samedi 31 janvier 2015

Divergente Tome 3 Veronica Roth

"Le règne des factions a laissé place à une nouvelle dictature. Tris et ses amis refusent de s'y soumette. Ils doivent s'y soumettre.
Mais que trouveront-ils au-delà de la clôture ? Et si tout n'était que mensonge ?"

Avant de commencer mon billet, je ne peux l'empêcher de penser qu'en recopiant cette quatrième de couverture, je trouve qu'il y en a tout de même beaucoup qui sont complètement bateau et sans intérêt. Autant certaines peuvent vraiment donner l'élan pour sauter à pied joint dans le livre, autant ce type de résumé est juste dépitant, complètement niais.
Bon c'était juste un aparté ....


Je vais faire maintenant un petit paragraphe spécial Vert qui a noté dans son précédent commentaire (sur le Tome 2) "Fais gaffe, tu vas finir par apprécier ta lecture si ça continue." :p
Alors en réalité, comment me suis-je retrouvée avec le tome 3 ?
Un Lundi matin, mon exceptionnel élève lecteur (il doit en dévorer une vingtaine par mois et que pas des petits ! en plus il n'est pas sectaire et il lit de la SFFF) arrive devant moi, quelque chose dans son dos
"Bonjour Maîtresse, j'ai une surprise pour toi.
- Une surprise ? pas du chocolat j'espère sinon je vais continuer à devenir une baleine ah non je sais !!! Tu as le tome 3.
- Oui (grand sourire en me tendant le livre."
A savoir que ce brave enfant me l'a passé AVANT de le lire lui-même !

Bon maintenant il faut que je réponde à Vert  ..... est-ce que je finis par apprécier ma lecture ?

On retrouve donc l'univers de Divergente, quelques minutes après le Tome 2 : les Sans-Factions ont pris le contrôle de la ville, le système de Factions a été aboli et la vidéo d'Edith Prior a dévoilé que les premiers habitants de la ville (qu'on apprend qu'elle s'appelle Chicago) ont été enfermés en oubliant leur passé, pour combattre la dégénérescence de l'humanité.
Rien que cela !
En fait autant dans les Tomes 1 et 2 on ne savait pas bien vers quoi on allait, on ne connaissait pas le pourquoi du comment de l'existence des Factions, autant dans le Tome 3 dès les premières pages, l'auteure nous assène sa vérité : un jour le gouvernement a tenté de modeler les comportement de ses citoyens en menant des expériences génétiques pour abolir certaines attitudes et en privilégier donc. Sauf qu'à manipuler le patrimoine génétique, on en est arrivé à la catastrophe et aggravé les choses. Une Guerre de Pureté a été menée alors contre ceux qui souffraient de déficiences et au final a été créé le Bureau de Bien-Être Génétique pour restituer aux hommes un patrimoine génétique intact.

J'avoue qu'en lisant tout cela, je me suis dit OMG ! Pas sur la teneur des informations, effectivement pourquoi pas ? Veronica Roth a écrit un roman sur les dangers de la manipulation génétique, ses dérives et tout et tout .... sauf que tout est fait dans un tour de main, allez donc on invente donc un patrimoine génétique pur, on épargne les déficients, on tente de tout modeler, c'est facile, aisé et en plus on invente des sérums ! le sérum de mort, le sérum de Paix, le sérum d'oubli ; prenez quelques gouttes de l'un et vous serez serein ou alors vous oubliez tout de votre vie : formatage de cerveau garanti, sans effets secondaires !

Certes ..... en SF on peut se permettre pas mal de choses puisqu'on joue sur le futur, sur des inventions non existantes ou dont on devine les balbutiements actuellement et dont on peut envisager qu'un jour peut-être .... mais là ... formatage de cerveau à la manière d'une disquette, prise de liquide pour changer de vie .... Non je ne peux pas y adhérer, c'est formulé beaucoup trop simplement, on n'y croit pas un instant.

