mercredi 15 décembre 2010

Une seconde avant Noël de Romain SARDOU

Dans une Angleterre pauvre et misérable des années 1850, Sardou nous pose un décor à la Dickens .. sauf que ce n’est pas Dickens .. Certes les ingrédients sont là, l’enfant malheureux et innocent sur qui le sort s’acharne (accusé de vol, de complicité d’assassinat …), l’orphelinat dirigé par une mégère, l’exploitation ignoble des enfants, leurs morts qui n’émeuvent personne … mais on ne se laisse pas prendre … probablement parce que sans cesse l’auteur nous invite à nous interroger, nous prend par la main pour nous montrer telle ou telle chose ..

Intention louable probablement pour nous faire entrer dans l’histoire, pour nous la faire partager sauf que pour moi cela a l’effet totalement inverse : une mise à distance immédiate …
Selon moi le principe même de la lecture est l’imaginaire, le rêve, les non dits …. Si on nous guide, comment se faire ses propres images, ses propres ressentis ?
Un petit exemple
« […] ne trouvant aucune nouveauté assez sévère pour le garçon, elle résolut de lui faire appliquer toute sa panoplie en même temps (il s’agit de sévices corporels et de privations). Je vous laisse deviner la nuit que passa le pauvre Harold »

Cette dernière phrase destinée à émouvoir sur ce qui attend justement cet enfant a eu l’effet totalement contraire sur moi, je m’en suis dégagée immédiatement, le fait qu’on me force la main pour ressentir de la compassion m’empêche justement d’en avoir.

Et ce n’est pas le pire, l’auteur nous invite carrément à survoler la scène, sans métaphore, nous sommes en l’air, « Le lecteur, étant assez haut pour ne rien perdre du la scène, pourrait alors se poser la question soufflée depuis quelques lignes par l’auteur : mais que se passait-il ? »
Euh … sincèrement je me suis posé la question de savoir si Sardou prenait ses lecteurs pour des imbéciles …

Et sous peu qu’on parvienne à oublier qu’on est sans les airs à observer la scène, pour justement prendre l’initiative d’entrer dans l’histoire, il s’empresse de nous rappeler à notre tâche de simple observateur quelques pages plus loin : « Non, je n’ai pas oublié mon lecteur témérairement lâché à cinquante pieds au –dessus du sol de Cokecuttle, et qui –hormis grave insoumission de sa part- n’a pas encore posé reposé le talon sur terre depuis le début de ce récit . »
Si justement moi je suis une insoumise, car depuis le temps, j’avais bel et bien oublié que j’étais sensée rester en l’air à contempler tout cela ….
Drôle de procédé … sans parler des ses incessants bonds en avant dans l'histoire pour revenir ensuite en arrière pour une explication, donnée à grand renfort de "cher lecteur je vais enfin vous dire ce qui se passe, reprenons notre histoire !" .... OMG !!!!!

Ce qui est fort dommage car l’histoire à la base aurait pu être intéressante, dans un monde déserté par les fées, les lutins, les anges …. à cause des hommes qui ont tenté de s’approprier le Pouvoir de tous ces êtres fantastiques, un génie doit recréer la magie de Noël à travers un petit garçon.
Mon âme d’enfant aurait pu se réjouir de ce conte de Noël s’il n’avait pas été sans cesse pollué par les interventions de l’auteur, ses réflexions, ses explications inutiles, ses commentaires ….

Extraits
J’ai eu le plus grand mal à ressortir un extrait qui aurait pu traduire un certain esprit de conte de Noël :
« Le paysage était sans équivalent : la lune réfléchissait son éclat argenté sur une mer de nages blancs, loin au-dessous du traineau. Harold assistait à un ballet étourdissant d’étoiles filantes, figées en pleine descente. Temps suspendu, le ciel était splendide. »

Les citations ayant retenu mon attention sont malheureusement celles qui m’ont exaspérée le plus
"Bon. Là, cher lecteur, tu te demandes si l'auteur n'aurait pas eu jusqu'à présent deux ouvrages en préparation ; d'abord un conte à la sauce dickensienne, puis un autre roman fantastique et affranchi de tout réalisme ; et si, par l'esprit fatigué du même romancier, ces deux histoires ne se télescoperaient pas sous tes yeux, s'emmêlant d'une façon révoltante. Eh bien non !"

« Cher lecteur, si je t’invitais à reprendre ta position suspendue au-dessus du sol comme au début de notre aventure (nous en avons fait du chemin depuis les toits de Cokecuttle, n’est-ce pas ?), eh bien, une nouvelle fois, tu n’en croirais pas tes yeux ! »

Puis me permettre de dire : "cher auteur, si tu avais pu me laisser découvrir ton roman en toute liberté, sans contraintes, sans aide (je sais lire merci, même entre les lignes !), avec mon imaginaire, j’aurais probablement passé un bien meilleur moment ?"

6 commentaires:

  1. Oui on pourrait dire cela comme ça :p

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  2. Ce livre me disait à la base ... mais je crois que je vais passer mon tour ^^

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  3. Le bouquin me disait rien à la base et il me dit toujours rien maintenant. Merci Endea :D

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  4. eh bien eh bien eh bien, je fus nettement plus indulgente...

    Cette façon d'interpeller le lecteur ne m'a pas braqué autant que toi, même si ça na m'a pas plu non plus les premières fois, après je laissais passer et ça me semblait faire partie du "Dickens-like"...

    Cela dit ça me donne une furieuse envie de me remettre à explorer Dickens, mais avant ça je vais récidiver avec Sardou par "Sauver Noël" ^^

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  5. Alors je vais aller voir ton billet :)
    Pour ma part Sardou c'est fini xD

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