dimanche 24 juillet 2011

Dune de Frank Herbert

Arrakis … planète des sables inhospitalière, battue par des tempêtes corrosives qui ravagent tout, sillonnée par des vers de sable, créatures gigantesques qui engloutissent ceux osant fouler leurs territoires …. Planète où l’eau est une denrée rare et précieuse, presque inexistante …. où seul un peuple les Fremens, tels les Touaregs, fiers et libres, parviennent mystérieusement à survivre et encore on ignore comment ils font et combien ils sont.
Seulement il existe un trésor sur cette planète … un trésor inestimable qui est l’enjeu de tout l’univers … l’Epice qui permet la prescience et les déplacements de la Guilde Spatiale.

Lorsque le Duc Léto Atréides reçoit Arrakis en fief, il sait que l’attend alors un piège mortel dont seuls survivront sa femme Jessica, une Bene Gesserit et leur fils Paul qui promet d’être le Kwisatz Haderach celui qui "peut être en plusieurs endroits à la fois" et même plus : celui que tout le monde attend : le Lisan al-Gaib, la légende !

Frank Herbert, lorsqu’il a commencé à rédiger les premiers opus de son cycle, avait déjà toute l’histoire en tête … C’est pourquoi tout au long du récit, il n’y a pas un seul faux pas, on sent que l’auteur sait où il va, vers quoi il tend … ce qui donne un Dune extrêmement structuré.
C’est un véritable monde qu’il a su mettre en place, un monde avec toute une culture, un vocabulaire, des mœurs et des croyances, des enjeux politiques, économiques et religieux … Rien n’est laissé au hasard.

Le cycle commence sur une présentation des personnages qui vont émailler toute une partie du récit, chaque chapitre introduit un nouveau personnage : Paul Atréides passant l’épreuve de la révérende Mère qui décidera s’il est ou non le Kwisatz Haderah, puis le Baron Vladimir Harkonnen et les plans qu'il prévoit, Dame Jessica la mère de Paul mais surtout une Bene Gesserit, ces femmes entrainées à l'art de la guerre mais aussi qui sont à la tête de programmes génétiques précis visant à l'élaboration d'un sur-homme puis le mentat Thufir Hawat, véritable ordinateur humain, le docteur Yueh, le Duc Léto, Duncan Idaho .. . des personnages avec leurs forces et leurs faiblesses qui vont rapidement nous devenir familiers.

Il n’en est pas moins difficile de parler de cette œuvre tant elle donne lieu à des entrées différentes par la multiplicité des thèmes qu’elle aborde
- L’enjeu écologique avec le manque de l’eau
- Les enjeux politiques avec pour centre cette fameuse Epice qui donne pouvoir à celui qui la possède ... un pouvoir dangereux car c'est une véritable drogue.
- Les enjeux religieux qui retracent tout le destin d’un Messie, Paul, adulé avant même de faire ses preuves et qui, tout au long de son histoire, devra lutter contre le chemin où l’entraîne inexorablement cette adoration, sans cesse confronté au doute dans ses choix et leurs conséquences.

Et tant d’autres encore, comme l’étude de la vie des Fremens, leur étrange culture, leurs rites dictés par leur survie en territoire terriblement hostile comme la récupération de l’eau des morts ou le fait de cracher en signe de respect, leur adaptation au désert via le fameux distille …

L’aspect psychologique des personnages aussi .. Frank Herbert a voulu écrire « Un long roman sous la forme d’une trilogie traitant des convulsions messianiques quoi nous secouent périodiquement. Démagogues, fanatiques, escrocs, témoins, innocents et moins innocents, tous devaient participer à ce drame. Ce qui sous-entend l’ensemble, c’est ma théorie selon laquelle les super-héros sont désastreux pour le genre humain. »
(la Génèse de Dune par Frank Herbert, dans Bifrost n°63)

Partant de ce principe, Herbert nous met en scène des personnages qui réfléchissent, qui doutent souvent, qui portent des fois un poids trop lourd pour leurs épaules. Je pense notamment à Paul et son terrible pouvoir de prescience qui lui permet de voir l’avenir mais avec nombre de zones d’ombre.
"Paul, en entendant ces mots, sentit qu’il plongeait une fois encore dans les abysses … Un moment aveugle. Dans son esprit, il n’y avait nul passé pour cet avenir … si ce n’est … Oui, il pouvait encore distinguer la bannière verte et noire des Atréides flottant .. quelque part au devant de la route … les mots sanglants du Jihad et les légions fanatiques.
Cela ne sera pas, se dit-il. Je ne peux le permettre."


