lundi 19 novembre 2012

Contrepoint présenté par Laurent Gidon

Voici une anthologie pour le moins originale, lancée par Laurant Gidon, dans laquelle il s'agissait d'écrire, pour les auteurs, des nouvelles dont le thème était libre mais qui devaient éviter toute allusion à des affrontements, conflits, combat ou fuite devant la menace. Autrement dit des récits sans violence, ni guerre ...

Ainsi neuf auteurs ont relevé ce défi

- L'amour devant la mer en cage de Timothée REY : première nouvelle de la série que j'ai lu en premier évidemment, que j'ai laissé tomber (après avoir tenté deux ou trois fois de comprendre les tenants et aboutissants) puis repris tout à la fin .... tout en n'ayant toujours rien compris. J'avais lu Des nouvelles de Tibbar du même auteur, que j'avais adorées, mais là rien à faire ... Ce monde de concaves et convexes dans lequel la mer est enfermée en cage pour que les oeufs de l'amour et de la mort ne reviennent pas m'est complètement passé au dessus de la tête.

- Le chercheur de vent de David BRY qui raconte le premier envol de Mraacen du peuple Ailé. Il y a un côté magique certain dans cette nouvelle : qui n'a jamais rêvé de voler ? de survoler un paysage depuis le ciel ? 
"Son coeur fait alors un bond dans sa poitrine. Sa bouche s'ouvre de surpris, le vent s'y plonge et il la referme aussitôt le souffle coupé. Sous lui, il voit doucement défiler la canopée des pinèdes, les pâturages, les filets argentés des ruisseaux et les rocs gris aux pointes acérées. Il vole. Par Marn, il vole !"
En outre, comme le texte de BRY est beau et poétique, cette nouvelle fut savoureuse.

- Petits arrangements intra-galactiques de Sylvie LAINE : Un aviateur commercial qui a une avarie avec son vaisseau est obligé de se poser sur Voldin, la planète des Grocs autrement dit les "grosses vaches " (au sens premier du terme). 
"Ils sont une dizaine, et ils ont l'air énorme : de monstrueuses grosses vaches roses assises sur leur arrière-train au milieu de la rivière."
Une nouvelle vraiment drôle avec un héros qui a un regard d'auto dérision qui entraîne une sympathie immédiate. L'une de mes nouvelles préférées.

- Nuit de visitation de Lionel DAVOUST : Un homme mourant, que seule la culpabilité des mots qu'il a prononcés à un ami 40 ans plus tôt, maintient en vie s'apprête à passer de l'autre côté. Lionel nous signe là un texte fort et magnifique, rédigé à la première personne, ce qui lui donne une intensité supplémentaire. Cette nouvelle est à rattacher à sa trilogie de Léviathan. Ma préférée de toute et de loin la plus émouvante et la plus touchante de cette anthologie. Décidément cet auteur a une prose forte et signe un texte très beau.
J'avoue que son début a généré en moi une forte émotion.
"Il n'y a de spectacle à la fois plus doux et amer que de voir ses proches rassemblés autour de soi en de telles circonstances. Plus amère encore est cette expression brave et neutre qu'ils affectent ; les sourires qui se veulent détendus, les rires qui s'efforcent d'être légers, mais feutrés néanmoins pour ne pas troubler la quiétude de l'établissement. Les hôpitaux sont comme les églises ; des lieux de recueillement, lequel compose parfois un prélude au silence éternel. Nous y sommes rappelés à notre fragilité même dans les plus bénignes des afflictions ; le spectre du malheur y flotte, porté par la crainte qu'une maladresse, ou tout simplement la malchance, emporte à jamais ceux qu'on aime."

- Tammy tout le temps de Laurent QUEYSSI : Lorsqu'on entre à Tippecanve, les souvenirs refoulés remontent à la surface .... C'est ainsi qu'un homme se souvient de ce qu'il a subi durant son enfance.  .... Il subsiste une forme de violence dans ce texte là mais sans affrontement ni vengeance, voire même avec une certaine acceptation. J'ai moyennement aimée cette nouvelle.

- Avril de Charlotte BOUSQUET : Manal, cyborg femelle de dernière génération, missionnée sur Terre pour effectuer des fouilles tombe sur la momie d'une femme qui en réalité est vivante. Cette nouvelle m'a fait penser à la route : une femme qui fuit l'apocalypse en baladant un caddie (sauf que dedans il y a un chat) pour fuir les radiations et les pillards. Le côté intéressant de cette nouvelle est la façon de traiter les androïdes, qui m'a renvoyée à Blade Runner et le manque d'empathie à l'égard des androïdes. Charlotte Bousquet va même plus loin car elle présente des cyborgs sans coeur (physique), ni pleurs mais possédant un cerveau et des sentiments.
"Comme vous, nous connaissons l'amour et la haine, les joies et les peines. Comme vous, nous sommes doués de raison. Nous sommes vos créations, nous sommes vos enfants. Pourquoi nous refuser le statut d'êtres pensants ?Pourquoi nous refuser le droit de porter un nom ?"
Voilà qui donne à réfléchir dans un monde qui est capable déjà de créer de petits robots comme Nao présenté aux Utopiales.