C'est marrant car au moment où je lisais ce livre, j'avais démarré en même temps La route de la conquête de Lionel DAVOUST, qui dans une de ses nouvelles aborde son thème des soldats-souvenirs, dont l'abolition de petits pans de leur passé, permettent d'être plus puissants, plus forts .... mais on y croit, c'est bien écrit, c'est cohérent, cela pourrait paraître possible !!!
Loin de moi l'idée de comparer Lionel DAVOUST à Véronica ROTH, il n'y a même pas de comparaison possible, mais entre un auteur qui sait écrire, décrire et nous faire croire et une qui nous assène des vérités comme cela, avec le simple désir que l'on y adhère, il y a un monde .... que je ne saurai franchir.
Cela passe peut-être pour un adolescent mais absolument pas pour un adulte, c'est absolument incohérent et comme tout le récit a été bâti entre des individus Génétiquement Purs et des individus Génétiquement Déficients, ce n'est absolument pas crédible. Je ne remets en cause que le pourquoi du comment cela dit, pas l'idée d'eugénisme puisqu'elle a existé et qu'elle peut tout à fait faire l'objet d'un roman. Mais pas comme cela, pas de cette façon ...

Le deuxième écueil de cette fin de trilogie tient dans les comportements même des personnages .... Cette fois-ci, Véronica ROTH a changé sa manière de narrer et a choisi de faire parler tour à tour Tris ou Tobias .... J'ai trouvé très étrange et assez déroutant de changer de mode d'écriture en cours de trilogie, c'est plutôt atypique, et si l'idée n'était pas inintéressante, elle n'a pas forcément été bien réalisée car je ne savais pas toujours qui de Tris ou de Tobias parlait tant leurs façons de s'exprimer sont semblables.
De plus on découvre un Tobias plutôt mou et incertain que je ne suis pas certaine d'avoir eu envie de connaître, quant à Tris, c'est elle désormais qui mène la danse.
Ce mode de procédé narratif trouvera sa justification tout à la fin du livre et là on comprend enfin seulement pourquoi l'auteure a choisi de faire ainsi.

Après ce qui m'a vraiment dérangée,c'est qu'au final Tris et Tobias retombent dans les mêmes travers que dans les tomes précédents, ils se disputent, ne se comprennent pas, ne tirent pas forcément de leçon de ce qu'ils ont vécu et reproduisent sans cesse les mêmes dérives, c'est l'un qui est fâché contre l'autre, puis ne l'est plus, puis ensuite c'est l'autre .... Bref en fait ils agissent COMME des adolescents. Et voilà justement où se situe la limite de ces romans dit de Young adults (tels que celui-ci ou Hunger Games), parce que vu ce qu'ils endurent, les personnages sont tellement matures et évolués que leurs réactions "normales" ayant trait à leur jeune âge, en paraissent agaçantes. Certes les doutes et les échecs sont logiques à leurs 16 ans sauf qu'à ce moment-là, il devient illusoire de les présenter comme des jeunes plus capables que les adultes. A la rigueur mieux vaut faire carrément des livres sur les enfants car ils restent naturels, ce qui n'est pas le cas des ados. Je me souviens notamment de la relation incroyable entre Will et Lyra dans la trilogie de PULLMAN "A la croisée des mondes" qui était tellement plus forte et mature que celle de Tris et Tobias.
ET d'ailleurs ces réactions d'adolescents en parallèle avec leur maturité de jeune adulte face aux épreuves sont beaucoup mieux mises en valeur et réussies dans PiXel Noir de Jeanne A DEBATS.

"Il y a beaucoup de façons d'avoir du courage. Cela exige parfois d'offrir sa vie pour quelque chose de plus grand que soi, ou pour quelqu'un. D'autre fois, le même but exige de renoncer à tout ce qu'on a connu, à tous ceux qu'on a aimés.
Mais pas toujours.
Parfois, le courage, c'est juste de serrer les dents contre la souffrance, et de s'efforcer d'avancer au jour le jour, lentement, vers une vie meilleure."