J’ai évoqué ci dessus Bifrost car il est impossible de faire un billet sur Dune en occultant le dossier consacré à Frank Herbert dans ce numéro de Juillet.
Un Bifrost vraiment passionnant qui présente un portrait très touchant de Frank Herbert, le premier mot me venant à l’esprit pour l’évoquer est dignité. Puis un article présenté par l’auteur lui-même qui présente Dune comme l’élaboration d’une fugue avec ses contrepoints et conclue ainsi « En accord avec le schéma de la fugue, je refuse toutefois d’apporter d’autres solutions à l’imbroglio. Trouvez vos propres réponses. N’allez pas me considérer comme votre directeur de conscience. »

Et ensuite un dossier complet sur tout son cycle, car Dune ce n’est pas seulement le Tome qui porte son nom, ce sont 5 livres qui vont suivre dans une fabuleuse épopée qui est considérée comme un « monument incontesté de la science fiction, un chef d’œuvre. » Suivent plusieurs pistes pour aborder le cycle et pour mieux comprendre les choix d’Herbert, ses inspirations , ses connaissances …
Un Bifrost que je recommande vivement à tout fan de Dune .. et aux autres. (Et la couverture, signée Pascal Casolari est absolument superbe).
Pour en savoir plus sur ce numéro c'est chez Tigger Lilly.

Pour ma part, en conclusion, j’avais débuté Dune vers 14 ans, un livre un peu trop difficile à aborder à cet âge là, je l’ai sagement reposé et repris quelques années plus tard pour me faire littéralement ensorceler par ce Cycle fabuleux. Pour moi c’est un véritable chef d’œuvre que j’ai relu avec tout autant de plaisir et que j’ai envie de prolonger une fois de plus en lisant les suites.
Il fait partie depuis longtemps de mes livres préférés.

Quel regret que Frank Herbert nous ait quittés avant de parachever son cycle car la fin mise en scène par son fils et Kevin Anderson est très loin d’avoir la puissance littéraire du maître.

Pour conclure, la fameuse litanie contre la peur, une sorte de prière qui soutient Paul tout au long du récit :

Je ne connaîtrai pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura rien. Rien que moi.

Extraits
Tu apprendras à connaître les plaines funèbres, les déserts absolument vides, les vastes étendues où rien ne vit à l’exception des vers de sable et de l’épice. Tu en viendras à ternir tes pupilles pour atténuer l’éclat du soleil. Le moindre creux à l’abri du vent et des regards te sera un refuge. Et tu te déplaceras sur tes jambes, sans orni, sans véhicule ni monture.

Il y a quatre choses pour supporter un monde. La connaissance du sage, la justice du grand, les prières du preux et le courage du brave. Mais tout cela n’est rien quand celui qui gouverne et connait l’art de gouverner.

Ce livre a été relu dans le cadre du Challenge Summer Star Wars de Lhisbei.

Ailleurs
Cafard Cosmique ; un forum qui lui est consacré

10 commentaires:

  1. Chouette billet.

    La litanie de la peur, je l'avais apprise par cœur à l'époque ou j'ai lu le premier bouquin. Ça fonctionnait peut être pour Paul Atréides, mais pas trop pour moi. :'(

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  2. Venir sur Dune, goûter son sable couleur épice, c'est se perdre, se condamner à se laisser volontairement faire emporter par Shai-Hulud, loin dans le désert, là-bas, derrière la pénultième dune, et, dans une transe herbertienne, danser arythmiquement sur des dissonances goimarieno-kleinistes les pulsations vitale du Sentier d'Or !

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  3. Très beau billet : voila une excellente première participation :D

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  4. @Twi et Lhisbei, merci c'est très gentil ^^

    @Twi oui moi aussi j'ai tenté de retenir cette litanie mais cela n'a pas eu grand effet non plus, xD, peut être fallait-il que nous soyons soumises au Gom Jabbar lol

    @ionah, waohh ! c'est très joli ça ^^

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  5. eh beh ça c'est un long article ! bon moi je suis pas fan de Dune, j'ai pas accroché, mais en même temps c'était l'une de mes premières expériences en SFF, peut être qu'avec l'xp que j'ai gagné entre temps je l'apprécierais mieux. j'me rend compte en tout cas que mon regard de lecteur évolue suivant la somme de livres que j'ai lu.

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  6. Il faudrait peut être que tu retentes, c'est un livre qu'on peut ne pas apprécier lors d'une première lecture et effectivement le regard change, heureusement d'ailleurs lol

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  7. Moi je suis une hérétique, j'ai commencé par le film de Lynch (que j'ai bien aimé, si si) avant de lire les bouquins. L'univers est passionnant (et les premiers tomes m'ont laissé un très bon souvenir), de même que les idées, mais j'ai toujours trouvé que Frank Herbert n'avait pas un très bon sens de la narration (son sens de l'ellipse est parfois assez douteux). Et le fait de me retrouver dans le brouillard à chaque fois que je croyais comprendre quelque chose m'a un peu énervé xD.
    Mais c'est un classique à connaitre, tout de même, faudrait ptêtre que je lise le Bifrost pour me réconcilier avec ^^

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  8. Ah ? concernant le sens de la narration d'Herbert, moi je me disais plutôt que si je ne comprenais pas tout, c'est que je suis bête, xD
    Je n'avais jamais pensé à autre chose de prime abord, maintenant il est vrai que lui sait parfaitement où il va, à nous de suivre ou pas.

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  9. Mon chéri voudrait que je le lise, il va falloir que j'y remédie alors surtout que je peux les emprunter ç la bibliothèque.

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  10. Il a de bons goûts ton chéri :p

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