dimanche 31 juillet 2011

Le Messie de Dune Frank Herbert

Douze ans ont passé depuis que Paul Atréides, dit Muad'Dib a défait l'Empereur et vaincu ses légions de Sardaukars. Il est désormais lui même Empereur. Ce qu'il avait vu par prescience, jeune garçon, s'est accompli presque malgré oui : ses légions Fremens ont déferlé sur le monde, asservi, stérilisé, anéanti des planètes entières, exterminé des milliards d'êtres humains.
Puisqu'il voit l'avenir, il est devenu presque un Dieu, il connaît ses ennemis et sait quand et comment ils frapperont.

Mais aujourd'hui, le chemin qu'il doit emprunter - alors que ses ennemis tentent encore de le détruire, en lui offrant un cadeau empoisonné : le ghola mentat Hayt, chair ressuscitée dans les cuves Axoloth des Theilaxus de Duncan Idaho, un guerrier extraordinaire qui avait trouvé la mort en le sauvant 12 ans plus tôt et en l'amenant à des choix impossibles - ne lui parait plus si clair et comporte somme de zones d'ombre.

Le Messie de Dune est pour moi le livre le plus émouvant de la série des Dune, il n'y a que peu d'action et peu de temps écoulé entre le début et la fin du livre, c'est un tome qui parait figé dans le temps, mais l'accent est mis sur Paul ... non plus sur ses capacités de super humain -"le Kwisath Haderah, celui qui peut être en plusieurs lieux à la fois, le Madhi dont le pouvoir sur les missionnaires de la Qizarate est absolu, le mentat dont les possibilités d'intégration psychique surpassent celles des anciens ordinateurs"- mais sur ses faiblesses.

Frank Herbert l'avait clairement énoncé : "Voilà donc quel était l'un de mes thèmes pour Dune : n'abdiquez pas votre sens critique face aux détenteurs du pouvoir, aussi admirables qu'ils vous paraissent. Derrière la façade héroïque, vous trouverez un être humain capable de commettre des fautes très humaines."
Il va même plus loin " Les héros sont difficiles, les super-héros catastrophiques. Les erreurs des super-héros impliquent un trop grand nombre d'entre nous dans le désastre."

Paul lui même se compare à Hitler lorsqu'il évoque ses génocides dans un paragraphe très touchant :
"Dans les ténèbres .... Il faudra des centaines de générations pou que l'univers se remette du passage du Jihad de Muad'Dib. Il m'est difficile d'imaginer qu'il se trouvera un jour quelqu'un pour aller plus loin que moi. " Il eut un rire rauque. "Qu'est-ce qui provoque la joie de Muad'Dib ?" demanda Stilgar. "Ce n'est pas de la joie, Stil. Je viens soudain d'avoir la vision de l'Empereur Hitler faisant une déclaration presque similaire. Il l'a faite, sans aucun doute."

Frank Herbert évoque un homme qui est en proie au doute : comment peut-on vivre lorsqu'on a vu son avenir y compris sa mort ? et que le propre choix de sa mort engagera l'univers entier dans des directions qui peuvent être catastrophiques ?
Comment être face à ses propres décisions, qui jamais contestées, ont abouti à tant de morts, d'asservissement ?
Paul est, en quelque sorte, devenu un monstre et il est très seul, c'est cette sensation de solitude qui m'a touchée le plus, personne désormais n'est à son niveau, personne ne peut répondre à sa place et même l'amour de sa concubine Chani ne peut le sauver ni la sauver elle-même. Elle est pourtant son seul et unique pôle d'humanité.

Un petit encart sur mon personnage préféré du Cycle à savoir Duncan Idaho, mort dans le premier tome, il revient à la vie dans celui-ci mais va en fait tenir un rôle de plus en plus important au cours des suites, devenant même un des personnages principaux.

Le seul écueil de ce tome ci, même s'il reste un de mes préférés de la série, porte sur la difficulté de lecture des différents sens énoncés dans chacune des discussions entre Paul et ses interlocuteurs, de quoi nous égarer dans des considérations philosophiques, méta-physiques, ou comment faire compliqué lorsqu'on peut faire simple ? Plus d'une fois j'ai du relire certaines des répliques et encore sans tout comprendre. Un peu plus de clarté n'aurait pas été anodin. En même temps tout le style de Frank Herbert est là donc ...

Pour autant le Messie de Dune reste d'une très grande qualité, dans la lignée de son prédécesseur, Dune, un tome touchant et empreint d'humanité.

Extraits
Il lui semblait qu'une fraction de lui-même était plongée dans des ténèbres glacées et infinies. Ses pouvoirs de prescience lui avaient montré l'univers investi par l'humanité. Il avait fait trembler le cosmos tranquille et à la sécurité avait succédé le Jihad. Il avait sur-combattu, sur-pensé, sur-prédit cet univers humain, pourtant il avait la certitude qu'il lui échapperait toujours. Ce monde qui l'environnait était devenu par lui un paradis baigné d'eau, un univers vivant. Il le sentait, il en percevait la pulsation. Comme un être humain, ce monde le combattait,lui résistait, glissait entre ses doigts à chacun de ses ordres ...

Il serra les poings. Il voulait arrêter le cours de la vision, fuir son propre esprit ! C'était une bête qui s'apprêtait à le dévorer ! La perception était en lui, lourde, gonflée de toute la vie absorbée, saturée de trop nombreuses expériences. Désespérément, il lutta pour bannir ses pensées.

Ce livre a été relu dans le cadre du Challenge Summer Star Wars de Lhisbei.

Ailleurs
Traqueur Stellaire ; Bibliotheca ; a-giscos

2 commentaires:

  1. Je n'ai aucun souvenir de ce tome-là bizarrement, alors que je me souviens plus ou moins bien de tous les autres. Mais alors celui-là c'est le trou noir xD.

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  2. Peut être parce qu'il ne s'y passe pas grand chose, c'est plus une réflexion sur le destin qu'autre chose.

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