dimanche 29 juillet 2012

Résurgences d'Ayerdhal

Les résurgences sont des eaux d’infiltration qui remontent à la surface. Comme le fantôme d’Ann X revient dans la vie de Stephen, malgré tous les cadavres qu’il a exhumés pour mettre un terme à sa carrière macabre. Comme les trottoirs et les bancs sur lesquels Michel ne dort plus le ramènent à la vie. Les résurgences sont des eaux souvent troubles qui ne sentent jamais très bon.

Le prologue du livre d’Ayerdhal démarre très fort avec neufs coups de feu destinés à être mortels et qui nous laissent immédiatement en attente d’une suite qu’on espère bien un peu plus réjouissante. Voilà comment l’auteur nous fait reprendre contact avec ses personnages.

Autant dire de suite, Ayerdhal ce n’est pas facile à lire, parce qu’il faut des solides connaissances des méandres de la politique et des fonctionnements des différentes organisations de la police et de l’espionnage, non seulement français mais aussi américains et russes. Les sigles fourmillent tout au long des pages :  de la DCRG (Direction centrale des renseignements généraux) au TPIY2 ( Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie) en passant par la DPSD ( Direction de la protection et de la sécurité de la Défense) ou l’ ASTI ( Association de Solidarité avec Tous les Immigrés), il faut s’accrocher pour tout suivre et comme ma mémoire n’est pas vraiment performante avec ce genre d’informations, j’ai souvent abandonné la signification des sigles données une seule fois.

Un roman très contemporain puisque l’action démarre en 2006  et s’achève en 2009, élections présidentielles, conflits mondiaux, problèmes d’actualité, tout est fait pour nous ancrer dans la réalité,  c’est d’ailleurs vraiment intéressant de suivre un récit qui porte sur des évènements vécus il y a peu de temps. Ayerdhal, en dehors de son thriller, met l’accent sur la condition des sans-papiers et des SDF en France, à travers l’un de son personnage, déjà présent dans Transparences, à savoir Michel, un homme que j’appréciais déjà énormément dans le livre précédent et qui monte des manifestations originales pour dénoncer leur statut et le déni de leur existence aux yeux des politiques et du tout public. La conclusion de leur combat m’a d’ailleurs laissée complètement abasourdie et encore plus l’analyse qu’en fait Naïs car elle est complètement dans le vrai :
« Seulement ne crois pas qu’ils se bougeront le cul au-delà de quelques effets de manche, la mémoire des peuples est volatile et facile à saturer avec des crises économiques virtuelles, des grippes du rat ou du chimpanzé, une poignée d’attentats et la violence tout près de chez vous, ma bonne dame. Au besoin, ils pondront même quelques lois liberticides pour occuper l’esprit des plus vigilants. La recette de la gomme magique, c’est l’insécurité pour tous et le spectre du totalitarisme pour les réfractaires. »
Comme c’est bien dit ….

En dehors de tout cet aspect social, qui est une part très importante de l’histoire, il y a évidement la suite de l’histoire d’Ann X cette mystérieuse jeune fille qui se rendait transparente pour se venger de ce qu’elle avait subi dans son enfance. On sait désormais ce qu’il en est dans ce second tome mais pour autant le mystère est toujours là, avec un autre personnage tout aussi insaisissable qu’elle, capable de tirer sur n’importe qui dans n’importe quelle situation et dans des cas improbables. C’est ce nouveau défi que va se lancer Stephen qui avait été le seul à découvrir qui était véritablement Ann X.
J’ai retrouvé avec un grand plaisir tous ces personnages, déjà Michel que j’ai cité précédemment et Stephen dont j’aime l’aspect à la fois froid, analyste, et sensible malgré tout. Car il cache merveilleusement son jeu, c’est un personnage très froid dans le sens que même mis à bout, il ne perd jamais son calme et sait à merveille manipuler les autres.  Et pourtant on devine sous cette façade un être humain capable de se mettre en retrait, voire même de se laisse emprisonner et mentir pour sauver celle qu’il aime.
Et puis bien entendu Ann X, toujours fidèle à elle-même, bien qu’ayant changée mais capable de nous étonner à chaque instant par ses capacités.
En définitive, même si ce n’est pas évident à lire, j’aime vraiment beaucoup Ayerdhal, il écrit des thrillers très intelligents et très bien menés. Un auteur de très grande qualité.

Citation
La fonction de l’écrivain est de faire en sorte que nul ne puisse ignorer le monde et que nul  ne puisse s’en dire innocent.
Et comme il s’est une fois engagé dans l’univers du langage, il ne peut plus jamais feindre qu’il ne sache pas parler.
Sartre

Ailleurs

4 commentaires:

  1. Je n'ai lu qu'un seul roman d'Ayerdhal : "Demain, une oasis" que j'avais adoré.
    Il parait que ses thrillers sont tout aussi bons, ce que tu sembles confirmer. Intéressant... ;)

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    1. Pour ma part je n'ai lu que ces deux thrillers de lui mais c'est effectivement du très très bon ^^

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  2. J'ai lu tous les romans et nouvelles d'Ayerdhal : ces bouquins de SF de Ayerdhal sont souvent de très bons livres (mention spéciale pour Demain une oasis, La Boheme et l'ivraie)
    Par contre je trouve Résurgences très poussif, et j'avais déjà trouvé Transparences longuet au milieu du livre, qui aurait pu sans problème être raccourci dune grosse partie concernant tous les problèmes psychologiques de Stephen.
    Pour moi Résurgences est probablement un de ces moins bons bouquins, avec tous ces sigles, cette espèce de relation ambiguë avec le tireur d'élite, l'énumération de tous les types d'armes etc ... C'est un livre confus avec beaucoup d'incohérences, et d'où ressort un sentiment de paranoïa et de théorie du complot permanent qui n'apporte rien à l'histoire voir la pollue ... reste quelques traits de génie, sur le sort des sans papiers etc ...

    j'attends toujours un hypothétique nouveau roman, la SF restant le domaine où il est le meilleur ...

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    1. Ah moi l'aspect psychologique des personnages c'est ce qui me plait donc cela ne m'a pas gênée ^^
      Merci pour les idées de livres, je pense que j'en lirai d'autres de lui :)

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