jeudi 17 janvier 2013

Exodes de Jean Marc Ligny

"Le réchauffement climatique s'est emballé au point que la Terre devient une planète hostile à la vie. "

Pour le moins hostile effectivement ..... tempêtes, tornades, orages d'une violence extrême et en même temps une sécheresse qui s'est installée presque partout entraînant la famine et le manque d'eau mais aussi l'arrivée de maladies tropicales (paludisme, bilharziose ....) qui achèvent de décimer la population .... 

Une population en exode ... partagée entre ceux qui tentent de survivre, ceux qui finissent de tout détruire par le feu, la purification extrême d'une planète en perdition qu'il faut achever à grands coups d'incendies et de tueries : on les appelle les Boutefeux, sorte de délinquants néandertaliens, et ceux qui dévorent les autres : les Mangemorts qui vivent cachés dans des caves ou des tunnels, ne surgissant qu'à l'ombre de la nuit, les visages creusés, les yeux hantés. 
Sans oublier une jeunesse, dernière représentative de l'humain de demain, qui se sait être la dernière et brûle la vie par les deux bouts : drogue, dépravation, orgies ... une jeunesse sans lendemain.
"Ils n'ont rien à se dire, rien à sourire, rien à souffrir, rien à s'offrir hormis leurs corps encore juvéniles et leurs âmes mises à nu parfois, au profond d'une ivresse ou d'une défonce un peu rude. Bée alors l'angoissant abîme, le vide terrifiant d'un no future absolu, inéluctable. Car tous sont persuadés qu'ils sont la dernière génération, celle que la Terre, dans un ultime accès de colère, balaiera de sa surface. Alors à quoi bon ? A quoi prévoir, espérer, tirer des plans sur la comète ? Qui sera encore là pour la voir passer la comète ?"

En outre, il n'y a plus de gouvernement, plus d'Etat, juste des humains qui se déplacent pour chercher un lieu moins pire que celui où ils vivent.

Et dans tout ce désastre Jean Marc Ligny nous propose de suivre le destin de 6 personnages :

- Pradeesh Gorayan qui fait partie, avec sa femme et sa fille, d'une population nantie vivant sous cloche : en réalité un dôme immense qui abrite ceux qui ont des capacités ou des compétences utiles, qui recrée les conditions de la vie d'autrefois : nourriture, eau, moyens de communications, verdure ..... Le tout protégé des intempéries extérieures. C'est que Gorayan est protégé par son métier de chercheur scientifique, travaillant sur un projet ultra-secret.

- Mercedes Sanchez une dévôte fanatique, réservant ses dernières forces au secours des plus démunis, au détriment de sa propre santé, dans la foi de Dieu, qui est choisis pour accompagner le Père Garcia pour l'enclâve du Vatican

- Paula Rossi, qui accompagnée de ses deux enfants, dont l'un est très malade chercher désespérément un médecin qui le soignerait, prête à tout pour ses enfants, à vendre son corps ou son âme pour de si précieux médicaments.

- Fernando, le fils de Mercedes, un révolté qui va rejoindre la tribu des Boutefeux, dans l'intention de tout annihiler, sa mère en premier, par folie, par vengeance, dans une destruction faite de violence dénuée de pitié.

- Mélanie Lemoine, dégoûtée de la race humaine, qui consacre ses dernières forces à sauver ce qu'il reste des animaux, pourtant en voie de disparition, qui cultive un tout petit coin de "paradis" peuplé de quelques survivants à poils et à plumes.

- Olaf Eriksson qui fuit, avec sa femme, les ïles Lofoten en Norvège où peu à peu les recos, après les Guerres d'Immigrations, (des immigrants à la recherche des derniers coins de vie de la Terre) s'infiltrent et font la loi, pour tenter de trouver un autre endroit épargné par la folie des hommes .... à l'autre extrême du globe.

