"En son coeur, en son âme, l'espèce humaine est déséquilibrée.Nous apportons l'équilibré, la durée, la stabilité. C'est juste et indispensable. C'est notre mission. Mais ... Que se passe-t-il quand on rencontre un peuple déjà équilibré?"
Cette citation fait référence à la toute première nouvelle de ce recueil de Lionel Davoust qui nous plonge à nouveau et avec délice dans son monde d'Evanégyre, univers déjà fréquenté dans le très bon La Volonté du Dragon (qui fut d'ailleurs ma toute première lecture de cet auteur que j'apprécie tout particulièrement ).
Lionel nous propose donc une nouvelle plongée dans ce monde à travers six nouvelles qui se situent à différents instants de l'âge d'or du Saint Empire d'Asrethia.
La fin de l’Histoire nous présente le journal tenu par Veithar lors d’une expédition à
travers la jungle de l’Insendra afin de conquérir un nouveau territoire.
L’intérêt de cette nouvelle prend tout son sens dans ces paroles qui prononcent
l’auteur du journal à savoir « Je
vous promets que l’Empire d’Asreth n’est pas votre ennemi. Notre mission est
pacifique. Nous apportons de grands progrès, des merveilles que nous souhaitons
partager avec vous. Nous aimerions parler. » ..... le choc de deux
cultures complètement antagonistes, l’une qui fait corps avec la nature, les
traditions et l’autre, tout en force et convaincue d’être dans son bon droit,
de sauver ces peuplades d’eux-mêmes et par la puissance de leurs armes s’il le
faut. Sauf que la résistance imprévue des enfants d’Isendra aboutira à un final
tout à fait étonnant et poétique.
Ensuite, lors de la Bataille des Brisants qui oppose les guerriers mémoires du Hiéral à l’Empire d’Asreth, nous trouvons deux nouvelles Bataille pour un souvenir (présente dans le recueil L’importance de ton regard) et Au-delà des murs, deux nouvelles qui se lisent en parallèle. Je ne reviendrai pas sur Bataille pour un souvenir qui faisait partie de mes préférés du recueil précédemment cité mais Au-delà des murs met en scène un soldat traumatisé, qui se réveille dans un endroit inconnu, avec perte de mémoire, sans savoir quelle est la réalité du monde qui l’entoure. On assiste à travers ses yeux à la mort du général Erdani, du côté Asreth, bataille déjà vécue au côté des guerriers mémoires. Ces deux points de vue sur cette même bataille sont très intéressants. Les deux nouvelles sont bien écrites avec toujours un petit faible pour Bataille pour un souvenir qui m’a conquise de la même manière que la première fois où je l’ai lue et dont je disais :
Une atroce bataille embellie par la plume de Davoust : eh oui il parvient à poétiser le pire drame humain, c'est fort.
On retrouve ensuite la
généralissime Stannir Korsova (déjà présente dans la Volonté du Dragon) à
travers La Route de la conquête, la
nouvelle la plus importante du récit, pas moins de 150 pages pour vivre la
conquête d’une steppe nommée Océan Vert habitée par un peuple mystérieux. J’ai
beaucoup pensé aux guerres de colonisation des terres nouvelles lorsque les
colons, lourdement armés et convaincus de leur supériorité, tentaient de
soumettre des peuples proches de la nature et des vraies valeurs de la
vie.
J’ai trouvé cette nouvelle
absolument passionnante et bien menée, qui nous met en présence d’un conquête
vouée à l’échec de part les trop grandes différences de points de vue du
conquérant et du conquis .... Un récit très émouvant aussi car on se rend
compte qu’au fil des jours, la conscience de la Généralissime la travaille de
plus en plus sur sa légitimité à forcer un peuple à accepter leurs croyances.
D’ailleurs la fin, ouverte, m’a déçue, pas d’un point de vue de l’histoire
elle-même car c’est tout ce qu’il y a de plus réaliste, mais parce que, prise
par l’espoir, je souhaitais mille fois que tout s’arrange, je me suis faite
avoir par le sentimentalisme, ce qui prouve à quel point j’étais entrée dedans.
« La généralissime promena le regard sur la salle, sur ces visages
détendus, rieurs, sur les musiciens et les chanteurs qui avaient à présent
entamé une mélodie plus joyeuse, encourageant les premiers danseurs de
l'assistance à les rejoindre. Cette culture était figée, comprit-elle, dans un
équilibre effectivement pérenne avec son environnement, garanti par les
traditions, et ce depuis des siècles - peut-être même des millénaires. Isolée
entre des montagnes arides et de la mer, seulement touchée par quelques
échanges commerciaux avec les cités de l'ouest du Grand Sud, elle restait dans
une large partie ignorante des évènements du monde. Aucune des guerres qui
avaient secoué Evanégyre ne les avait touchés, ou tout au plus sous la forme de
rumeurs, de légendes. Le temps ne s'écoulait pas dans l'Océan Vert, ou bien
différemment : une simple horloge marquant le passage des générations, des
lunes, et non celui, bien plus terrible et vertigineux, des guerres, des
nations et des civilisations. »
Au moment de la Seconde
Guerre de l’Evangélyre prend vie le fabuleux Le Guerrier au bord de la glace. Lorsque j’ai
ouvert ce livre, j’étais convaincue que ma nouvelle préférée resterait Bataille
pour un souvenir qui j’avais trouvée particulièrement poignante et émouvante,
et bien sûr excellemment écrite.
