vendredi 27 décembre 2013

Coeurs de rouille de Justine Niogret

En tout premier lieu, deux remarques :
- surtout ne pas lire la quatrième de couverture qui d'une part comprend un élément erroné de l'histoire et d'autre part spoile complètement la fin, c'est une honte ! Heureusement que je l'ai parcourue comme à mon habitude sans imprimer, cela aurait été dommage et m'aurait évitée une véritable surprise et même une exclamation en lisant.
- je n'aime pas mais alors pas du tout la couverture, certes elle traduit bien le côté porcelaine des golems mais je la trouve affreuse, tout simplement moche ....

Fin de la parenthèse "remarques" .... Après Chien du Heaume, Mordre le bouclier et Gueule de truie, Justine s'essaye à la littérature jeunesse .... quoiqu'en matière de jeunesse, je pense qu'il faut avoir déjà un certain âge ou une certaine maturité pour aborder ce monde cruel, sombre et sale. A ne pas mettre dans les mains de tous je pense .... Ce qui est "marrant", c'est que paradoxalement, il m'a beaucoup plus effrayée que "L'enfant des cimetières" de Sire Cédric (lu juste avant) qui logiquement aurait du me faire flipper.
Or en matière d'angoisse, j'ai trouvé tout de même ce roman de Niogret haut de gamme !
Son personnage qui ouvre le bal par exemple .... Pue-la-Viande, encore un nom lourd de sens comme elle aime à les trouver ... Ce golem a goûté au meurtre et revêt véritablement un côté effrayant, oppressant ..... générant une sorte d'ambiance glauque et sinistre à chaque fois qu'il intervient ...

" - Vous êtes entrés chez moi.
La voix était terrible ; sortie de ce bec pas plus gros que l'ongle, pleine de limaille de fer, et pourtant elle sonnait comme un marteau sur une enclume. Ni Saxe ni Dresde ne répondirent."

Mais je m'égare .... Dans Coeurs de rouille, sorte de roman post-apocalyptique,  ( à supposer car rien ne nous en donne vraiment la preuve), le jeune Saxe un matin se réveille en présence de Dresde une golem à la recherche de ses souvenirs. C'est qu'auparavant, il y a fort longtemps ces sortes d'automates évolués travaillaient aux côtés des humains avant que ceux-ci les détruisent parce qu'ils les trouvaient dangereux au profit des agolems juste bonnes à obéir aveuglément avant aussi que la porte de la cité ouvrant sur le monde ne soit définitivement fondue et scellée. Ces deux êtres que tout sépare décident pourtant de tenter de sortir de la Cité - cette Cité métallique, sale, remplie de cadavres de golems, vide d'humanité- mais pour ceci il faut fuir cet autre golem Pue-la -Viande qui  les traque impitoyablement.

Comme je l'ai dit précédemment, l'univers de Justine Niogret est particulièrement sombre et angoissant, à chaque moment j'ai été sous tension, à chaque chuchotement de la voix du monstre (car on ne peut guère taxer autrement ce golem fou), je sursautais .....Au fur et à mesure que Saxe et Dresde s'enfoncent dans les profondeurs de la cité, pris par leur quête, la peur latente se fait de plus en plus oppressante.
Justine Niogret signe là son roman le plus noir à mon sens, plus noir encore que Gueule de Truie, du fait de son atmosphère terrifiante et de manque d'espoir et de vie.
On retrouve aussi ce style fort qu'elle utilise, ce style qui au travers de mots, vise juste et vrai ... Je ne me suis pas sentie aussi touchée que dans Chien du Heaume par ses phrases chocs (telles que "Je ne survivrai ni dans le regard ni dans les rêves de ceux que je laisse derrière moi ; je suis seule") mais ses mots portent toujours aussi ardemment.

