samedi 21 février 2015

Le fou et l'assassin de Robin Hobb

Autant dire que je ne m'attendais pas du tout à chroniquer si vite les nouvelles aventures de Fitz-Chevalerie Lonvoiyant qui fait partie des héros que je préfère dans la fantasy. Et ce pour au moins deux raisons :
- or de question de commencer des sagas qui ne sont pas achevés, c'est trop pénible de devoir attendre et encore attendre pour avoir les suites
- je déteste les publications Pygmalion, tomes par tomes qui nous laissent sur notre faim et y préfère les trilogies reliées comme c'était le cas pour les deux premières de la Citadelle des Ombres

Et pourtant .... ce livre s'est retrouvé dans mes mains et lu quelques 24 heures plus tard .... bon voilà j'ai craqué en somme, les deux chroniques que j'en avais lus m'avaient déjà fait de forts clins d'oeil et l'envie de retrouver ces personnages si charismatiques m'a titillé de plus en plus fort au fil des jours.

Ainsi me revoici replongée dans La Citadelle des Ombres ..... plusieurs années ont passé depuis Adieux et retrouvailles et Fitz vit désormais comme il l'a toujours voulu, tranquille à Flétrybois, entouré de celle qu'il aime et des enfants qu'elle a eus. Même s'il n'est toujours pas serein - on n'oublie pas facilement des années durant lesquelles on a servi comme assassin royal - il tente de se reconstruire après toutes les pertes subies et bien qu'il soit toujours en contact par l'Art avec Castelcerf et les membres de son clan, il résiste pour garder cette vie. 
La paix règne désormais dans les Six-Duchés ..... même si un soir trois inconnus se présentent au domaine de Flétrybois se faisant passer pour des ménestrels puis s'enfuient alors qu'une messagère envoyée à Fitz disparait mystérieusement.

Il ne se passe pas grand chose dans ce tome-ci, Robin Hobb prend son temps pour reposer son décor et pour nous remettre en contact avec ses personnages ..... J'ai eu la sensation de retrouver des amis, des gens que je connais tellement bien que je peux presque prévoir les réactions. Le point fort de l'auteure s'est toujours situé sur la psychologie de ses héros, et là elle brille toujours pour les faire vivre, tout en douceur et finesse dans leurs bonheurs et leurs malheurs. 
Si j'osais lui parler, je lui demanderais si ses personnages lui manquaient au point de vouloir les faire revivre une fois de plus, si elle leur est tellement attachée qu'elle ne peut les laisser en paix, si elle a éprouvé le besoin de voir ce qu'ils devenaient et comment ils évoluaient.
En tout cas c'est ce qui ressort de cette première intrusion dans sa nouvelle saga, et la magie opère comme toujours, ils sont identiques à ce qu'ils étaient lorsque nous les avons quittés, dans leurs défauts et leurs qualités .... comme si aucune année ne s'était écoulée entre la rédaction des romans.

Alors oui j'ai dévoré ce premier tome car j'étais en territoire connu et Robin Hobb nous replonge dans son univers sans oublier que notre mémoire n'est pas parfaite et qu'elle a pu oublier certains pans du passé de ses personnages, alors elle nous permet d'y remédier mais sans ennui, en donnant même par deux fois la voix à un autre de ses personnages qui promet pour l'avenir de cette série : Abeille .... Une voix qui permet aussi de raconter la nouvelle tragédie que va devoir affronter Fitz .... façon intelligente de montrer par les yeux d'un autre une détresse non racontable par la victime ..... scène très émouvante qui m'a fait pleurer tant encore une fois Robin Hobb sait faire passer les sentiments de ses personnages de façon touchante et poignante.

"Il nous prit toutes deux dans ses bras, nous étreignit, leva la tête et hurla, la bouche démesurément ouverte, le visage vers le ciel et les muscles saillant au cou.
Il n'émettait pas un son, mais la douleur qui se déversait en lui m'engloutissait et me suffoquait ; je me noyais dans sa peine. Les mains sur sa poitrine, je m'évertuai à m'écarter de lui, en vain. A une distance gigantesque, je perçus ma soeur ; elle cognait à l'huis de son esprit en demandant à savoir ce qui se passait. Il y en avait d'autres que je ne connaissais pas qui criaient, qui proposaient d'envoyer des soldats, de prêtre main-forte, de faire pour lui tout ce qui était possible ; mais il était incapable de mettre des mots sur sa souffrance."

