mardi 18 février 2014

A ceux qui tuent le savoir ......

Vous ministres, qui depuis le confortable abri de vos bureaux, restez sourds aux larmes, aux cris ou aux rires de ceux dont vous décidez d'un coup de cuillère à pot de leur destinée, de leurs horaires, de leurs vies scolaires ..... Vous qui vous cachez derrière de faux semblants et qui pondez sans cesse réformes, arrêtés, lois sous prétexte de faire mieux mais qui en réalité ne sont que le reflet de votre intensif branlage de neurones, parce qu'il faut bien justifier le salaire mirobolant que vous vous faites, vous qui lancez des pics, des remarques au lieu de soutenir, qui affirmez des vérités erronées parce que vous n'avez plus remis les pieds dans une école depuis la nuit des temps, qui pensez savoir mieux que ceux qui sont sur le terrain et qui refusez de les écouter et de les comprendre ... Vous qui voulez faire une école d'élite -au point que certaines notions apprises en élémentaires ne sont reprises qu'en cinquième ou quatrième au collège - pour ce sacro accès au Socle Commun des Connaissances en oubliant la base de tout enseignement et qui laissez des tas d'élèves en perdition en mettant publiquement la faute sur les enseignants ...

Vous Inspecteurs, qui d'une main nous soutenez mais de l'autre nous poussez à toujours faire plus, faire mieux, intégrer l'handicapé, l'enfant en difficulté extrême dans des classes surchargées, l'enfant pour qui il faut faire ESS, équipes éducatives, PPRE en masse, qui tirez à ce point sur la corde qu'elle va finir par se rompre -parce que de l'autre côté on tire aussi sur votre propre corde .... Vous qu'on aimerait savoir à nos côtés plutôt que dans vos bureaux, à lire réclamations ou soupirs sans jamais être -ou si peu -sur le terrain, qui ne vivez aucun quotidien, aucune souffrance, aucun espoir ou désespoir ... Vous en qui on aimerait tellement avoir confiance mais qui nous jugent qu'une fois tous les trois ans, sur quelques heures de vie scolaire qui ne reflètent en rien le tous les jours, le quotidien qui peut blesser aussi bien qu'il réconforte .....

Vous acteurs sociaux - enseignants référents, ergothérapeutes, kinésithérapeutes, assistances sociales ou infirmières scolaires - avec qui nous devrions travailler main dans la main et qui préfèrent descendre ceux qui passent tant de temps avec ces fameux MDPH ou donner des leçons alors qu'il serait tellement plus simple de travailler dans le même sens, vous qui vous permettez de juger, de décider ou de baisser les bras, de fermer les yeux devant l'impensable ....

Vous parents qui préférez enfoncer vos têtes dans le sable plutôt qu'affronter la réalité, qui affirmez haut et fort que jamais au grand jamais la chair de votre chair ne serait capable d'insulter, de se battre ou de dire des gros mots, qui exigez de nous des résultats mais sans travail à la maison, sans contraintes, sans punitions, sans règles de vie ..... Vous qui maltraitez intellectuellement vos enfants, qui les tirez vers le bas, qui leur apprenez que l'école c'est fait pour lutter, mentir et tromper et non pour apprendre, vous qui les affamez, les envoyez en sport en pyjama, ne les soignez pas, qui les poursuivez dans la rue avec une arbalète et les menacez de les placer s'ils parlent,  ne les traitez pas contre poux et gale ou vous qui au contraire leur donnez tous les droits, toutes les permissions, vous qui allez engueuler les chauffeurs de bus, les personnels de cantine et les professeurs parce que forcément c'est de leur faute à eux mais surtout pas de votre fils ou de votre fille qui pourtant a insulté, manqué de respect , vous qui avant demandiez à vos enfants "tu as été sage à l'école ?" et qui maintenant les interrogez "la maitresse a été gentille avec toi ?", vous qui exigez de choisir vos classes, vos enseignants selon vos préférences, vous qui affirmez que si votre enfant est en perdition, c'est forcément de la faute des autres, qui parlez mal dans les couloirs de l'école, qui menacez de tuer ceux qui touchent à vos enfants, qui nous agressez verbalement ou physiquement et en guise d'excuse annoncez "oh mais j'étais énervé c'est normal" .....