Tous ces personnages vont cheminer, tenter de survivre à l'horreur, et certains seront amenés à se croiser, voire se fréquenter ....

Après Aqua dans lequel Ligny se livrait déjà à un roman d'anticipation écologique, Exodes va au plus profond de l'horreur d'une planète est en train d'agoniser ... C'est un roman atroce, encore plus que ne l'était son premier, qui pourtant valait déjà des sueurs froides. Dans celui-ci, il n'y a plus la moindre once d'espoir, c'est une désolation d'un bout à l'autre, au fil du récit qui nous amène à comprendre que quoique fassent les humains, tout est enclenché et aucun retour en arrière n'est possible. La fin vient clore évidement de la façon la plus pessimiste possible ce non espoir.

J'ai eu la sensation de revivre ma lecture de La Route, bien que le sujet ne soit pas tout à fait le même, je fais une nette différence entre ce dernier qui plongeait dans le post-apocalyptique et Exodes qui reste sur de l'anticipation ... quelque chose de possible ce qui le rend d'autant plus terrifiant ... Car les points communs entre les deux romans, en dehors du manque d'espoir possible, réside dans la peur .... Certains humains devenus dégénérés -tels ceux qui profitent du désastre de Ravage pour piller et tuer dans le roman de Barjavel - sont de véritables monstres sans plus aucune trace d'humanité, soit ils bouffent les autres, soit ils les achèvent ... Une espèce de guérilla qui entreprend une sorte de reset de la Terre : puisqu'elle est perdue, autant activer les choses, détruire les derniers vestiges de l'humanité pour la nettoyer.

"Un jour Cortèz lui a expliqué, dans un accès de lucidité, que la nature est comme un ordinateur géant que trop de virus - les humains - ont totalement bugué et qui se reformate, ce qui implique l'effacement de toutes les données - y compris les virus -, mais après il va vachement mieux tourner, avec un système d'exploitation tout neuf."

Autant dire que c'est un roman terriblement et profondément déprimant .. d'autant plus que l'on comprend qu'il est réalisable dans un futur lointain (pas si lointain que cela) et que l'on n'a pas du tout mais pas du tout envie de vivre cela un jour .... En même temps, le récit ne laisse pas de prise à l'ennui, j'ai été prise dedans d'un bout à l'autre, ce qui fait qu'au final je l'ai lu très vite, en le vivant au point que certaines de mes nuits ont été peuplées de cauchemars !

Ce roman est lu dans le cadre du Prix Une Autre Terre qui sera remis aux Imaginales 2013.

Ailleurs

4 commentaires:

  1. Hé ben dis donc, pas joyeux tout ça... Et pourtant, ça me semble être malgré tout une lecture importante ! Ca tombe bien, il est sur ma PAL.
    Je vais pouvoir cauchemarder moi aussi, et peut être prendre conscience encore un peu plus de certaines choses...

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  2. Un roman que j'avais littéralement adoré et dévoré ! Comme je te le disais sur mon blog, il m'en reste des souvenirs (moi qui suis du signe du poisson rouge), des images dans ma tête quand j'imagine Olaf et sa femme en bateau au-dessus de la Hollande, ou dans la ville où ils passent, ou encore ce soleil de plomb... Marquant !
    Lorhkan, il y a urgence là !

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  3. Je viens également de le terminer. J'ai bien aimé, même si c'est très déprimant car trop réaliste. Sauf peut-être sur la montée en chaleur de l'Europe centrale, où il est souvent fait mention d'un ciel de plus en plus chargé, beaucoup de pluies et une température plus froide (arrêt du Gulfstream). Mais on s'en fiche de ça, ça marche très bien et j'ai été assez scotché. Je fais mon billet prochainement et ferai un lein vers toi! ;-)

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  4. Les Boutefeux font vaguement penser aux Cavales de Gueule de Truie. Ça parait tellement aberrant ce genre de comportement ... Bon je suppose qu'il faut de toute pour faire, pardon détruire, un monde.

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