous êtes psychiatre. Ne voyez-vous pas que je m'effondre ? Des Etrangers venus de l'espace qui attaquent la Terre ! Ecoutez : si vous me demandez encore de rêver, qu'est-ce que vous obtiendrez ? Peut-être un monde complètement absurde, le produit d'un esprit malade. Des monstres, des fantômes, des sorcières, des dragons, des métamorphoses .... tout ce que nous portons en nous, toutes les frayeurs de l'enfance, les angoisses nocturnes, les cauchemars. Comment pourrez-vous empêcher tout cela de se libérer ? Je ne pourrai pas l'arrêter. Je ne peux pas contrôler quoi que ce soit !"

Parce qu'il a abusé de médicaments et utilisé les cartes de pharmacie des autres, George Orr se voit contraint de suivre une TTV (traitement thérapeutique volontaire) auprès du psychiatre William Haber. Nous sommes dans un monde futuriste, des années 2000, (le roman date de 1971) la surpopulation menace la Terre, les gosses souffrent du Kwashiorkor, la nourriture manque il pleut sans cesse sur Portland, le ciel bleu a disparu et les neiges éternelles ont disparu de la surface de la planète. Et à côté de tout cela, Orr souffre d'une pathologie pas banale : ses rêves changent le monde .... Et si au lieu de tenter de le guérir le psychiatre décidait d'induire ces songes pour rendre le monde meilleur .... ou plus supportable pour lui-même ?

Ursula Le Guin signe là un roman de SF où la science prend le pas sur l'humanité ... Sous le couvert de l'aide, on assiste à l'action d'un homme sensé apaiser, le psychiatre Haber, mais qui en réalité va utiliser son patient comme cobaye, le soumettant à des expériences afin d'induire directement ses rêves et l'amener à changer le monde dans la direction qu'il souhaite ..... Mais ce n'est pas si aisé de donner ainsi des directives, ainsi des tas d'imprévus arrivent, comme l'invasion d'Extraterrestres sur Terre ou une diminution drastique de la population mondiale, sacrifiant ainsi quelques millions sans état d'âme ... ou encore la disparition du racisme entrainant une décoloration de la peau .....
Le moins que l'on puisse dire c'est que L'autre côté du rêve amène à se poser une sacré quantité de questions : qu'arriverait-il si l'on pouvait changer les choses en un seul rêve ? Et si tout le monde pouvait le faire en même temps, vivrait-on chacun dans sa propre réalité ? Et si Orr  vivait un rêve continuel et non la réalité ?
Et si on pouvait vraiment améliorer le monde en le changeant ainsi ?
De pages en pages, on découvre que la tâche n'est pas facile .... faire revenir la paix sur Terre par exemple prend une drôle de tournure dans l'esprit songeur de Orr, ainsi il va rêver que les peuples de la Terres sont en paix car unis dans la menace d'une crainte plus grande : celle de l'invasion d'étrangers venus s'installer sur la Lune. L'esprit n'est pas si malléable que Haber le voudrait et à chaque induction qu'il propose à son patient, les évènements ne vont pas forcément dans le sens qu'il voulait à la base .... sauf pour lui car au final ce sont ses rêves de puissance et de pouvoir qui priment sur tout le reste.

Ursula Le Guin n'aura jamais fini de me surprendre, après l'avoir découverte en fantasy, me voici devant ses dons de conteuses en SF .... certes je n'ai pas eu la sensation de ce style si coulé, ni limpide des autres romans mais elle écrit toujours justement, qui plus est, on sent qu'elle s'est bien documentée sur l'aspect psychiatrique des termes,  et le fonctionnement du cerveau, notamment sur le mécanisme du sommeil. Suis contente enfin de lire des termes comme schizophrénie paranoïde (et non pas paranoïaque), bon c'est un détail ...

En ce qui concerne les personnages, un peu trop manichéens à mon goût, je n'ai commencé à m'attacher à Georges Orr qu'au moment où il est passé de son statut "mou subissant" à celui d'actif opposant" et surtout lorsqu'il est tombé amoureux .... car à sa façon, sensible et fragile il paraît mais en réalité il se révèle vraiment solide, il faut l'être pour supporter de vivre de telles épreuves ! Quant au psychiatre, c'est vraiment Le personnage antipathique par excellence, d'ailleurs sa façon de gérer son cobaye m'a mise plus d'une fois mal à l'aise .... son égoïsme et son manque d'empathie sous le couvert de la science étaient très dérangeants.

"Quand les choses ne bougent plus, c'est le résultat final de l'entropie, la fusion de l'univers. Plus les choses continuent à se modifier, à se mêler, à se combattre, à changer, moins il y a d'équilibre, et plus il y a de vie. Je suis pour la vie, Georges. La vie elle-même est un énorme combat contre l'inégalité, contre toutes les inégalités ! Vous ne pouvez pas vivre en sécurité, la sécurité n'existe pas. Alors, sortez de votre coquille et vivez pleinement ! Ce qui compte, ce n'est pas comment vous y arrivez, mais où vous arrivez. Vous avez peur d'accepter le fait que, vous et moi, nous sommes engagés dans une expérience extrêmement importante. Nous sommes sur le point de découvrir et de contrôler, pour le bien de toute l'humanité, une force nouvelle, un champ tout à fait nouveau d'énergie anti-entropique, de vie, de volonté d'agir, de créer, de changer !"

Un roman que j'ai beaucoup apprécié donc, très original, intelligent, bien écrit- mais on n'en attend pas moins d'une telle auteure - j'ai juste été un peu frustrée par une fin que j'ai trouvée trop rapidement amenée.

Ailleurs
Efelle  .....

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9 commentaires:

  1. J'ai tellement à découvrir avec l'oeuvre d'Ursula Le Guin ! Elle fait partie de mes "priorités" de découverte, et pourtant je ne m'y suis toujours pas mis. Un défaut à combler en 2015 ! ;)

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    1. Alors ce sera la bonne résolution de 205 :p
      En tout cas je ne peux que t'y inviter, c'est une auteure qui compte ^^

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  2. Il est dans mes lectures à venir celui-là (histoire de faire encore un combo :D)

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    1. Ah alors j'attends avec impatience ton avis :)

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    2. Je l'ai fini, chronique pour bientôt. Chouette roman par contre je suis pas sûre d'avoir compris la fin xD

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  3. Ça m'a l'air d'être un roman de SF plus "concret" que la SF habituelle de Le Guin. Une différence qui ajoute un peu plus d'envie de le lire (même s'il n'y en avait pas besoin : Le Guin, what else ?).

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    1. Je ne peux pas te dire, je n'avais jamais lu d'autres livres SF d'elle, seulement de fantasy. Mais il faut le lire c'est certain :)

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  4. Bien tenté par ce roman là tiens. Merci pour la chronique, je ne le connaissais pas.

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    1. Contente que mon billet t'ait donné envie de le lire :)

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