Nous professeurs ou instits comme on dit communément .... qui baissons les bras ou avons encore la foi .... qui avançons dans une société qui évolue plus vite que nous, qui croyons encore aux valeurs de l'enseignement ou du respect mais qui avons la sensation de vivre dans un monde parallèle où les valeurs ne sont plus les mêmes ..... Nous qui sommes tout autant psychologues, assistants sociaux, éducateurs qu'enseignants ..... voire plus des premiers que du dernier, nous qui certaines fois envoyons tout promener, devenons mauvais, aigris, prêts à mettre au rencart parce que pour certains d'entre nous, trop c'est trop mais aussi parce que pour certains, l'orientation, la formation n'ont pas été à la hauteur des capacités et que nous nous retrouvons débordés par un métier pour lequel il faut être tous les jours disponible psychiquement et mentalement ..... Nous qui nous mettons en scène à chaque moment pour attiser les curiosités, intéresser, inculquer, former mais qui en retour nous prenons retours de vestes, insultes, maltraitance psychologique de la part d'adultes qui ne savent plus avancer sur les mêmes chemins ......

Toi l'élève qui est au coeur de tous ces adultes qui décident pour toi de ton chemin et de ton destin, qui aurait besoin qu'on te tienne la main mais qu'on lâche des fois dans l'arène ... Toi qui a  tout compris parce que tu sais pourquoi tu es là tous les jours à ta table d'écolier, qui dis bonjour lorsque tu arrives, bon appétit à midi et au revoir le soir, merci lorsqu'on te donne quelque chose, toi qui as de la chance d'avoir des parents qui te suivent, sont du côté de ceux qui t'enseignent, qui connais une certaine valeur des choses, qui sais que tu ne travailles au final que pour toi et qui iras probablement loin sur ce chemin que l'on t'a ouvert, toi qui souris et nous confortes dans notre métier ..... 
Mais toi qui ne sais pas pourquoi tu es à l'école, pourquoi tu dois travailler, apprendre parce que papa ou maman sont alcooliques ou défaitistes ou haineux ou en guerre contre tout le monde et surtout contre l'école exutoire de toutes les souffrances, toi qui oscilles sans cesse entre ceux qui te montrent une voie et ceux qui t'attirent vers le bas, toi  qui nous manques de respect parce que tu ne sais pas, toi qui te bats ou qui insultes dans la cour parce qu'on ne t'a jamais appris à t'exprimer autrement, toi qui ne soignes pas ton travail, qui ne fais pas tes devoirs, qui n'apprends pas parce que chez toi on t'enseigne à t'en ficher ou on ne prête que guère d'attention à ta scolarité, toi qui nous désespères car on a la sensation de se battre contre des moulins à vents, qui des fois nous donnes un peu d'espoir mais souvent repart sur la mauvaise pente, toi qui mériterais tellement mieux mais qui risques à tout moment d'être en perdition ... 
Toi qu'on aimerait aider mais qu'on ne peut pas toujours parce qu'on doit se battre ou se défendre contre tous et surtout contre tes parents .... Toi pour qui rien, au niveau de ceux qui décident depuis leur piédestal, n'est réellement fait, toi sur qui il faudrait tout mobiliser et que tout le monde -nous y compris - laisse tomber .... Toi le seul objectif du rôle de tous les autres, qui seras le futur adulte de cette société qui te trahit et te laisse choir .....



Parce qu'il fallait le dire .... Il est évident que ce sont des cas extrêmes (mais tous véridiques, je n'ai rien inventé) et que des partenaires sociaux, des parents, des élèves géniaux, cela existe aussi mais que malheureusement, ils sont de moins en moins nombreux .... Et évident aussi qu'il existe des profs qui n'en ont plus rien à faire, qui sont des branleurs finis, qui se mettent en arrêt, en congé pour un oui ou pour un non, qui font du tort à tous les autres.
Mais ce n'est pas le cas de tous .... en ce qui me concerne, j'ai encore envie de penser que j'ai la foi pour continuer à avancer et espérer faire sauter les barrières, pour qu'au final on revienne sur la réelle motivation de mon métier : enseigner aux élèves .....