Cette citation pour conclure ... en parlant de la fin justement .....
MINI SPOIL ON
J'ai lu quelques réactions effondrées face au choix de l'auteure sur son final .... Personnellement je l'ai trouvée extrêmement logique, on ne cultive pas la foi du sacrifice chez un personnage pour l'épargner ensuite, elle aurait pu mais cela aurait renforcé le côté irréel de cette trilogie. Au contraire, c'est au moins quelque chose que je peux souligner dans ces romans, Véronica ROTH a osé et c'est bien, c'est d'ailleurs probablement le seul fait positif à retenir dans ce Tome 3.
MINI SPOIL OFF

"Depuis tout petit, je sais une chose : que la vie nous abîme, tous. On n'y échappe pas.
Mais je suis en train d'en découvrir une autre : qu'on peut se réparer. On se répare les uns des autres."

En rendant ce livre à mon élève, je lui ai tendu un petit papier sur lequel j'avais noté quelques références de livres plus haut de gamme : comme par exemple A la croisée des mondes ou Lombres de MIEVILLE ou encore La quête d'Ewilan de BOTTERO.  J'attends de voir quand il les aura sur sa table ^^

Challenge de Tigger Lilly SFFF au féminin

mercredi 28 janvier 2015

Mordred de Justine Niogret



De cette auteure, je peux me targuer d'avoir lu tous ses romans, de l'exceptionnel Chien du Heaume, en passant par l'étrange Gueule de Truie, sans oublier le très bon Mordre le bouclier et le très intelligent et touchant Coeur de rouille.


J'aime depuis le début l'écriture ciselée, poétique et sombre d'une femme qui sait aller au fond des choses, avec beaucoup de sensibilité mais aussi beaucoup de noirceur et quelquefois de cruauté.

Mordred ne fait pas exception, le ton est cru, frappant et allant droit au but comme dans Chien Du Heaume.

De Mordred, dans la légende arthurienne, on ne connait que son côté obscur, celui qui trahit Arthur et le tua. Loin de souscrire à cette histoire, Justine Niogret nous présente un personnage, un chevalier, qui alité suite à une blessure au dos qui le fait atrocement souffrir, replonge dans son passé, son enfance, sa formation de chevalier et ses batailles, ainsi que ses liens étranges mais forts avec son oncle-père Arthur, nous entraînant à la suite.

Rien ou presque de la geste d'Arthur dans ce roman, point de Viviane ou de Merlin, ni de Lancelot, à peine un bref passage éclair de Guenièvre, pas  de référence au Graal .... On se trouve dans un règne en bout de souffle, Arthur a vieilli, il est malade, proche de la mort,  il fait de courtes apparitions, lui, mais toujours du point de vue de Mordred dont le geste de "trahison" prend alors tout son sens.


En réalité tout est entièrement centré sur ce dernier et son lit de douleur .... Tout le roman se tient dans cette introspection que se livre cet homme secret et silencieux, peu lié aux autres, si ce n'est à sa mère Morgause dont il a hérité l'amour et la connaissance des plantes et le respect de la nature ..... sa mère qu'il n'a jamais revu depuis son départ en selle avec Arthur qui l'amène vers son destin de chevalier. Un homme rongé aussi par cette espèce d'être malsain, Polik qui s'accroche à lui, déversant son venin, symbolisant tout ce qui est souffrance et regret en lui.


Justine Niogret, une fois de plus, nous offre tout un artifice de son style terriblement cru et réaliste. Comme on l'avait déjà compris dans Chien du Heaume, c'est le véritable Moyen Age qu'elle nous offre et non celui enjolivé par les exploits des chevaliers qui estompe la noirceur d'un monde à l'obscurantisme redoutable. Et les mots percent comme des flèches, atteignant le lecteur aussi brutalement que la lance dans le dos de Mordred que l'on sent nous aussi percer le cuir du troussequin avant de s'enfoncer dans la chair tendre du corps.