Parlons de Fitz à présent .... ce personnage paradoxal et troublant, cet homme qu'on pourrait dire anti-doué pour le bonheur, toujours à la recherche de ce qui va dérailler dans sa vie même lorsque celle-ci parait enfin normale et tranquille .... Je n'ai jamais eu le courage de chroniquer la Citadelle des Ombres, intégrales 3 et 4, tout simplement parce qu'il me faudrait les relire et que je suis incapable de faire face à nouveau à la première tragédie de Fitz mais je me souviens à quel point celui-ci pouvait m'agacer par son côté défaitiste et fataliste .... un côté que je pouvais comprendre lorsqu'il était enfant et non maître de son destin mais plus difficilement lorsqu'il était adulte.

Alors, le retrouvant tel quel, plus de dix ans après (pour lui, pour moi il s'est plutôt agi d'une vingtaine d'années), je craignais que ses côtés agaçants me gênent à nouveau et pourtant il n'en fut rien .... je crois que c'est tout simplement parce que moi je ne vois plus les choses de la même manière .... Lorsqu'on est jeune, que l'on a vingt ans, je crois qu'on pense qu'on peut encore influer sur son destin ou qu'au moins les choses peuvent s'arranger, que l'on a les armes pour cela .... C'est beaucoup moins flagrant des années plus tard alors qu'on sait qu'on ne peut pas jouer sur tout et qu'on perd aussi ses illusions ..... Ainsi j'ai beaucoup mieux cerné les défauts de Fitz, son côté tristement négatif et pessimiste .....tout du moins je les lui ai pardonnés .... même lorsque des choses évidentes font la gigue sous son nez alors qu'il ne les voit pas (et que nous lecteur, on a envie de lui crier : "mais ouvre les yeux enfin !") .... et même si parfois j'ai eu envie d'entrer dans le livre pour le secouer un bon coup.... parce que c'est Fitz et que je lui resterai attaché malgré tout. Tout simplement parce que bien des années avant Robin Hobb m'a profondément fait aimer son personnage et que je l'aimerai toujours (et les autres avec : Umbre, Kettrichen , Devoir etc ...).

J'ai hâte que le tome suivant sorte (c'est en Mars, une nouvelle raison d'avoir cédé je n'aurai pas trop longtemps à attendre) parce que l'on reste tout de même un peu sur sa faim avec ce premier roman trop court, surtout que la fin prend enfin un peu de rythme et évidemment nous laisse le bec dans l'eau avec une furieuse envie de piler Pygmalion qui a coupe n'importe comment ses livres.

Ailleurs
Le rêve du renard ; 233 ° C ; Elbakin ....

Ce roman entre dans le Challenge SFFF au Féminin de Tigger Lilly.


mercredi 11 février 2015

Les substituts de Johan Heliot

"Dans ce monde-là, la plupart des humains ont été réduits à l'état d'esclaves simples d'esprit. On les appelle les Substituts.
Tya est l'une d'entre eux. Et rien ne la prédisposait à se distinguer.
Mais Tya a découvert en elle une force étrange qu'aucun autre Sub ne possède.
Une force, faite de mots et de phrases, qui pourrait se répandre et devenir une armée redoutable au service de la liberté.
Cette force c'est la connaissance."