- Permafrost de Stéphane BEAUVERGER : Un homme sans clan prône l'arrêt de la violence et la disparition des armes sur plusieurs générations afin d'arrêter les conflits et les guerres. 
 "Je dis : quelle paix ? Tous, vous allez tuer et mourir ! Tuer l'ennemi, c'est voir mourir vos fils. La paix est morte. Tuez-moi et battez-vous pour achever les clans épuisés ! Je dis : il faut une nouvelle paix. Une autre paix. Sans tambour. Une vraie paix pour tous !"
Voici un beau texte qui pose la question de savoir que si un jour les hommes préhistoriques avaient pris cette décision, que serait-il advenu du monde d'aujourd'hui ? Serait-il pacifique ? Beauverger, lui , a une réponse triste mais belle et bien réaliste à proposer. Encore une grande nouvelle que je place dans mes préférées de cette anthologie.

- Mission océane de Xavier BRUCE : Un soldat part à la rencontre d'une créature trouvée dans une grange et doit effectuer le premier contact.
"Je reste figé un long moment, paralysé par sa beauté brute, compacte, irréelle. Je me souviens tout à coup qu'aucun des témoins oculaires [...] n'a été capable de fournir une description précise de cette créature. Maintenant je sais pourquoi...."
Cette nouvelle est intéressante du point de vue de l'approche de l'étranger par la douceur et la compréhension et non par la violence ou la crainte comme souvent dans ces films américaines où l'extra terrestre symbolise l'ennemi et le danger. Très chouette.

- Semaine Utopique de Thomas Day : Cette nouvelle qui conclue l'anthologie est pour le moins atypique et surtout elle m'a fait éclater de rire. Voilà que Thomas Day prend à contre pied la demande de Laurent Gidon et nous présente le journal intime de l'auteur qui doit "pondre" un texte non violent et non conflit ...  et qui, entre deux taffs, deux branlettes et deux pinards, trouve des idées complètement loufoques. C'est de la dérision à haute dose, avec un ton mordant et provocant. C'était le tout premier écrit que je lisais de cet auteur là et il m'a vraiment beaucoup plu.

En conclusion, pari réussi par tous ces auteurs et surtout réussi par la qualité de leurs récits, toute différentes les unes des autres. J'ai vraiment passé un très bon moment (dans le train de retour des Utopiales) et me suis régalée. De plus l'édition Actu SF est très agréable à lire et à tenir en main. Très très chouette !

Ailleurs
Lorhkan  ; Lhisbei  ; ActuSF ...

8 commentaires:

  1. Ma foi, on ne va pas regretter d'avoir investi dans deux recueils d'ActuSF pour se procurer cette sympathique anthologie !
    Et j'approuve totalement pour la superbe nouvelle de Lionel Davoust, et pour les barres de rire en lisant celle de Thomas Day ! ;) Et d'ailleurs, pour le reste aussi !^^

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Exact, on ne peut pas regretter, surtout que dans les 2 livres achetés aux Editions Actu SF, je me suis procurée un autre livre de Thomas Day que j'ai lu avec délectation.
      Elles sont très chouettes ces nouvelles en tout cas :)

      Supprimer
  2. Moi aussi j'ai reçu cette anthologie et j'en suis bien contente car ton billet me donne bien envie de la lire. ^^

    RépondreSupprimer
  3. "Ce monde de concaves et convexes dans lequel la mer est enfermée en cage pour que les oeufs de l'amour et de la mort ne reviennent pas m'est complètement passé au dessus de la tête."
    -> faut avouer que là c'est pas super inspirant mdr si à la limite je vois bien une peinture abstraite, mais en livre. Hum ^^

    bon au final l'idée de départ était intéressante mais j'ai pas l'impression qu'ils ont vraiment réussis à sortir de l'habitude rencontre/opposition, heu comment dire... cela aurait pu partir sur des textes partage avec l'Autre dans la tolérance et l'écoute, bref de voir l'Autre autrement... enfin certains textes semblent le faire mais... arg, j'arrive pas à m'exprimer "-_- Bon disons que ce n'est pas ce qui ressort de ton compte rendu à part "mission océane".
    Et qu'à part quelques rares nouvelles/livres et encore plus film, c'est un thème très sous exploité je trouve. Il y a toujours une confrontation (même dans la Horde par exemple c'est plus un affrontement aux Eléments et à soi, mais y'a quand même la Poursuite...).

    RépondreSupprimer
  4. Peut être que mon compte rendu est mauvais alors, xd
    Mais la rencontre et la tolérance sont pourtant présent, je pense notamment à la nouvelle de Davoust, celle de Bruce et celle de Lainé.

    RépondreSupprimer
  5. s'il y a confrontation, c'est surtout une confrontation à soi-même et sans violence :)

    je ne partage pas ton ressenti sur chaque nouvelle mais ton ressenti global oui :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Voilà tout à fait, et d'ailleurs cette confrontation à soi même sans violence est surtout présente dans Tammy tout le temps.

      Supprimer