J'aime énormément la façon d'écrire de Justine Niogret la justesse de ses propos et l'analyse des sentiments de ses personnages ... une analyse d'autant plus intéressante qu'elle met en valeur là un individu censé ne rien ressentir .... Et c'est ce que j'ai trouvé de plus passionnant dans ce roman, le décalage entre l'humain, jeune, faible, en proie aux sensations et ressentis et entre l'automate, froid, dépourvu d'émotion, fort et qui pourtant protège son compagnon .... Dresde n'est qu'une sorte de robot et en dépit de cela elle prend soin de Saxe mieux que personne ne l'a jamais fait, elle le protège, le guide ..... Et le garçon, lui, de se mettre à éprouver des sentiments proches que ceux que l'on peut ressentir pour un être de chair et de sang. Saxe hurle .... en réalité et en silence, il est avide d'amour et de compassion, d'aide et de soutien, et c'est un automate, sans sentiment, qui parvient à les lui procurer.

En même temps le roman aborde intelligemment la façon dont sont traités ces robots, sous prétexte qu'ils ne ressentent rien, le mépris que ressentent les humains à leur égard, cette façon de se servir d'eux et de les jeter ou de les détruire sans état d'âme. Cela me fait fortement penser à une scène du film A.I. lorsque les automates sont jetés dans une sorte d'arène, victimes de jeux horribles où on les détruit atrocement tandis que le public jubile et se réjouit. De quoi mettre très mal à l'aise face à ces personnages certes faits de métal ou de porcelaine (dans Coeurs de rouille) et qui pourtant parlent et se comportent comme des humains .... et peut-être souffrent ? et qui sont traités comme des moins que rien ....

Parce que Dresde en arrive à être un personnage attachant, tout comme Pue-la-Viande génère la terreur ..... donc des sentiments, que Saxe, lui, perçoit ou veut encourager.

"Si tu meurs, dit Dresde, tu ne me manqueras pas. Tu ne me manqueras pas plus qu'elle. Je ne pleurerai pas. Je ne penserai pas à toi en tenant mon visage entre mes mains. C'est ça qui t'angoisse ? Que ça ne m'intéresse pas ? Tu voudrais que je tremble, que j'aie peur, parce que tu pourrais te dire que je ferai pareil quand nous serons séparés."

En conclusion, j'ai trouvé ce roman très fort, très prenant, haletant même, je l'ai dévoré d'un bout à l'autre, séduite à nouveau pas ce style puissant et cette justesse de ton, et par cette histoire de quête au centre d'un univers mourant. Décidément une auteure dont j'aime les écrits ! A lire.

Ailleurs
 AcrO ; Julien ; Ptitetrolle ....

8 commentaires:

  1. Comme tu le sais, j'ai trouvé les ambiances très bien réalisées... Comme tu le dis, l'auteur à une plume très juste. Et oui, ce roman est angoissant. Jeunesse, certes mais il faut qu'il soit en phase avec son jeune lecteur. Après je trouve l'idée intéressante qu'il existe des romans comme celui-ci dans la gamme jeunesse/YA si large.

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    1. Oui c'est bien que la gamme soit large en matière jeunesse, cela donne pas mal de choix et d'opportunités , surtout lorsqu'il s'agit de romans de qualité comme celui.ci

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  2. He ben dis donc, quand tu te décides à chroniquer tu fais pas les choses à moitié !

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    1. xD c'est limite dithyrambique mais comme tu le dis je ne fais pas les choses à moitié, pourtant je la trouve d'un fouillis cette chronique !

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  3. Hé bien, ça respire l'enthousiasme ici !
    Il faudra bien que je lise ce roman un jour, j'ai envie d'être complétiste en ce qui concerne Justine Niogret (il faut que je lise "Mordred" aussi)... ;)

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    1. Il me manque aussi Mordred à ma liste, c'est une auteur que j'ai aussi envie de lire en entier ^^

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  4. j'ai tout luuuu ! :D
    chronique très sympa (merci de prévenir pour le 4ème de couverture), j'aime beaucoup que tu fasses quelques parallèles avec les autres écrits de Justine Niogret, ça parle vraiment quand on a soi même lu la plupart de ses romans !
    Il est dans mes impératifs pour 2014 celui là, mais avec un tel enthousiasme il risque d'y passer dans les prochains mois. Bon quand je l'aurais acheté aussi hein. :)

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  5. Je l'ai croisé plusieurs fois mais j'ai préféré passer mon tour. Trop glauque pou moi.

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