Tya est une jeune fille de 14 ans qui, pour la première fois de sa vie, va quitter son environnement, un parc gardé jours et nuits par des gardes pour aller travailler en ville, sous la coupole des Hauts, les dirigeants. C'est un monde étrange dans lequel elle vit, il y a donc les Substituts qui payent pour une terrible faute qu'ils auraient commis et qui sont condamnés à travailler pour d'autres : ils sont dépourvus de mémoire et d'intelligence, ce qui permet de les contrôler aisément. Il y a ensuite les Hauts, ceux qui gouvernent et possèdent la connaissance, eux-même dirigés par les Très-Hauts, de sortes de monstres victimes d'un mal étrange ..... et enfin les révoltés, les parias, la Horde qui vivent en marge de la ville et survivent comme ils le peuvent.
Très vite on s'aperçoit -et elle avec - que la jeune héroïne est différente de ses semblables, étrangement, elle n'oublie rien d'un jour à l'autre, et de plus elle apprend à chaque instant de nouvelles choses, comme si son cerveau, libéré des contraintes, se développait peu à peu.
Il est très intéressant d'ailleurs de constater que le vocabulaire de Tya évolue avec ses progrès, de phrases courtes aux tournures simples elle parvient au fil des pages à exprimer de mieux en mieux sa pensée - comme dans Des fleurs pour Algernon où Charlie en évoluant parle de mieux en mieux et structure ses idées.

Comme dans la plupart des romans "Young Adult" nés sous le thème de la dystopie, les jeunes héros ont à coeur de faire évoluer les choses et Tya n'échappe pas à la règle ; même si les personnages de Johan Heliot restent assez froids, on a affaire au moins à des adolescents intelligents et qui ne sont pas agaçants. Ce qui est très appréciable après mes diverses excursions dans ce type d'écrit.

Le récit est plutôt bien mené, bien structuré et tout-à- fait cohérent et j'ai beaucoup aimé sa trame : le fait que l'esclavage se passe par le biais de l'ignorance donne des potentialités tout à fait intéressantes. Au fur et à mesure que Tya devient intelligente et capable de raisonner, elle devient consciente de ce qu'était sa vie et peut enfin avoir des perspectives de changements. Sans savoir impossible d'y parvenir, cela me fait penser aux penseurs des Lumières qui mettaient déjà le doigt sur l'importance de la connaissance. Maintenir le petit peuple dans la crasse de l'ignorance permettait de fabuleusement l'empêcher de se révolter contre les injustices.
C'est exactement ce qui est abordé dans ce premier tome. Peu à peu Johan Heliot nous dévoile, à travers les découvertes de Tya,  pourquoi les Substituts sont traités ainsi, ce qui a conduit à cette structure précise de la société et qui sont les Plus Hauts ....

En conclusion, un bon roman jeunesse, intelligemment mené. Je pense que je lirai à l'occasion ses suites (le tome 2 est déjà sorti).

Citation
Ils mourront parce qu'ils sont des Subs et qu'ils ont faim et que tout le monde les déteste en ville.
Ils mourront parce que leurs ancêtres ont commune une faute depuis longtemps oubliée.
Ils mourront parce qu'une catastrophe a frappé les gens de la ville et que depuis personne ne voyage plus dans les longues maisons de fer.
Ils mourront parce qu'ils ne sont pas capables d'apprendre de nouvelles choses et que leur mémoire s'efface chaque fois qu'ils sont de retour au Parc.
S'ils ne veulent pas mourir, il leur fait arrêter d'oublier.

Ailleurs

samedi 7 février 2015

La route de la conquête de Lionel Davoust

"En son coeur, en son âme, l'espèce humaine est déséquilibrée.Nous apportons l'équilibré, la durée, la stabilité. C'est juste et indispensable. C'est notre mission. Mais ... Que se passe-t-il quand on rencontre un peuple déjà équilibré?"

Cette citation fait référence à la toute première nouvelle de ce recueil de Lionel Davoust qui nous plonge à nouveau et avec délice dans son monde d'Evanégyre, univers déjà fréquenté dans le très bon La Volonté du Dragon (qui fut d'ailleurs ma toute première lecture de cet auteur que j'apprécie tout particulièrement ).
Lionel nous propose donc une nouvelle plongée dans ce monde à travers six nouvelles qui se situent à différents instants de l'âge d'or du Saint Empire d'Asrethia.


Et comme il nous propose, à la fin du livre, des repères chronologiques de ces conquêtes, c’est dans cet ordre que je vais parler des nouvelles.