dimanche 2 février 2014

Lasser mariage à l'Egyptienne de Sylvie Miller et Philippe Ward

Depuis ses aventures dans Un privé sur le Nil, Jean-Philippe Lasser est consacré par Isis elle-même, détective officiel des Dieux, plaque officielle et tout et tout. Mais il a à peine de temps de se réjouir de sa promotion qu'elle lui confie une nouvelle affaire : retrouver Aglaé l'une des Trois Grâces, fille de Zeus et Eurynomé. En effet cette demoiselle -une vraie peste en dit-on- a disparu alors qu'elle devait se marier avec Horus, fils d'Isis et Osiris. Or ce mariage est un évènement inédit, c'est la première alliance entre une divinité grecque et une divinité égyptienne. Autant dire que Lasser a une sacré responsabilité, qu'il n'est pas très heureux d'hériter mais on ne refuse rien aux Dieux.

Le détective aura besoin de tous les amis et appuis possibles car certaines personnes ne voient pas d'un très bon oeil sa réussite, ainsi son enquête le conduira du Caire jusqu'à Babylone, en passant par Alexandrie et faisant même un petit séjour aux portes de l'Enfer. De plus il se retrouve confronté à une certaine Médée, journaliste de son état, employée en réalité par Zeus, qui tantôt lui lui fera la coeur, tantôt lui mettra des bâtons dans les roues. Et un Lasser sous le charme d'une belle fille séduisante, cela vaut le détour !

Retrouver un personnage et tout un univers que l'on a appris à apprécier dans des nouvelles, sur un roman, est un vrai délice. Parce que si les jalons ont été posée précédemment, l'histoire a tout le temps là de se mettre en place et de nous remettre dans cette ambiance si particulière de la vie dans les années 30 en Egypte où les Dieux côtoient les hommes de près et interviennent dans leurs affaires. Ainsi les références sur ces divinités fourmillent de partout. De plus cela donne l'occasion d'approfondir le personnage de Lasser, cet anti-héros qui préférerait rester tranquillement dans un bon fauteuil, à siroter son seize ans d'âge, au lieu de courir l'aventure. Pourtant en dépit de son côté un peu looser (il est prompt à se lamenter lorsqu'il échoue), il est suffisamment malin (et dispose aussi des aides nécessaires au bon moment) pour se sortir de toute situation, le tout avec un certain humour.
D'ailleurs le fait qu'il soit si peu crédible dans son rôle de super détective nous le rend tellement humain et proche qu'on craint à chaque moment qu'il échoue. Un passage notamment m'a renvoyé cette sensation là, celui (dont je parlerai par la suite) où il doit se jeter dans le vide, sa peur est tellement palpable qu'on ne peut que se projeter sur ce qu'il va vivre et reculer des quatre fers comme lui, j'ai vraiment eu la sensation qu'au final j'allais sauter à ses côtés et que je n'en avais pas plus envie que lui. Du coup je me suis mise à souhaiter que cela ne se fasse pas .... 

C'est marrant car j'ai lu ce roman avec l'image de Sylvie Miller me racontant (à Sèvres) comment ils écrivaient ces histoires à quatre mains, Philippe Ward et elle, et cela rajoutait un petit plus à ma lecture. Je les imaginais lisant chacun les écrits de l'autre et se marrant de leurs trouvailles mutuelles.

J'ai adoré certains passages comme le moment où Lasser fait ses premiers pas avec sa nouvelle voiture, une sorte de Kitt (K 2000) sans paroles mais qui se pilote toute seule, ou encore mieux son saut monstrueux depuis le Phare d'Alexandrie : ce passage précisément m'a même fait éclater de rire.

"J'avais beau chuter comme une pierre, j'étais tellement saoul que je n'avais même pas peur.  Je me contentais de rire comme un âne et de hurler :
 - Je vooooooooooooooooooole !!!!!!!!!!"

Bref, ce nouveau roman de Sylvie Miller et de Philippe Ward se lit avec beaucoup de plaisir et même de délectation, j'ai vraiment passé un bon moment et j'ai hâte de poursuivre les aventures de ce détective pas comme les autres !

Ailleurs

Et ici, un site fort intéressant sur la série.

Roman qui entre dans le Challenge de Lhisbei : Winter Mythic Fiction.