mardi 6 août 2013

L'écume des jours de Boris Vian

Cette lecture n'était pas prévue dans la mesure où je l'avais déjà découverte il y fort longtemps mais c'est en voyant le bel article de Lorhkan que j'ai eu envie de la relire.
Bien m'en a pris, j'avais déjà beaucoup aimé à l'époque, probablement enthousiasmée par le côté absurde du roman qui m'était étranger jusqu'à alors et par l'histoire d'amour désespérée. Il arrive que l'on soit déçu lorsqu'on redécouvre un livre aimé, ce ne fut pas le cas cette fois-ci.

Pour résumer rapidement, car tout de même c'est un classique, L'écume des jours est une sorte de dystopie de l'amour : l'amour tragique entre Colin, jeune homme riche, vivant sur sa fortune et refusant de travailler (le travail c'est avilissant, c'est dégradant dans cette société), passionné de jazz et de philosophie (notamment des écrits de Jean-Sol Partre) et Chloé belle jeune fille, fragile, éthérée, qui développe une étrange maladie dans son poumon.
Et l'amour désespéré entre Chick et Isis, un amour décalé parce que le premier tombe dans les affres de sa passion pour Jean-Sol Partre, au point de tout gâcher.

Ces personnages gravitent dans un monde totalement, follement absurde, où tout peut prendre vie, où un appartement peut se modifier au grès des humeurs ou du malheur de ses occupants, un milieu dans lequel la mort, sous toutes ses formes, cruelle, inquiétante, curieuse, tient une grande place. C'est un univers presque angoissant que présente Boris Vian, sans nos repères habituels, avec à la fois beaucoup de poésie (les éclats de soleil dans l'appartement de Colin par exemple), beaucoup de cruauté (les mises à mort diverses, les hommes travailleurs exécutant d'étranges et pitoyables métiers) et une certaine touche d'horreur (l'approche de l'hôpital notamment) .... inquiétant aussi parce qu'en sous-jacent, à chaque instant, on a la sensation d'un malheur imminent.
Et en contre-partie avec tout ce côté un peu oppressant, on rencontre une certaine légèreté due à l'apport de la musique car le jazz tient une grande part dans l'histoire, je trouve le pianocktail de Colin absolument fabuleux, cette musique est à la source de la rencontre entre Colin et Chloé, elle est présent au cours de leurs réceptions, mies en exergue par les protagonistes qui l'adorent au plus haut point. Mais cette légèreté ne l'est pas tant que cela lorsqu'on repense à l'omniprésence du jazz à l'époque de l'esclavage, comme s'il s'alliait avec le malheur et la mort.

Quant au roman d'amour lui-même, tout le côté tragique de ces deux histoires en parallèle contribue à l'ambiance sombre de l'histoire .... On pressent qu'entre Colin et Chloé, parce que tout commence de façon idéale, un fol amour passionné, cela ne pourra pas durer, et le récit nous mène, peu à peu, par petites touches, au tragique ... La maladie elle-même de Chloé, à l'image du monde absurde et imaginaire de Vian, semble être une sorte de maléfice contre lequel il sera dur de lutter .... encore plus monstrueux lorsqu'elle s'attaque à un être qui semble si faible, si doux. Le tragique réside aussi dans tout le combat désespéré de Colin pour l'aider, il ira même jusqu'à travailler pour avoir les moyens de la sauver.
L'autre histoire d'amour parait encore plus triste .. ainsi ces deux êtres Chick et Isis, dont les routes finissent par se séparer, parce que le premier, tout entier tourné dans sa passion, en arrive à négliger l'aspect essentiel de leur relation, et se convaincre que c'est ce qu'elle veut, tout en ressentant de la tristesse.

Au final ce roman de Boris Vian, poétique, vrai et fort, dans un univers fantastique qui dénonce par mal de travers de la socitété, est une sacré claque, même des années après l'avoir déjà lu. Un livre riche que je conseille à tous !

Extraits
Les jeux des soleils sur les robinets produisaient des effets féériques. Les souris de la cuisine aimaient danser au son des chocs des rayons de soleil sur les robinets, et couraient après les petites boules que formaient les rayons en achevant de se pulvériser sur le sol, comme des jets de mercure jaune.

Puis il fit un signe de croix car le patineur venait de s'écraser contre le mur du restaurant, à l'extrémité opposé de la piste, et restait collé là, comme une méduse de papier mâché écartelée par un enfant cruel.
Les varlets-nettoyeux firent, une fois de plus, leur office et l'un d'eux planta  une croix de glace à l'endroit de l'accident. Pendant qu'elle fondait, le préposé passa des disques religieux.

 Ailleurs

Lu dans le cadre du Challenge My Summer of( SFFF) Love de Vert.

6 commentaires:

  1. Très intéressant! La bande-annonce du film m'avait complètement rebutée mais tu me donnes plus envie de me pencher sur cette lecture.

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    1. Je crois qu'il faut zapper le film, au vu de ce que j'ai pu lire par ci par là, par contre le livre, fonce, c'est tout de même un sacré classique et cela vaut la peine d'être lu :)

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  2. Ravi de t'avoir poussée à cette relecture ! :)

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