La fin de l’Histoire nous présente le journal tenu par Veithar lors d’une expédition à travers la jungle de l’Insendra afin de conquérir un nouveau territoire. L’intérêt de cette nouvelle prend tout son sens dans ces paroles qui prononcent l’auteur du journal à savoir « Je vous promets que l’Empire d’Asreth n’est pas votre ennemi. Notre mission est pacifique. Nous apportons de grands progrès, des merveilles que nous souhaitons partager avec vous. Nous aimerions parler. » ..... le choc de deux cultures complètement antagonistes, l’une qui fait corps avec la nature, les traditions et l’autre, tout en force et convaincue d’être dans son bon droit, de sauver ces peuplades d’eux-mêmes et par la puissance de leurs armes s’il le faut. Sauf que la résistance imprévue des enfants d’Isendra aboutira à un final tout à fait étonnant et poétique.


Ensuite, lors de la Bataille des Brisants qui oppose les guerriers mémoires du Hiéral à l’Empire d’Asreth, nous trouvons deux nouvelles Bataille pour un souvenir (présente dans le recueil L’importance de ton regard) et Au-delà des murs, deux nouvelles qui se lisent en parallèle. Je ne reviendrai pas sur Bataille pour un souvenir qui faisait partie de mes préférés du recueil précédemment cité mais Au-delà des murs met en scène un soldat traumatisé, qui se réveille dans un endroit inconnu, avec perte de mémoire, sans savoir quelle est la réalité du monde qui l’entoure. On assiste à travers ses yeux à la mort du général Erdani, du côté Asreth, bataille déjà vécue au côté des guerriers mémoires. Ces deux points de vue sur cette même bataille sont très intéressants. Les deux nouvelles sont bien écrites avec toujours un petit faible pour Bataille pour un souvenir qui m’a conquise de la même manière que la première fois où je l’ai lue et dont je disais :
Une atroce bataille embellie par la plume de Davoust : eh oui il parvient à poétiser le pire drame humain, c'est fort.



On retrouve ensuite la généralissime Stannir Korsova (déjà présente dans la Volonté du Dragon) à travers La Route de la conquête, la nouvelle la plus importante du récit, pas moins de 150 pages pour vivre la conquête d’une steppe nommée Océan Vert habitée par un peuple mystérieux. J’ai beaucoup pensé aux guerres de colonisation des terres nouvelles lorsque les colons, lourdement armés et convaincus de leur supériorité, tentaient de soumettre des peuples proches de la nature et des vraies valeurs de la vie.  
 J’ai trouvé cette nouvelle absolument passionnante et bien menée, qui nous met en présence d’un conquête vouée à l’échec de part les trop grandes différences de points de vue du conquérant et du conquis .... Un récit très émouvant aussi car on se rend compte qu’au fil des jours, la conscience de la Généralissime la travaille de plus en plus sur sa légitimité à forcer un peuple à accepter leurs croyances. D’ailleurs la fin, ouverte, m’a déçue, pas d’un point de vue de l’histoire elle-même car c’est tout ce qu’il y a de plus réaliste, mais parce que, prise par l’espoir, je souhaitais mille fois que tout s’arrange, je me suis faite avoir par le sentimentalisme, ce qui prouve à quel point j’étais entrée dedans.
« La généralissime promena le regard sur la salle, sur ces visages détendus, rieurs, sur les musiciens et les chanteurs qui avaient à présent entamé une mélodie plus joyeuse, encourageant les premiers danseurs de l'assistance à les rejoindre. Cette culture était figée, comprit-elle, dans un équilibre effectivement pérenne avec son environnement, garanti par les traditions, et ce depuis des siècles - peut-être même des millénaires. Isolée entre des montagnes arides et de la mer, seulement touchée par quelques échanges commerciaux avec les cités de l'ouest du Grand Sud, elle restait dans une large partie ignorante des évènements du monde. Aucune des guerres qui avaient secoué Evanégyre ne les avait touchés, ou tout au plus sous la forme de rumeurs, de légendes. Le temps ne s'écoulait pas dans l'Océan Vert, ou bien différemment : une simple horloge marquant le passage des générations, des lunes, et non celui, bien plus terrible et vertigineux, des guerres, des nations et des civilisations. »


