vendredi 2 août 2013

Enola Game de Christel Diehl

Une jeune femme et sa petite fille vivent enfermées dans leur maison après le passage d'un cataclysme que la femme a nommé "Enola Game" comme le nom de l'avion qui a largué la première bombe A sur Hiroshima.
De cette catastrophe, si ce n'est l'onde de choc, des déflagrations et une grande lumière, elle se sait rien .... L'électricité a disparu immédiatement, les moyens de communications ont suivi. Dehors des soldats, habillés comme des cosmonautes, passent dans les rues, à bord de tanks pour déposer sur chaque seuil des maisons de la boisson et des denrées ... Un message diffusé en boucle annonce qu'il faut rester à l'abri, que la concentration des particules toxiques dans l'atmosphère va finir par diminuer graduellement ....
A l'intérieur de la maison, la femme s'organise pour survivre, son enfant qu'elle appelle "la petite" (cela ne vous rappelle rien ?) devient sa priorité absolue. Heureusement son compagnon (dont on ne sait plus rien) était du genre à faire des stocks et elles peuvent ainsi vivre sur leurs réserves quelques mois ....

Mais à l'extérieur le danger rôde ...les quelques nouvelles du monde reviennent chaque jour un peu plus alarmantes .....

Comme signalé entre parenthèses quelques lignes plus haut, on ne peut s'empêcher de songer à La Route de Mc Carthy, à la différence qu'il ne s'agit pas cette fois-ci d'un cheminement sur des chemins incertains, dans un monde  terrifiant d'un homme et son fils, mais du cheminement intérieur d'une femme obligée de rester cloitrée dans sa demeure avec sa petite fille (un peu comme dans Les enfants de Noé, sauf qu'il s'agissait là d'une famille prisonnière de la neige, mais qui va survivre de la même manière sur des provisions miraculeusement présentes en quantité non négligeable).

Enola Game a pour fond la catastrophe dont on ne sait la nature exacte : un accident nucléaire, un conflit mondial, une guerre civile ? Pour autant il n'en constitue pas le sujet principal, on ne peut pas dire que c'est exactement un livre post apocalyptique (bien qu'évidement le seul fait qu'il y ait eu cataclysme le range dans cette catégorie) parce la trame, plus que la survie, est tout le louvoiement de la mère entre sa douleur, ses souvenirs magnifiés d'une vie qui a disparu et sa volonté de donner un sens à la vie de son enfant ......

Le roman est très morcelé, entre les moments où le récit se base sur la survie du couple et ceux où la femme part dans sa mémoire et ses pensées réminiscentes .....En se confiant dans un journal intime, elle trouve la force de faire face à ce qui lui arrive .... tout en laissant prise aux souvenirs qui l'assaillent, liés à chaque geste quotidien de survie ....
C'est un voyage intérieur, une autre façon de concevoir les choses et la vie loin des communications et modes d'échanges dont on peut être noyé sans s'en rendre compte.
Tout ce qui apparaissait si important dans une vie normale -internet à haute dose, l'écoute indispensable de musiques sur i Pod, la dépendance à une certaine superficialité de la vie - devient complètement futile lorsqu'on est confronté à une catastrophe. Cela remet bien les choses en place.

 "Elle n'est plus jamais parvenue à téléphoner. Toutes les lignes sont désormais muettes. Parfois, elle arrive à rire d'elle-même en pensant au dilemme qu'elle n'avait pas réussi à résoudre, quelques jours avant Enola Game. Elle hésitait alors entre deux smartphones portant des noms qui évoquaient le métal brossé et le concentré de technologie."

" Elle observe le petit parallélépipède rectangle où sont emprisonnés tous ces sons que n'en sortiront peut-être plus.  Ces sons gratuits qu'elle finissait par trouver trop nombreux. Ces sont virtuels qui s'enchevêtraient pour créer une cacophonie hideuse dans sa tête de vieille adolescente trop gâtée."

Enola Game est un roman riche syntaxiquement qui se lit bien .... sauf que justement c'est le côté "riche syntaxiquement" qui m'a gênée ... J'aime les écrits riches et bien formulés, les belles tournures de phrases, le vocabulaire foisonnant ... mais je les aime lorsqu'ils sont naturels et non forcés comme j'en ai eu la sensation dans ce livre là.
Comment dire ..... Christel Diehl est un écrivain qui sait manier la langue française ....sauf qu'il n'y a aucune spontanéité dans son écrit, j'ai eu la sensation de quelqu'un qui veut trop bien faire, trop bien rédiger ... Du coup cela donne une lourdeur dans le récit alors qu'à la base c'est bien écrit. En en faisant trop dans la beauté de l'écrit, on finit par l'enlaidir et le rendre presque désagréable à parcourir.

"Elle est relativement stoïque dans l'adversité, mais elle n'ose pas imaginer ce qui se passerait si la petite tombait malade. Elle sent intuitivement que sa belle façade de courage s'écroulerait comme un décor de carton-pâte renversé par un méchant coup de vent."
 
Du coup les sentiments sont figés dans cet écrit trop élaboré et les personnages n'en deviennent pas du tout attachants, je n'ai absolument été ni transportée, ni effrayée par une situation qui pourtant est plus qu'anxiogène. J'ai été à mille lieues de La Route où l'univers angoissant m'oppressait, où je vivais chaque instant de la survie du père et de son petit avec la trouille au ventre. Là malheureusement rien de tout cela, tout l'aspect inquiétant de la situation est gommé par cette façon de livrer ce chemin intérieur de la part de l'auteure.

Alors qu'avec un peu moins d'effort dans l'écriture, un peu plus de spontanéité, de sentiments naturels, le roman aurait vraiment pu être marquant.

Dommage ...

Ailleurs
Quelques avis beaucoup plus positifs : carnet de lecture ; Mille et une pages ; Les livres d'Agathe ....

6 commentaires:

  1. C'est de la littérature jeunesse ou bien pas du tout ? C'est la couv qui me fait penser ça.

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  2. C'est fort dommage ce problème stylistique. :( La première partie de chronique donnait très envie...

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    1. Le roman en lui même est vraiment intéressant, après il est vrai que le soucis de rédaction est vraiment gâcheur du tout.

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  3. Ah oui c'est dommage ce problème d'empathie sur un roman qui semble se baser là-dessus... Ta chronique partait bien pourtant, et puis badaboum...
    Content de te relire en tout cas ! ;)

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    1. Merci ^^
      Oui cela parait bien comme le thème du livre, la façon dont c'est traité et puis d'un coup le style m'a vraiment paru trop lourd pour que je rentre dedans.

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