C’était sans compter sur le génie de Lionel
Davoust qui une fois de plus, a réussi à me transporter. Cette nouvelle qui
narre le combat des Charistes contre des insurgés est tout simplement superbe,
avec des scènes de combat absolument magnifiques de par un écrit maitrisé et
poétique.
J’ai adoré cette armure
avec une conscience que portent ces guerriers, cette sorte de symbiose entre la
machine et l’humain.
« Une formidable serre griffue aux reflets de
rouille m’enserre le torse comme si la mekana haute de presque vingt mètres
n’était qu’un jouet. Au-dessus de moi, des écailles couleur de cuivre, mais dix
fois plus résistantes, roulent avec une fluidité liquide sur des muscles
parfaitement taillés. Les ailes dorées caressent le ciel à la façon d’une
flamme jaillissante, émerveillement et splendeur dans le corps de l’être le
plus formidable que connaît notre monde, et nous nous élevons parmi les
explosions, les coups, les tirs. »
Ce texte m’a donné envie
que Lionel Davoust fasse un nouveau roman uniquement sur cette période de
l’Evanégyre.
Et enfin le recueil se
conclue avec Quelques grammes d’oubli
sur la neige, qui se situe dans un futur non daté .... une nouvelle qui se
détache des autres, racontée à la façon d’un conte où un roi humain change au
gré du pouvoir qu’il se découvre .... celui de contrôler son temps. Encore un
magnifique écrit, très émouvant et sensible. La fin est très réussie.
Encore une fois je réalise
à quel point il est difficile d’écrire un billet sur des nouvelles ... surtout
lorsqu’on essaye de trouver, à travers ses pauvres mots, ceux qui rendront
correctement la beauté de ces textes. Je me rends compte que plus l’écrit est
fabuleux de sensibilité, d’émotion et de qualité littéraire et moins je
parviens à rédiger quelque chose de correct et de maîtrisé.
Il n'est pas facile d'être chroniqueur !
Bon cela dit, une fois de plus
j’ai été conquise par ce nouveaux recueil La Route de la conquête : et en fermant
le livre j’ai vu sur les dernières pages : Port d’âmes à paraître en août
2015 ce qui m’a arrachée un grand soupir de bonheur. Vivement la suite
alors !
Pour la petite anecdote,
j’étais en plein dans La route de la conquête lorsqu’un matin j’ai entendu à la
radio le trio des best sellers français de l’année à savoir Musso, Pancol et Levy. ...
je n’ai pu m’empêcher de regretter que beaucoup de lecteurs français ne
retiennent que ces auteurs à succès tout en passant à côté d’auteurs tellement
exceptionnels comme Lionel Davoust, Jean-Philippe Jaworsky ou Justine Niogret (et je n’oublie pas Sylvie Lainé ou Mélanie
Fazi pour les nouvelles).....
Quel regret que la littérature SFFF ne soit pas
mise plus en valeur et que certains se contentent de la littérature grand
public qui – j’ai lu un livre de Musso et deux de Pancol- sont incapables de me
transporter comme le font si bien les auteurs que j’aurais cités dans mon top à
moi.
Tant pis pour eux et tant
mieux pour nous blogueurs de la SFFF qui avons su trouver où se cachent les
perles rares de la littérature française.
Ailleurs
Lorhkan ; Efelle ; Xapur ; Cédric Jeanneret ...
Ah, les grand médias... Le jour où ils mettront en avant la SFFF, c'est que le monde aura bien changé !
RépondreSupprimerEn tout cas, excellent recueil, avec plein de récits bien écrits et intelligent. J'aime beaucoup le fait que Lionel Davoust ne prenne pas de parti et entretienne une belle ambiguité sur le désir de conquête de l'Empire d'Asreth.
Vraiment une très belle série, dont j'ai hâte de lire la suite.
En tout cas le top 3 des blogueurs serait totalement différent de ceux des médias, c'est le principal ^^
SupprimerOui tu as tout à fait raison sur le fait de ne pas prendre parti, vivement la suite, c'est de la fantasy originale et intelligente :)
Il a annoncé une suite ?
SupprimerVoilà qui m'intéresse.
Oui à la dernière page :)
SupprimerAu programme un jour de mon côté ^^
RépondreSupprimerBientôt j'espère :p
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