Au moment de la Seconde Guerre de l’Evangélyre prend vie le fabuleux Le Guerrier au bord de la glace.  Lorsque j’ai ouvert ce livre, j’étais convaincue que ma nouvelle préférée resterait Bataille pour un souvenir qui j’avais trouvée particulièrement poignante et émouvante, et bien sûr excellemment écrite. 
C’était sans compter sur le génie de Lionel Davoust qui une fois de plus, a réussi à me transporter. Cette nouvelle qui narre le combat des Charistes contre des insurgés est tout simplement superbe, avec des scènes de combat absolument magnifiques de par un écrit maitrisé et poétique.

J’ai adoré cette armure avec une conscience que portent ces guerriers, cette sorte de symbiose entre la machine et l’humain.

« Une formidable serre griffue aux reflets de rouille m’enserre le torse comme si la mekana haute de presque vingt mètres n’était qu’un jouet. Au-dessus de moi, des écailles couleur de cuivre, mais dix fois plus résistantes, roulent avec une fluidité liquide sur des muscles parfaitement taillés. Les ailes dorées caressent le ciel à la façon d’une flamme jaillissante, émerveillement et splendeur dans le corps de l’être le plus formidable que connaît notre monde, et nous nous élevons parmi les explosions, les coups, les tirs. »

Ce texte m’a donné envie que Lionel Davoust fasse un nouveau roman uniquement sur cette période de l’Evanégyre.



Et enfin le recueil se conclue avec Quelques grammes d’oubli sur la neige, qui se situe dans un futur non daté .... une nouvelle qui se détache des autres, racontée à la façon d’un conte où un roi humain change au gré du pouvoir qu’il se découvre .... celui de contrôler son temps. Encore un magnifique écrit, très émouvant et sensible. La fin est très réussie.



Encore une fois je réalise à quel point il est difficile d’écrire un billet sur des nouvelles ... surtout lorsqu’on essaye de trouver, à travers ses pauvres mots, ceux qui rendront correctement la beauté de ces textes. Je me rends compte que plus l’écrit est fabuleux de sensibilité, d’émotion et de qualité littéraire et moins je parviens à rédiger quelque chose de correct et de maîtrisé. 
Il n'est pas facile d'être chroniqueur !
Bon cela dit, une fois de plus j’ai été conquise par ce nouveaux recueil La Route de la conquête : et en fermant le livre j’ai vu sur les dernières pages : Port d’âmes à paraître en août 2015 ce qui m’a arrachée un grand soupir de bonheur. Vivement la suite alors !



Pour la petite anecdote, j’étais en plein dans La route de la conquête lorsqu’un matin j’ai entendu à la radio le trio des best sellers français de l’année à savoir Musso, Pancol et Levy. ... je n’ai pu m’empêcher de regretter que beaucoup de lecteurs français ne retiennent que ces auteurs à succès tout en passant à côté d’auteurs tellement exceptionnels comme Lionel Davoust, Jean-Philippe Jaworsky ou Justine Niogret  (et je n’oublie pas Sylvie Lainé ou Mélanie Fazi pour les nouvelles)..... 
Quel regret que la littérature SFFF ne soit pas mise plus en valeur et que certains se contentent de la littérature grand public qui – j’ai lu un livre de Musso et deux de Pancol- sont incapables de me transporter comme le font si bien les auteurs que j’aurais cités dans mon top à moi.

Tant pis pour eux et tant mieux pour nous blogueurs de la SFFF qui avons su trouver où se cachent les perles rares de la littérature française.

Ailleurs

mercredi 4 février 2015

Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses de Catherine Dufour

"A Noël dernier, j'ai feuilleté le catalogue Jouets d'un grand magasin. Sur fond bleu : des autos, des motos et des bateaux. Sur fond rose : des poupées qui marchent et parlent, dix Barbie-princesse et une Barbie fait le ménage.
Materner c'est très bien, faire le ménage c'est nécessaire, et s'habiller comme une princesse peut être agréable, mais ce ne sont pas les seules façons pour une fille de gagner sa vie. Il y a beaucoup de métiers, bien mieux payés."

