jeudi 17 mars 2011

Le Petit Prince : La planète du temps, adaptation de Fabrice Colin

C'est en découvrant le billet d'Olya sur le fameux Petit Prince (un chef d'oeuvre, à lire enfant, ado, adulte !) que je me suis rappelée celui que j'avais acheté au Salon Livre Jeunesse à Montreuil ... moins pour le titre que pour l'auteur qui n'est autre que Fabrice Colin.

Nous retrouvons les personnages connus de l'oeuvre de Saint Exupéry, à savoir le Petit Prince, son ami le renard, le serpent et la rose dans une nouvelle histoire .... Le Petit Prince et le renard, voyageant à bord de leur avion, continuent leurs visites des planètes pour les sauver du serpent et de ses idées noires (ce sont des créatures noires comme la suie qui attaquent en groupe)...
On retrouve les ingrédients habituels à savoir les messages de tolérance et d'amitié si bien décrits dans l'original .... mais très basiques dans l'adaptation.

Question nouveauté, le Petit Prince peut revêtir un costume d'étoiles et d'une épée magique qui lui permet de combattre les idées noires, il a aussi le pouvoir de donner vie à tout ce qu'il dessine. Pas de doute l'aspect fantasy et magie est passé par là .... Mais du coup le personnage de Saint Exupéry en perd tout ce qui faisait sa fraîcheur, son innocence, sa fragilité ... La Rose, quant à elle , est devenue très tolérante et patiente, attendant des missives de son Prince qui lui raconte ses aventures .....

Il s'agit là d'une adaptation en fait d'un film qui était destiné à passer à la télé (il existe actuellement en DVD, sorti en 2010), en plusieurs épisodes, adaptation donc d'une l'histoire déjà écrite et confiée à Fabrice Colin ...
Sauf qu'on ne retrouve Colin que par le nom, à peine quelques ébauches de sa façon d'écrire par ci par là, son humour par exemple :

"Tu ne peux pas arrêter ? J'essaie de me concentrer.
- Pardon d'exister."

Ou sa tournure de phrases :
"Tourbillonnant autour de l'horloge, les créatures formèrent bientôt un dragon grouillant d'ombres et de fer, qui crissait d'horrible façon".

Bon l'histoire je n'en dirai pas grand chose, cela s'adresse à des enfants d'environ 8 ans, c'est une adaptation d'un film donc la liberté d'expression en devient très réduite. Même si c'est très parfaitement et correctement écrit (avec un bon capital vocabulaire et un récit passé simple- imparfait).
Et c'est bien cette absence de libre arbitre littéraire ce qui m'a posé problème en découvrant ce petit livre, tout au long de sa lecture je me suis demandée : mais où est Fabrice Colin ?
J'ai eu la sensation qu'on l'avait empêché de donner libre cours à sa poésie, comme si le cadre trop strict de l'adaptation avait étouffé son écrit ... du coup c'est une bien pâle histoire qui en ressort ce qui me fait dire que visiblement Fabrice Colin est plus fait pour le libre cours à son imagination que pour la réécriture d'un scénario ..... Enfin en gros c'est gentillet, peut être dans l'ère du temps de l'enfance actuelle mais absolument pas dans la lignée de Saint Exupéry (et là je parle surtout du scénario original pas de l'adaptation en elle même).
Franchement déçue ....
J'aurais envie de conclure par : et si Fabrice Colin écrivait sa propre version du Petit Prince ?

Ailleurs
Yozone ; sous le feuillage

Ici, la BO

dimanche 6 mars 2011

Le Maître du Haut Chateau de Philip K Dick

Et si en fin de compte c'était l'Allemagne qui avait gagné la Seconde Guerre Mondiale, que ce serait-il passé ?
Dans cette uchronie de Dick, datant de 1962, les Alliés ont capitulé devant les forces de l'Axe et les Etats Unis ont été divisés en deux (on pense forcément aux deux Allemagne de la réalité de l'après 1945), l'est du pays est désormais sous la coupelle des allemands tandis que l'ouest a été attribué aux japonais ...
Quelques années plus tard, la vie a repris son cours ... les allemands visent la conquête du ciel, après avoir totalement anéanti l'Afrique, les japonais tiennent leur domination de façon passive mais froide.

C'est un livre très étrange, dans une ambiance feutrée dans laquelle les personnages évoluent lentement, en restant accès sur leurs ressentis et surtout ceux de leurs interlocuteurs, des autres personnes qu'ils vont être amenés à croiser .... Ils se posent sans cesse des questions sur leurs actes et ceux des autres, sur leurs façons de réagir, comme si toute spontanéité avait disparu avec la défaite .... J'ai eu vraiment la sensation qu'ils marchaient en permanence sur des oeufs tout au long de l'histoire.
Il faut dire que le récit de Dick est lent, très lent, comme posé lui aussi, dans une attente que quelque chose bouge, arrive, se passe ... On se sent presque hypnotisé en le lisant.