Ce corps décrit ainsi comme une enveloppe fragile et dégénérée, capable de vous mettre plus bas que terre

"Et Mordred lui aussi se rendit compte qu'il se sentait trahi par cette douleur qui le rongeait, cette tristesse de la chair, il haïssait d'avoir compris enfin ce que disaient les prêtres à propos de la viande du corps, à peine allouée quelques instants à l'humain ; promise à la mort, à la déchéance ; à peine sortie du ventre, elle pourrissait déjà. Sac de viande abritant les pensées, l'espace d'un lent battement de coeur. Rien. Le corps ne servait à rien. On le pensait, on le croyait en imbécile ; on le trouvait beau, agréable, on osait s'en vanter, le voir en vaisseau porteur de joie, et un jour il cassait, et il se révélait vain et creux autant qu'une conque, qu'un cor de guerre ; seul le souffle l'anime, et sa structure n'est rien qu'un cadavre."


Si l'auteure ne fait qu'à peine référence aux personnages clé de la légende arthurienne, c'est pour mieux centrer son propos sur son unique personnage. On n'a le droit qu'à très peu de description de lieu (sauf des endroits naturels de l'enfance de Mordred, vécus comme un rêve magnificié encore plus par son mal ressenti), tout tourne autour de Mordred, de ses pensées, de ses rêves, de ses souvenirs et ses douleurs. On ne peut en réchapper, on subit comme lui les affres de ses tourments, au point que j'en suis arrivée à craindre chaque ligne qui décrirait encore et encore ses terribles douleurs. J'en avais mal rien qu'en les lisant. (Ne parlons même pas de l'opération, j'en tremblais d'avance avant de respirer de soulagement en me rendant compte qu'il en sentirait presque rien).

Et paradoxalement, elle y oppose toute l' enfance poétique, belle et sereine d'un petit garçon qui vit en harmonie avec la nature. Une nostalgie qui permet de reprendre son souffle et de gagner un peu de répit avant de replonger dans la souffrance et la solitude.


En même temps, Justine Niogret a cette fabuleuse capacité de savoir mettre les mots exacts sur la vie, sur les êtres humains, sur ce qu'ils sont réellement, même s'ils se cachent et feignent. Elle les passe au crible et les fait se révéler :


"On se moque les uns des autres. Les êtres ont une telle envie, un tel besoin de marcher sur les doigts de ceux qui les accompagnent dans ce petit monde, de les pincer pour se voir leur faire mal. Se sentir fort."


"De même, il se tenait les épaules lourdes, et il faudrait encore des années à Mordred pour comprendre qu'on porte avec soi une part de sa vie, des choses dont on ne sait se débarrasser ; et même lorsqu'on y parvient, on soutient le poids du travail accompli, et du deuil, et des quêtes perdues et du mal qu'on l'on a fait sans le vouloir."


"Parfois, on note ces bêtes comme gigantesques, énormes, des baleines vautrées sur la terre. Peut-être le monde a-t-il besoin de géants pour se faire encore peur. Peut-être a-t-il oublié les vents coulis des portes en hivers, et les rats pourrissant les sacs de grain, et la morve au nez qu'on ne parvient pas à soigne, et le coeur qui cogne quand on doit courir, et le poignet cassé qui ne se remet jamais tout à fait. Le cheval qui boite, qu'il faudra tuer avant qu'il ne souffre trop, et la mercenaire sur le chemin, qui cherche encore la guerre. Ces petites choses qui rendent la vie terrible, ces riens qui terrorisent, encore et encore. Peut-être leur faut-il des montagnes terribles, maintenant, des éclatements de lumière pour entendre la peine et le risque."


C'est exactement pour cela aussi que j'aime ce qu'écrit Justine Niogret, car sa justesse des mots me va droit au coeur. Mordred est encore un très bon cru, que je ne mets certes pas à la hauteur de Chien du Heaume, mais juste derrière. A lire, c'est du très bon !



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samedi 24 janvier 2015

L'Océan au bout du chemin de Neil Gaiman

"De retour dans le village de sa jeunesse, un homme se remémore les évènements survenus l'année de ses sept ans. Un suicide dans une voiture volée. L'obscurité qui monte. Et Lettie, la jeune voisine, qui soutient que la mare au bout du chemin est un océan ..."

Dans son dernier roman, Neil Gaiman nous propose une excursion extraordinaire et incroyable dans le monde de l'enfance, dans l'univers de ses peurs, de ses secrets et de ses mystères.