Après en avoir lu quelques critiques du la Toile, j'avais hâte de me plonger à mon tour dans ce Guide "décalé et enthousiasmant" surtout que, les fonds roses et les fonds bleus dans les catalogues m'irritent au plus haut point. Bon après j'avoue ne pas avoir été élevée dans ce monde princesses et de roses, je détestais de toute façon le rose (et je le déteste toujours, peut-être parce qu'il était associé aux filles et que ma foi, petite j'étais plutôt "garçon manqué" ...  appellation qui n'a plus guère de sens à l'heure actuelle), de plus ma petite soeur jouait aux petites voitures et moi aux playmobils. Certes nous avons eu une petite phase poupée (mais du genre poupées de chiffon qui ne ressemblent plus à rien, victimes du temps destructeur) et peut-être une barbie (mais c'était pour avoir le cheval Barbie en réalité et il me servait pour mes playmobils xD).

Donc ... j'étais intriguée par ce livre.
Décalé oui il l'est, par la façon dont l'auteure nous présente ses sélections de femmes qui ont bravé les interdits pour faire ce dont elles rêvaient (je parle surtout des femmes citées dans les parties "Découvrez le métier avec" ...) et par son humour, surtout dans les premières pages.
AGENT SECRET
Insertion professionnelle : houleuse.
Espérance de vie : Couci couça.
ALPINISTE
Espérance de vie : pas vertigineuse.
ARCHITECTE
Espérance de vie : Selon la qualité du mortier.
BASSE-COU
Etudes conseillées : Relisez la fiche ci-dessus.
Espérance de vie : Relisez-la attentivement.

Les portraits de ces femmes du passé sont prenants et Catherine Dufour a un style bien à elle, qui n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat. C'est très varié, de l'Agent Secret à la Voileuse, en passant par la Chirurgienne, la Chef d'Orchestre ou des métiers dans lesquels on ne penserait pas forcément aux femmes (comme quoi les clichés sont lourds mais pour ces cas là je ne sais pas si ce n'est pas plus mal) comme Tortionnaire ou Barfly ou encore Mafieuse.
On observe aussi au travers du "Métier d'aujourd'hui ...." des femmes qui à l'instar des leurs homologues passées ont fait ce qu'elles souhaitaient faire.
Le livre se lit très facilement, à parcourir dans tous les sens ou dans l'ordre mais d'un autre côté, je n'en suis pas ressortie enthousiaste car j'ai fini par me lasser du procédé toujours identique des portraits avec en plus des tournures de phrases qui ont fini par me faire sortir de mes gonds :"Regardez-la ..." "Ecoutez-la ...."  utilisées  probablement pour rendre plus vivant le portrait mais qui, au bout de moult répétitions, me donnait envie de jeter le livre contre un mur.

Je suis restée plus intéressée par  les portraits des femmes d'avant qui montrent à quel point elles ont du se battre contre les stéréotypes, les pré-requis et tous ces machismes qui leur interdisaient de faire aussi bien, voire mieux (et elles l'ont fait souvent mieux) que les hommes,  et qui souvent, malheureusement ont fini dramatiquement, ou sans reconnaissance.
 J'ai été moins touchée par les portraits des femmes d'aujourd'hui, peut-être aussi parce que naïvement je ne vois pas ce qui empêche les femmes à l'heure actuelle, dans nos mondes civilisés, de faire ce qu'elles veulent. D'ailleurs j'en ai toujours été intimement convaincue depuis toute petite (peut-être est-ce la conséquence d'avoir été élevée sans père, par une mère qui assurait dans tout.)