Au delà des personnages, deux livres ... tout aussi importants en fin de compte que les protagonistes
- le Yi King ou Livre des transformations, le Cinquième Livre de la Sagesse divine, un livre vieux de 5 000 ans, qui permet à l'aide de baguettes de voir si le chemin emprunté est le bon ou pas.
Je ne peux m'empêcher de songer à cette citation de Bordage dans Ceux qui sauront : " Croire au destin c'est renoncer à sa liberté d'être humain." Fatalement les personnages de Dick s'en remettent sans cesse à ce livre et n'ont en fin de compte aucune prise sur leur avenir, on les sent comme déshumanisés.
Ce qui fait d'ailleurs l'écueil de ce roman, il est très difficile d'accrocher à ce genre de personnages, de ressentir de l'empathie pour eux ...
L'exemple le plus flagrant étant le commerçant Childan dont tous les actes sont dictés par ce que peuvent penser les autres "Les aspirations, les terreurs, les tourments de Robert Childan surgirent devant lui, vinrent le submerger, lui paralyser la langue. La main crispée sur le téléphone, il se mit à bégayer."
Mais les autres protagonistes aussi, Frank Frink qui se lance dans son propre commerce, son ex femme Juliana, qui suit un italien rencontré dans un bar et finalement découvre ce qu'il trame., Monsieur Tagomi un japonais qui traite avec Childan. .. tous utilisent le Yi King et en marquent leur chemin. C'est presque effrayant.

- La sauterelle pèse lourd, un ouvrage écrit par Abendsen et qui retrace un "et si les Alliés l'avaient emporté ?", livre bien entendu interdit et pourtant largement diffusé, livre qui guidera en fin de compte les actes de Juliana, lui donnant à nouveau libre arbitre de sa vie.

C'est ce qui fait l'originalité justement du roman de Dick, il a écrit une uchronie dans l'uchronie ... nous lecteurs découvrons ce qu'aurait été le monde sous la victoire des allemands tandis que les personnages-lecteurs du livre que nous avons entre les mains découvrent, eux, à travers un autre livre, ce qu'aurait été le monde si les Allemands avaient perdu.
Cela donne une vision double des choses très intéressante.
Dick porte d'ailleurs un regard sur la folie des allemands qui donne froid dans le dos (voir la deuxième citation ci dessous).

En résumé, Le Maitre du Haut Château est un incontournable du genre uchronique, je serais curieuse de découvrir d'autres ouvrages de cet auteur qui m'a l'air totalement atypique dans sa façon de narrer les évènements et surtout dans sa perception des personnages.
Néanmoins j'avoue que ma lecture a été empreinte d'une certaine indifférente envers les personnages, vraiment pas attachants (en dehors de Juliana qui se révèle la plus vivante de tous), j'ai parcouru le livre de la même façon que les protagonistes affrontaient leur monde, de manière feutrée et qui n'accroche pas .... A des moments j'ai trouvé les propos de Dick très confus. Je pense que si j'ai pu le lire en entier sans sourciller c'est que j'étais dans un état de détente qui me permettait d'aborder ce genre de roman difficile. (les vacances cela aide !!!).

Ce livre a reçu le Prix Hugo du meilleur roman en 1963.
Je l'ai lu dans le cadre du Challenge Winter Time Travel de Lhisbei.

Citation
"Cet Abendsen. Je ne lui reproche rien. Il écrit ce que lui dicte son imagination, il essaie de se représenter ce qu'aurait été le monde si l'Axe avait été battu. Comment cela aurait-il pu arriver si l'Italie n'avait pas trahi ?"

"Ils veulent être les moteurs de l'Histoire et non pas les victimes. Ils s'identifient à la puissance de Dieu et se croient ses égaux. C'est le fondement même de leur folie. Ils sont dominés par un archétype ; leur égo s'est développé d'une manière psychopathologique si bien qu'ils ne peuvent dire où il commence et où la divinité s'arrête. Ce n'est pas de l'orgueil ; c'est une hypertrophie de l'égo jusqu'à un point extrême - jusqu'à la confusion entre celui qui adore et celui qui est adoré. L'homme n'a pas mangé Dieu ; Dieu a mangé l'Homme."

Ailleurs
Benjamin ; Cachou ; Traqueur Stellaire ; Lhisbei ; Val ; XL ; Julien le Naufragé ; Phooka ;