 "Personne n'est venu à la fête de mon septième anniversaire.
Il y avait une table garnie de gelée et de petits gâteaux, un chapeau de cotillon auprès de chaque place et un gâteau d'anniversaire avec sept bougies, au centre de la table. Le gâteau était décoré d'un dessin de livre, avec du glaçage. Ma mère, qui avait organisé la fête, m'a raconté qu'aux dires de la dame de la pâtisserie, ils n'avaient encore jamais  dessiné des livres sur un gâteau et qu'en général, pour les garçons, c'étaient des ballons de football ou des engins spatiaux. J'étais leur premier livre."

Le narrateur (on ignore son prénom) est un petit garçon relativement solitaire, qui a peur du noir et trouve ses solutions et son refuge dans les livres. C'est après avoir découvert le suicide d'un homme étrange que tout bascule dans le cauchemar.

Ce qui me sidère toujours chez Neil Gaiman c'est cette façon qu'il a d'englober la pire des horreurs dans une trame poétique qui en atténue l'épouvante mais en même temps en exacerbe la teneur horrifique : un trou de ver, un loup manta, des vautours préhistoriques, des déchets vivants, c'est du Stephen King mais avec l'écriture fabuleuse de Gaiman. Et c'est pour cela que vraiment j'adore ce qu'il écrit. En plus cela a l'air très réel.
"Ensuite, elle a tourné l'aiguille et l'a ramenée vers elle. J'ai regardé, stupéfait, tandis que quelque chose de luisant - ça paraissait noir, tout d'abord, puis translucide, et enfin réfléchissant comme du mercure - était extrait de ma plante de pied, à la pointe de l'aiguille."

Neil Gaiman signe là vraiment un roman à mes yeux exceptionnel, déjà par son entrée très juste dans le monde de l'enfance.

"Les adultes suivent les sentiers tracés. Les enfants explorent. Les adultes se contente de parcourir le même trajet, des centaines, des milliers de fois ; peut-être l'idée ne leur est-elle jamais venue de quitter ces sentiers, de ramper sous des rhododendrons, de découvrir les espaces entre les barrières."

"Les petits pois étaient pour moi une énigme. Je ne comprenais pas pourquoi les adultes prenaient des choses qui avaient si bon goût quand elles étaient fraîches cueillies et crues pour les mettre en boîte de conserve et les rendre écoeurantes."

Ensuite par l'impuissance d'être un enfant effrayé dans un monde d'adultes ; en effet l'enfant n'a personne sur qui compter lorsqu'il a affaire à la terrible gouvernante (qu'il a ressenti, lui, de suite être un danger pour lui et sa famille) et pire on ne le croit pas. Du coup on vit tout à hauteur d'enfant de sept ans (on est encore tout petit à cet âge là) incompris et surtout non soutenu, les peurs ressenties alors en deviennent plus percutantes et on en vient à compter autant que lui sur la petite Lettie, cette sorte d'enfant trop mûre pour son âge qui semble savoir déjà tant de choses sur le monde onirique dans lequel ils gravitent.

Et enfin pour l'histoire en elle-même qui ne souffre d'aucune longueur, ni rupture de rythme. J'aime le style, toujours juste, toujours touchant au but, du grand Gaiman. C'est un roman pour adultes sur l'enfance et c'est formidablement mené.
J'ai été plus que conquise, j'ai été réellement emballée, je l'ai dévoré d'une traite et je pense sans aucun doute qu'il est mon tout premier coup de coeur de l'année 2015.

Citations
"J'aimais les mythes. Ce n'étaient ni des histoires pour adultes, ni des histoires pour enfants. Elles étaient mieux que ça. Elles étaient simplement.
Les histoires d'adultes n'avaient jamais aucun sens, et elles mettaient tant de temps à commencer. Elles me donnaient l'impression que l'âge adulte avait ses secrets, des secrets maçonniques, mystiques. Pourquoi les adultes ne voulaient-ils pas lire des histoires de Narnia, d'îles secrètes, de contrebandiers et de fées dangereuses ?"