Après je ne suis pas objective, je travaille dans un univers spécifiquement féminin, où au contraire on rêverait d'avoir plus d'hommes (car oui ils apportent autre chose que nous ce qui n'en fait pas pour autant des supérieurs et ils le savent très bien pour la plupart) et que quand on en a, ils ne sont pas plus payés et pas plus considérés - si !  j'avoue qu'ils sont moins emmerdés par les parents qui ont plus de facilité de casser du sucre sur les maîtresses (surtout certains mâles qui roulent des mécaniques et veulent vous impressionner en se grandissant dans l'embrasure de la porte de la classe ... cela m'est arrivée une fois, je l'ai accueilli tellement froidement, genre "qu'est ce que vous fichez là ?", qu'il s'est déglonflé comme un ballon, ce fut fort drôle) que sur eux - et n'ont pas pour la plupart de comportement sexiste.
Cela dit je ne suis pas naïve au point d'ignorer que dans certaines branches il faut se battre comme un lion pour accéder au plus haut. En tout cas je l'ai moins ressenti pour ces portraits.

En conclusion, en dehors des quelques aspects agaçants, c'est un Guide qu'il faut que toutes les jeunes filles à l'aube de leurs choix professionnels doivent avoir entre les mains, pour leur prouver que oui elles peuvent tout faire (à condition d'avoir les capacités intellectuelles ou sportives requises, au même titre que les hommes) et qu'il devrait impérativement être présent dans tous les lycées.

Pour achever ce billet, une petite anecdote arrivée lorsque je travaillais avec mes élèves sur les discriminations .... En séance 1, observation de trois photographies, l'une sur un enfant en fauteuil roulant, l'autre sur Eunice Barber une athlète noire qui a remporté une médaille d'or aux JO et la dernière sur Claudie Haigneré une femme ministre et cosmonaute. Je passe sur l'étude des deux premières pour en venir à la dernière.
Les questions posées sous chacune des photos sont destinées à faire réfléchir rapidement les enfants (on reviendra dans d'autres séances de façon plus approfondie)  et il est vite ressorti qu'à cet âge encore tendre, les enfants très spontanément n'ont vu aucune raison pour qu'une femme soit ce qu'elle veut, même mon plus petit macho de la classe (c'est un genre qu'il se donne, cela me fait rire). Tout en étant déjà réalistes, car à la question : il est prouvé que les filles obtiennent de meilleurs résultats à l'école que les garçons mais qu'ensuite on les voit presque plus dans les hautes études ou certains métiers comme chirurgiens ou chef de chantier, pourquoi ? , une de mes élèves a répondu le plus naturellement possible
"- Parce que les hommes les empêchent.
Et là mon petit historien de rebondir :
- Bah ce n'est pas normal !"

Alors .... je ne m'estime pas féministe, je n'aime pas les étiquettes, cela m'ennuie profondément mais mon combat je le mène à ma manière et pour ma part c'est à l'école où je m'efforce de faire passer des valeurs de tolérance et d'égalité des sexes auprès de ces petits êtres qui un jour représenteront la France. Je crois même que certains d'entre eux prennent un chemin qui est des plus rassurants.
En tout cas les petites filles de ma classe sont traitées avec respect par les petits mecs en puissance et savent qu'elles peuvent faire aussi bien qu'eux ... quant aux multi-chemins qui sont ouverts devant eux, je leur explique que seuls eux peuvent se les fermer et non la société.

Je ne résiste pas à une dernière anecdote de ma petite féministe en puissance de ma classe.
Début d'année, ma collègue donne à ses élèves une poésie de Jean-Pierre Claris de Florian intitulée La guenon, le singe et la noix qui raconte comment une jeune guenon trouve une noix et la porte à sa bouche, ne parvient pas à la casser, se sent dupée parce qu'on lui a affirmé que les noix étaient bonnes et la jette ..... Passe par là un singe qui ramasse la noix, la casse entre deux cailloux et la mange. La moralité n'est pas que les hommes sont plus intelligents que les femmes mais que "Souvenez-vous que, dans la vie, Sans un peu de travail on n'a point de plaisir."
Et la gamine de 10 ans de s'écrier : "Et pourquoi c'est une femelle qui ne réussit pas ? ce n'est pas juste comme histoire, c'est nul" .... Dommage qu'elle soit si jeune, je lui aurais volontiers conseillé Guide des métiers pour les petites filles qui ne veulent pas finir princesses.
Quoique je ne m'inquiète pas trop pour elle, avec sa vivacité d'esprit et son caractère, elle ira loin cette petite ^^

Ailleurs
Vert ; Efelle ...