mercredi 3 décembre 2014

Sa Majesté des Mouches de William Golding

Comme dit dans mon précédent billet, sur PiXel noir de Jeanne A DEBATS, j'ai eu envie de me replonger dans ce roman lu il y a au moins 20 ans et qui m'avait  marquée à l'époque.
Tel celui de Jules VERNE, Deux ans de vacances, l'auteur nous présente une bande de gamins d'entre 6 et 15 ans, qui, échoués sur une île déserte et livrés à eux-même sont bien obligés de s'organiser pour survivre.
Rapidement ils élisent un chef, Ralph et décident du rôle de chacun : tenue du feu pour signaler leur présence, construction de cabanes et chasse ou pêche .... sauf qu'il n'est pas si facile de s'y tenir et bientôt des rivalités, des désaccords entre les enfants, notamment entre l'autre potentiel chef, Jack, et le chef actuel se révèlent et conduisent à de véritables atrocités ..... Ces jeunes redeviennent des sauvages ni plus ni moins avec des scènes d'une brutalité inouïe.
Le roman est suffisamment bien construit pour passer d'une apparente douceur de l'enfance, des joies de plage, de baignade, à une sorte de violence primitive et absurde, c'est réellement glaçant.

Tout au long de ma relecture, j'ai pensé au roman de Jules VERNE qui est son parfait antagoniste et me suis demandée qui des deux auteurs aurait eu raison lors d'un véritable naufrage d'enfants ..... Il est certain que j'aurais tendance à penser naturellement à celui de GOLDING qui, du coup, rend encore moins crédible Deux ans de vacances ( ce qui ne lui enlève aucunement sa qualité romancière).
Il s'agit dans les deux cas d'enfants anglais, mais à deux époques différentes, en effet Deux ans de vacances se situe en 1860 alors que Sa Majesté des Mouches se passe durant la Seconde Guerre mondiale (on y évoque vaguement les conflits) ..... Dans le premier roman, il s'agissait d'enfants d'un collège, des enfants extrêmement bien élevés et polis, qui se vouvoient .... il n'en est rien dans le second dont les enfants ressemblent beaucoup plus à ceux d'aujourd'hui.

Dans les deux, on assiste de prime abord à une tentative d'organisation et de partage des tâches, ensuite commencent à subsister des conflits entre les enfants. Sauf que dans Deux ans de vacances, ces rivalités restent sur un registre relativement serein (de plus tous les enfants finiront pas se liguer contre un véritable ennemi, ce qui renforcera leur cohésion) et que l'organisation décidée dès le début tient et leur permet de vivre deux ans ..... Sa Majesté des Mouches a une durée de quelques jours et les choses dégénèrent très vite, l'organisation ne tient pas, les plus petits préfèrent jouer, nus et libres dans les vagues, hors de toute responsabilité, redevenant de petits animaux, pendant que les plus grands se déchirent pour savoir qui du feu ou de la chasse est le plus important ... sans oublier que l'on bascule dans une véritable violence par la suite.

Là où Jules VERNE reste très romancé, très politiquement correct et du même coup, impossible en réalité (à moins que vraiment les enfants d'autrefois avaient des qualités extraordinaires de création de société égalitaire mais j'en doute), Sa Majesté des Mouches démontre bien les conséquences d'une vie en collectivité non régie par des règles .... J'aurais envie de dire non régie par des adultes .... mais il est prouvé que des adultes, livrés à eux-même, se comporteront aussi, dans les mêmes conditions comme des sauvages ... sauf s'ils sont responsables d'enfants, ce qui les amènerait à construire une société crédible.
On y assiste d'ailleurs dans Ravage de BARJAVEL où une société se reconstruit complètement après la fin du monde mais dans une sorte de primitivité parce qu'il est établi que c'est la modernité et le progrès qui ont conduit à la catastrophe. Mais en aucun cas dans ces romans mettant en scène des enfants livrés à eux-même, on assiste à cette utopie présente dans Deux ans de vacances (c'est aussi ce qui fait le charme de ce livre car on se prend à rêver d'une vie de Robinson aussi attirante, du moins jusqu'à l'arrivée des hommes dans l'île).
PiXel noir n'y fait pas exception bien sûr et il est intéressant de voir à quel point Jack et Damon sont semblables dans leur bestialité. Celle-ci est rendu de manière encore plus dramatique dans Sa Majesté des Mouches, en tout cas beaucoup plus sanglante que dans PiXel noir où les "ennemis" du régime instauré disparaissent dans une sorte de vortex (mais au final meurent aussi).

En tout cas,  vingt ans après ma première lecture, Sa Majesté des Mouches me fait toujours la même impression : c'est un livre qui effraye ( terreurs sous jacentes faisant référence aux peurs enfantines et réelles peurs de la part primitive présente en chaque être humain qui peut ressortir à n'importe quel moment) et qui montre les enfants, ces petits anges à tête blonde, sous un aspect inquiétant et monstrueux.
Tiens cela me rappelle une publicité pour une marque de gâteaux (Petits Ecoliers je crois) qui montrait un adulte piquant un gâteau à des enfants, lesquels l'entourent avec un air fort menaçant.
En tout cas il n'y a qu'à voir des cours de récréation d'écoliers ou pire des cours de collège pour comprendre que les enfants et les adolescents peuvent être extrêmement violents s'ils sont livrés à eux-mêmes ..... Quant à certains adultes, ils n'ont visiblement pas dépassé cette phase.

Pour conclure, un petit passage de Jean-Jacques ROUSSEAU tiré de Emile ou de l'éducation, qui avait une visions assez pertinente de l'enfance :
"La raison seule nous apprend à connaître le bien et le mal. La conscience qui nous fait aimer l'un et haïr l'autre, quoique indépendante de la raison, ne peut donc se développer sans elle. Avant l'âge de raison, nous faisons le bien et le mal sans le connaître ;  et il n'y a point de moralité dans nos actions, quoiqu'il y en ait quelquefois dans le sentiment des actions d'autrui qui ont rapport à nous. Un enfant veut déranger tout ce qu'il voit : il casse, il brise tout ce qu'il peut atteindre ; il empoigne un oiseau comme il empoignerait une pierre, et l'étouffe sans savoir ce qu'il fait."

4 commentaires:

  1. Je l'ai jamais lu mais on a étudié des extraits en anglais et on a vu l'adaptation en film, c'est juste glaçant comme roman ! (et tellement juste en plus...)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Oui glaçant c'est bien le nom, et avec très peu d'éléments quand on y pense ... Comme quoi distiller la terreur est tout un art.

      Supprimer
  2. Ha j'avais la vague notion que ce livre était dur mais je ne savais pas du tout de quoi ça parlait et en quoi ça pouvait être dur exactement. Lol. J'y songerai un jour où je trouve que je suis un peu trop contente de vivre et ai envie de remettre les pieds sur terre. ^^

    RépondreSupprimer
  3. L'antagonisme avec "Deux ans de vacances" est effectivement frappant (ce qui n'empêche pas les deux d'être de bons livres).
    Je crois que je n'oublierai jamais la scène avec la tête de cochon...

    RépondreSupprimer