"Les adultes non plus, ils ressemblent pas à des adultes, à l'intérieur. Vus de dehors, ils sont grands, ils se fichent de tout et ils savent toujours ce qu'ils font. Au-dedans, ils ressemblent à ce qu'ils ont toujours été. A ce qu'ils étaient lorsqu'ils avaient ton âge. La vérité, c'est que les adultes n'existent pas. Y en a pas un seul, dans tout le monde entier."

Ailleurs
Une interview de Neil Gaiman ici ....

mercredi 21 janvier 2015

Espaces insécables de Sylvie Lainé



Ce recueil signe le dernier de ma plongée dans l'univers de cette auteure de nouvelles, après l'Opéra de Shaya (qui reste tout de même mon préféré), le Miroir aux Eperluettes et Marouflages (dont il faut signaler l'époustouflante nouvelle "Les yeux d'Elsa"), Espaces Insécables propose une série de nouvelles SF dans des futurs dont la première donne le ton.






Dans Carte blanche, des humains vivent dans un vaisseau gigantesque qui parcourt l'univers et se rend de planètes en planètes faire escale. Pour lutter contre l'ennui et la stabilité, chaque voyageur reçoit une série de cartes, des cartes publiques concernant les métiers qu'ils auront à faire et des cartes personnelles qui leur donnent des buts de rencontres ou de défis.

Le chemin de la rencontre est une suite de la première, l'Arche a fait étape sur Gemillie où vivent les peuples Bats et Spiriens et narre la rencontre entre une terrienne et un Spirien. J'ai beaucoup apprécié, comme toujours, la perception des "extra-terrestres" sur l'être humain, c'est toujours très réjouissant.
""Lorrie a disparu !" annonàa serge.
Cela n'appelait aucune réponse. Préparant un mélange d'un vert très pâle qui offrirait un excellent contraste avec l'orange soutenu de l'angle de droite, Frull eut une pensée amusée pour le manque de logique des Terriens. Celui-ci venait visiblement chercher des renseignements au sujet de sa femelle, ce qui supposait que Frull était au courant de sa disparition. La première phrase n'était donc qu'une entrée en matière bien superflue, qui aurait avantageusement pu être remplacée par une formule de politesse."

Partenaires présente un ordinateur humanisé qui ne s'exprime qu'en vers, parce qu'en gros il pète un câble, c'est plutôt drôle et cela montre à quel point les machines peuvent être limités, toutes perfectionnées qu'elle puissent être, elles ne remplacent pas la richesse des réflexions humaines.

Dans le Passe-Plaisir, Vincent, originaire de 2015, arrive en 2100 et apprend ainsi que les personnalités des individus qu'il rencontre sont modulables à loisir dans le but de "découvrir des harmonies de sensations nouvelles. Votre cerveau est un orgue à plaisir dont il faut savoir jouer. Vous n'en connaissez que quelques notes : la gamme étroite de la clé que votre enfance a façonnée. Le Passe peut ouvrir toutes les autres portes."
Etrange univers dans lequel ceux qui franchissent les limites et sont condamnés vivent une sorte d'enfer pire que la prison.
"Il est branché maso. On a relié son centre de la douleur avec celui du plaisir. Maintenant, sa violence est retournée contre lui-même".

Définissez : priorités présente des humains désormais capables de télépathie ce qui leur permet de s'associer pour réaliser de grandes choses, à condition de contrôler soigneusement leurs émotions. Une très belle nouvelle qui va jusqu'au bout des possibilités de l'être humain mais en contre-partie se révèle d'une certaine tristesse parce qu'en sous-jacent un amour va être détruit.

Et enfin Subversion 2.0 invente l'avatar télépathique, le double avec lequel on va pouvoir se partager les tâches de la journée, encore une nouvelle très réussie qui amène à se demander comment on vivrait avec ce genre de jumeau calqué à ce point sur notre comportement qu'il devient capable de prendre les bonnes décisions à notre place.

Ce recueil est encore une réussite, je l'ai déjà dit mais Sylvie Lainé manie l'art de la nouvelle avec une grande précision et beaucoup de génie. Tout se tient et va droit au but ; de plus elle offre dans Espaces Insécables des mondes futurs d'une grande douceur où les humains vivent désormais selon d'autres modes, sans pour autant se rebeller. Ils y acceptent tout autant le fait d'être modulables à volonté que de changer de décor de vie. C'est d'autant plus frappant lorsqu'on vit dans une société où le moindre changement, le moindre bouleversement d'habitudes font tout un drame. Je me suis d'ailleurs demandée comment je réagirais si je vivais dans un monde où à peu près tous les 10 jours, on me demande d'être flexible et de changer de métier ainsi que de relations sociales.

Pour conclure, je citerai Catherine Dufour qui a signé la préface : "Une science -fiction fine et sensible, pure et merveilleuse, toujours très humaniste."

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dimanche 18 janvier 2015

La voie du sabre de Thomas Day

"L'étranger arriva à la forteresse du clan Nakamura par la route du sud-ouest. Le jour naissant couvrait l'horizon de poudre d'or et de copeaux de cuivre, et le vent matinal, chargé de fleurs de cerisier, déchirait le ciel comme mille ailes de papillon, arrachées, dans lesquelles avaient été s'emprisonner les lueurs saumonées d'une aube à l'agonie."

Mikédi n'a que douze ans lorsqu'il assiste à l'arrivée du ronin Muyamoto Musashi qui l'emmènera avec lui, avec l'accord de son père le chef de guerre Nakamura Ito, pour le former.
"Confie moi ton fils, il est vierge de toute influence, son esprit est souple comme une herbe ...Quinze années, vingt années, il me faudra bien cela pour vider sa tête complètement et la remplir du Secret. Je lui enseignerai la Voie du Sabre qui fait de l'homme un dieu, qui met dieux et femmes à genoux. Et ce que tu attends véritablement de la vie .... en l'occurrence l'Impératrice-Fille à couvrir pour enfanter un Empereur en ton nom, ce rêve, je donnerai à ton fils toutes les armes pour le toucher."

Thomas Day nous propose là un récit qui prend ses racines dans une fantasy aux couleurs du Japon, une quête initiative d'un jeune garçon formé par un maître samouraï, qui au cours de leur parcours lui fera connaître divers enseignements, de l'apprentissage de métiers différents aux plaisirs de la jouissance jusqu'aux horreurs et souffrances de la guerre.
Parcours initiatique ou création progressive d'un monstre humain ? car le jeune Mikédi n'est pas moins qu'un individu dénué de tout scrupule, déterminé à arriver à ses fins, ne respectant rien ni personne.

"Je lui saisis le poignet si fort que je crus avoir brisé ses os. Mon acte, d'une violence physique et morale dont je ne me serais jamais cru capable jusque-là, m'étonna. Je n'étais qu'un enfant, mais par bien des côtés je ressemblais déjà à mon père."

"En bien des domaines les animaux sont supérieurs à certains hommes, voilà ce que tu as prouvé cette nuit, Nakamura Oni Mikédi, le bien-nommé. Aucune d'entre elles ne mourra et je voudrais juste savoir si tu as conscience de ce que tu as fait ?"

Lors de la conférence donné aux Utopiales, sur l'âge de raison :enfance, intelligence et pouvoir, Thomas Day révélait que dans son livre La voie du Sabre, il présentait le point de vue du méchant, un enfant qui devient un ado tête à claque.
En guise de tête à claque, c'est bien pire que cela. Le personnage de Benvenuto dans le brillant Gagner la Guerre de Jaworsky était un salaud, mais un salaud ,malgré ses vices et ses exactions, très attachant ... Le jeune Mikédi est un salaud mais un vrai de vrai, qui ne suscite aucune compassion, aucune empathie, seulement a-t-il été réellement fabriqué en tant que tel ou le portait-il en lui-même dès le départ ?
Lorsqu'on assiste à son geste violent sur une femme lorsqu'il n'a que douze ans et sa haine accrue envers son maître alors qu'il n'a guère eu le temps d'avoir eu l'esprit façonné par ce dernier, on peut penser qu'il aurait de toute façon développé cette violence.
"Toutes les tragédies commencent par un geste de ce genre. Demain, l'un sera devenu bel et bien un homme juste, malgré toutes les vies qu'il a volées. Et l'autre n'existera plu que sous la forme d'un démon, même pour son fils."

Dans chaque humain, même un Dark Vador, il y a une part de bon, Mikédi ne découvrira la sienne qu'au terme de bien trop d'horreurs et de choix tronqués pour amener le pardon du lecteur.
Ce roman est très bien conçu, intéressant par bien des aspects, ne serais-ce que pour la naissance de la haine du jeune garçon, de sa fascination qui revient à la colère haineuse, rien n'aurait peut-être pu entacher son destin de démon, à moins de trouver un maître qu'il aurait eu la sensation d'aimer car au final on en revient à un garçon qui n'a pas su trouver son modèle (père absent et maître qui n'a pas su se faire comprendre). Il se lit bien, sans temps mort et on découvre toute une culture japonaise teintée de contes avec quelques belles apartés littéraires. Il nous présente aussi une légende vivante qui au demeurant se révèle, en dépit de tous ceux qu'il a tués, sensible et ouvert à l'autre, au contraire de son élève.

Pour autant je ne peux pas dire que j'ai aimé .... pas parce que La Voie du Sabre n'est pas un bon roman, non au contraire, il a des tas de qualités et de points forts, mais tout simplement parce que je n'ai pas accroché aux personnages, en tout cas aucunement à Mikédi et que à la base je n'aime vraiment pas histoires de samouraï (que Thomas Day possède admirablement, on sent la passion), je n'ai jamais été fan de ces histoires de codes de l'honneur ou autre ni des combats au katana .... Ceci est évidement très personnel et c'est vraiment la seule raison qui peut me faire dire que ce n'est pas mon type de livre.
Je suis néanmoins contente de l'avoir découvert.

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jeudi 15 janvier 2015

Cet enfant-là .....




Cet enfant-là a participé à la manifestation du Dimanche 11 Novembre (accompagné de sa mère).
Cet enfant-là s'est à la fois senti au coeur d'un évènement d'une grande ampleur et aussi tout petit.
Cet enfant-là sait qu'il a vécu, depuis ce terrible mercredi 7 Janvier 2015, quelque chose qu'il n'oubliera probablement jamais.
Cet enfant-là a participé activement aux deux débats que nous avons conduit en classe sur les évènements produits.
Cet enfant-là a respecté la minute de silence Jeudi 8 Janvier à 11 H et a été choqué (comme ses camarades) d'apprendre que certains enfants avaient refusé de s'y soumettre dans certains collèges.
Cet enfant-là est un passionné d'Histoire et sait déjà faire des liens entre des faits passés et des faits présents.
Cet enfant-là sait faire la part des choses selon l'intelligence de son âge et sait rebondir sur ce qu'on peut lui apporter ou lui apprendre en tant qu'enseignant en terme de tolérance et de justice.

Cet enfant-là a la chance d'avoir des parents intelligents qui l'ont éduqué dans le respect et ne lui font pas l'affront de porter des jugements extrêmes sur les évènements qui pourraient l'influencer avant de lui donner la chance de se construire.
De cet enfant j'ai entendu plus de réflexions intelligentes en 6 jours que celles lues sur les réseaux sociaux, émises par des adultes et qui me choquent profondément. D'ailleurs je me dis que cet enfant-là malgré son jeune âge est plus mâture et réfléchis qu'eux.

Cet enfant-là n'a que dix ans ..... et je suis sacrément fière d'être son enseignante.

Des enfants comme cela il y en a plein, j'en ai dans ma classe, il y en a dans les autres écoles, ils éclipsent tous ceux qui ont subi de mauvaises influences ou la haine et le racisme de leurs parents et répètent comme des perroquets ce qu'ils entendent chez eux.
Ils rassurent sur l'avenir d'un pays malmené par trop de réactions violentes et non raisonnées.